Le 22 décembre 2013, Gautier Garanx surfait une vague de Belharra terrible et somptueuse, tracté par Julien Molia. 62 pieds, soit environ 19 mètres, creuse à souhait. Violente aussi, quand elle percute le surfeur à la fin du dévalement. Le « ride » lui vaudra de recevoir le trophée Billabong XXL de la plus grosse vague surfée dans l’année. Le Graal des « chargeurs », comme on surnomme ces surfeurs de géantes, pour l’engagement que suppose la pratique. Il y a neuf ans, quelques secondes d’un jour d’hiver allaient changer la vie de Gautier Garanx.
Quand arrive Belharra dans votre parcours de surfeur ?
Cela faisait trois ans que je surfais en tracté avec Julien Molia. Le tracté nous a permis d’aller au-delà des vagues de 4 ou 5 mètres qu’on prenait à la rame. On a fait notre premier hiver en 2010, à Anglet. Et la première fois à Belharra, l’hiver suivant.
Faut-il se faire sa place sur cette vague ?
On arrive derrière « les historiques », comme Peyo Lizarazu, Fred Basse, Michel Larronde… On les connaissait tous de vue. Il y a du…
Le 22 décembre 2013, Gautier Garanx surfait une vague de Belharra terrible et somptueuse, tracté par Julien Molia. 62 pieds, soit environ 19 mètres, creuse à souhait. Violente aussi, quand elle percute le surfeur à la fin du dévalement. Le « ride » lui vaudra de recevoir le trophée Billabong XXL de la plus grosse vague surfée dans l’année. Le Graal des « chargeurs », comme on surnomme ces surfeurs de géantes, pour l’engagement que suppose la pratique. Il y a neuf ans, quelques secondes d’un jour d’hiver allaient changer la vie de Gautier Garanx.
Quand arrive Belharra dans votre parcours de surfeur ?
Cela faisait trois ans que je surfais en tracté avec Julien Molia. Le tracté nous a permis d’aller au-delà des vagues de 4 ou 5 mètres qu’on prenait à la rame. On a fait notre premier hiver en 2010, à Anglet. Et la première fois à Belharra, l’hiver suivant.
Faut-il se faire sa place sur cette vague ?
On arrive derrière « les historiques », comme Peyo Lizarazu, Fred Basse, Michel Larronde… On les connaissait tous de vue. Il y a du respect. On a pris le temps pour se faire notre place. On n’a dérangé personne. Pendant un an, on n’a surfé que la droite. C’est la gauche qui déroule le mieux, qui est la plus longue, la plus belle avec la perspective sur La Rhune. C’était aussi une façon de se rassurer. Si tu tombes à gauche, derrière tu peux bouffer les autres vagues de la série. À droite, tu es tout de suite dans le chenal, tu ne te fais pas foudroyer.
Julien et vous êtes des gars de la gauche maintenant…
Quand il y a une belle houle, on va encore beaucoup à droite car il y a moins de monde pour la chasser.
Est-ce entrer dans un autre monde que de surfer Belharra ?
Complètement. Il n’y a pas d’étape intermédiaire, chez nous. La plus grosse vague que tu prendras en France, c’est 5 ou 6 mètres, à Avalanche ou Guéthary. Belharra, c’est minimum 10 mètres.
On parle souvent de sa vitesse de déferlement extrêmement rapide…
C’est une vague qui va à 60 km/h. C’est énorme. Elle est aussi très atypique par son amplitude : elle bouge beaucoup sur son fond rocheux, son territoire est très grand, elle ne casse pas toujours au même endroit. Il y a quelques années, les Américains sont venus, ils hallucinaient devant l’étendue de la ligne de houle.
Peut-on parler de vague mythique ?
Elle l’est ! Tu es en pleine mer, à 3 kilomètres au large. Il faut des conditions de météo très particulières pour qu’elle déferle. C’est compliqué et rare. Elle s’est levée lundi (le 7 novembre, NDLR) et on l’attendait depuis deux ans. Tu peux la voir 4 ou 5 fois en un hiver et puis elle disparaît trois ans. Ce n’est pas Nazaré, où tu sais que du 15 octobre au 15 mars, ça va fonctionner tous les jours, qu’elle fasse 10, 20 ou 30 mètres. L’incertitude de Belharra la classe à part. Et puis tu entends des histoires de pêcheurs pour qui c’est un endroit de mort, où l’eau est sombre. C’est hostile. Avec Justine Dupont et Fred David, on a organisé une plongée en gueuse. On est descendu à 22 mètres, on a marché sur le sol de Belharra. Ça démystifie l’endroit.
Qu’est-ce que le prix XXL 2014 de la plus grosse vague surfée a changé dans votre vie de surfeur ?
Il y a d’abord eu le moment : aller chercher le prix dans la Mecque du surf, devant des types que tu admires, c’est hallucinant. Avec Julien, on n’était personne et on débarque là-dedans. C’était génial. Après ça, on nous a identifiés. Ça nous a ouvert les portes de Nazaré, par exemple. Tu te retrouves invité, on t’ouvre les portes du port, tu es au briefing sécurité, on t’offre des bonnes conditions.
Le prix a-t-il attiré des sponsors ?
Oui. Dans ton surf de tous les jours, tu es Gautier, le gars du coin qui surfe pas mal et qui s’achète du matos d’occasion et puis tout d’un coup, on te le donne. Tu ne paies rien. Et tu gagnes en visibilité parce que les marques communiquent sur toi. Tout ça facilite la pratique.
Est-ce vrai aussi pour Julien Molia qui vous tractait sur la fameuse vague XXL ?
À chaque fois qu’on me propose du matériel, je dis que c’est Julien et moi. Comme pour le prix, c’était clair qu’on allait partager la somme (10 000 dollars, NDLR). Je sais très bien que c’est le hasard du jour qui fait que je suis monté le premier sur la planche et que j’ai eu cette vague dingue. Ça aurait pu être Julien, avec moi sur le Jet. Ce qui est cool, c’est que les médias l’ont compris. Ce qu’on fait depuis, c’est Julien et Gautier, Gautier et Julien.
Cela fera bientôt dix ans : vous parle-t-on encore de cette vague ?
Il y a eu un reportage sur France 2, « Dompteurs de géants », qui tourne encore pas mal. Ça entretient le truc. Les gars t’en parlent, même à l’eau. Sur un spot bondé, tu auras sans doute plus de vagues. C’est hallucinant : cette vague, elle est là tous les jours avec moi.
À l’époque de « votre » vague, vous étiez ce salarié de Leroy Merlin qui a posé des jours de congé pour aller recevoir le prix de la plus grosse vague de l’année surfée sur la planète…
Moi, salarié, Julien, dentiste : on était deux ultra-amateurs dans le monde du surf de gros qui ne concernait quasiment que les ultra-pros. La session est tombée un dimanche, sinon on aurait été au boulot et on n’aurait pas pu la surfer. C’est aussi ça qui fait que beaucoup de gens ont pu s’identifier à ce qu’on a fait.
Belharra a aussi changé ça…
Si je n’avais pas eu cette vague-là, jamais je n’aurais monté une école de surf, à Ondres. Aujourd’hui, c’est mon métier. Ça marche bien, c’est top. Et c’est grâce à Belharra. Ça veut aussi dire que je ne peux pas déléguer : les gens veulent apprendre avec le gars de Belharra. Je travaille avec ma femme, qui fait un reportage photo sur chaque cours. Même si on réfléchissait à tout ça, on peut dire que cette vague a changé notre vie.
Elle aurait aussi pu vous l’ôter, la vie. Vous prenez deux vagues sur la tête : l’énorme mousse de celle que vous avez surfée vous « mange » et la suivante vous recouvre. Vous ressortez exsangue…
Derrière, je n’ai pas surfé pendant huit mois. J’étais traumatisé. Même dans des vagues d’un mètre, j’imaginais qu’une vague de 20 mètres allait se lever derrière et me bouffer. C’était irrationnel. Et puis l’envie est revenue, ça s’est fait naturellement. Mais je ne serais pas revenu essayer Belharra avec un autre pilote que Julien. C’est lui qui est venu me chercher ce jour-là. On se fait confiance à 200 %. S’il n’est pas dispo, je n’y vais pas.
Le Dr Julien Molia partage avec nous la peur qu'il a eue de ne pas retrouver son coéquipier de tow-in surf, lors de la fameuse cession à Belharra qui a valu à Gautier Garanx, la prestigieuse récompense de la plus grosse vague surfée aux XXL awards 2014.https://t.co/32u4KJDCgb pic.twitter.com/zo0yXikrNj
Combien de temps passez-vous sous ces deux vagues ?
C’est 25 secondes à chaque fois. C’est long, croyez-moi. Quand je suis remonté, j’étais dans le même état qu’une apnée de 5 minutes 30 en piscine. Il faut arriver à rester calme. J’ai travaillé sur un point d’ancrage, je touche mon pouce et mon index, ça me met dans ma bulle, dans le calme. C’est après que je commence à lancer les bras pour remonter. Mais ce jour-là, ce qui m’a sauvé sur le moment, c’est de savoir que les pompiers étaient sur le spot avec leur bateau. Peyo (Lizarazu) les appelle la veille des sessions de Belharra. Je les vois entre les deux vagues. Je me dis que si je ressors inconscient, ils me feront repartir.
Avez-vous fait évoluer votre préparation ?
Je m’entraîne mieux et plus. Par exemple, à l’apnée avec le club Biarritz Chasse Océan. Après on met des choses en place, comme apprendre à tomber avec les mains sur le gilet pour activer les cartouches d’air et le gonfler. Parce que tu peux ne jamais arriver à ramener les bras. C’est comme si on te tenait les bras. On met des choses en place pour retrouver l’intensité de l’effort sur les grosses vagues, mais tu n’auras jamais les conditions de stress du jour J.
Avez-vous revécu un moment critique tel que celui que vous avez connu à Belharra ?
On l’a expérimenté à Nazaré où on s’est bien fait défoncer. On y a cassé un Jet. Mais avec Julien, on savait qu’on pouvait compter l’un sur l’autre. C’est fondamental.
La mort plane toujours sur le surf de gros…
À Nazaré, il y a quelques années, l’employé de la Ville qui gère le spot nous a dit que la municipalité a déjà préparé un plan de communication pour le jour où il y aura le premier mort. Ça fait froid dans le dos.
Le 22 décembre 2013, votre Belharra mesurait près de 19 mètres : est-ce un record personnel à battre ?
Pas du tout. On ne fait pas la chasse aux records. Moi, une prévision de 30 mètres, je n’y vais pas. On veut que ça reste du plaisir. D’ailleurs, c’est clair avec nos sponsors : on ne veut pas engager notre vie. Une vague de 25 mètres, ça ne me fait pas rêver. Je me mets en boule sous mon lit et je dis que j’ai le Covid.
En vingt ans, Belharra est passée du rêve d’une poignée de surfeurs qui l’observaient depuis la corniche à un vague ciblée par tous les « chargeurs » de la planète…
On arrive à un moment où le surf de gros est banalisé par la profusion d’images de ces vagues géantes. Aujourd’hui, tu montres une vague de 5 ou 6 mètres à Avalanche surfée à la rame, personne ne va s’arrêter dessus. Une vague de 20 mètres à Nazaré n’a plus rien d’extraordinaire. C’est fou ! Tu as beaucoup de nouveaux arrivants au surf tracté à Belharra qui pensent que c’est facile. C’est sûr que quand tu vois Peyo sur la vague, ça semble facile, mais on oublie qu’il la surfe depuis vingt ans, que c’est un sportif de haut niveau ultra-entraîné.
Un problème de sécurité se pose sur le spot ?
Lundi (7 novembre 2022, NDLR), je pensais qu’il y aurait un accident. Je recevais des messages tous les jours de mecs qui voulaient venir, qui me demandaient à quelle heure c’était, si j’avais une planche à prêter… Les habitués, on est équipé. On s’entraîne. Sur place, on branche notre VHS sur le même canal pour venir en renfort si quelqu’un tombe. On respecte quelques règles. Ça se complique quand vous avez un grand nombre d’équipages dont certains mal préparés, mal équipés, imprudents.
Cela crée-t-il des tensions ?
Forcément. Au-delà de la concurrence sur la vague, si un mec se met en danger et qu’il n’a pas de sécu, la mienne va y aller et je n’en ai plus. On ne tient pas à ce qu’un jour, les Affaires maritimes viennent nous dire : « C’est fini, on ferme la zone ».

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