Par Florent Pecchio
Vendeurs trop gourmands, acheteurs résignés qui acceptent des prix très élevés, ventes de biens en quelques jours à peine… plusieurs agents immobiliers racontent les excès du marché immobilier annécien.
Irrationnel. Incroyable. Qui dépasse l’entendement. Les mots et les adjectifs ne manquent pas, ces dernières années, pour décrire le marché de l’immobilier à Annecy, qui viennent à la bouche de quiconque cherche à se loger sur le bassin.
Pour mieux cerner certains excès dans cette course parfois effrénée au logement, dans ce territoire où la demande dépasse largement l’offre, l’Essor a demandé à plusieurs agents immobiliers du territoire de raconter leurs propres anecdotes pour décrire ces phénomènes.
« C’est délirant », raconte par exemple Guillaume Dupleix, agent immobilier spécialiste du bassin annécien, pour le compte de CLCV et d’Hestia. « Tous les biens que je rentre en ce moment, ils sont vendus en l’espace d’une semaine ou quinze jours. Et tout part au prix », insiste-t-il, ce qui signifie que les acheteurs ne prennent plus le risque de négocier un prix de vente, de peur d’être doublé par quelqu’un d’autre. « Un bien qui est bien situé, qui est proposé au bon prix, il part tout de suite, résume Guillaume Dupleix. Souvent dès la première visite ». Et d’après lui, « le marché locatif est encore plus fou ».
« En ce moment, les gens sont frileux à vendre, il y a relativement peu de biens sur le marché », estime Myriame Desandré, mandataire indépendante, pour le compte de LFB immobilier. Résultat : la tension est maximale du côté des acheteurs, qui doivent être réactifs et parfois peu regardants sur le niveau de prix proposé. Un cas typique s’est présenté dernièrement : « une villa traditionnelle proche d’Annecy, avec piscine, un peu de terrain, au prix du marché. J’ai été assaillie d’appels ! Et ça a commencé à peine l’annonce postée. » La maison s’est vendue en quelques jours. « Et ce phénomène est pire en bord de lac ou dans le Triangle d’or à Annecy », estime la professionnelle. D’après elle, « certaines annonces ne sortent même pas en ligne », elles sont fléchées vers des clients potentiels connus de l’agent immobilier, et qui sont parfois prêts à acheter « comptant » un appartement.
C’est ce que confirme Christophe Trezy, consultant immobilier chez Foncia : « Je viens de vendre un appartement en vieille ville, sans même l’avoir mis en ligne. Des ventes très rapides, on en a plein d’exemples. En revanche, si le vendeur est trop gourmand, la plupart du temps ça ne fonctionne pas. ».
Francis Feugnet quant à lui, agent immobilier chez Stéphane Plaza, ne manque pas d’exemples pour illustrer certains excès. Dans son expérience récente, plusieurs biens ont donné lieu à une surenchère inattendue. Ainsi cette « maison à Annecy-le-Vieux », dans le secteur de l’université. Une zone recherchée, certes, mais la bâtisse est entièrement à rénover. Elle a été vendue 770 000 euros… alors qu’elle avait été affichée au départ 300 000 euros moins chère !
Autre illustration de l’irrationnel : un appartement vendu près de la gare d’Annecy, il y a quelques semaines, acheté par un Suédois. « L’annonce était en ligne le vendredi soir, l’acheteur m’a écrit deux heures plus tard, depuis son canapé à Stockholm. Le week-end, il a pris l’avion, il est venu acheter cet appartement le lundi », se souvient Francis Feugnet. Un T2 de 47 m2 à environ 500 000 euros, soit un prix au mètre carré proche des standards parisiens.
La plupart des agents immobiliers contactés par l’Essor sont d’accord sur un point : cette tendance qui suit le marché immobilier annécien ne devrait pas s’essouffler de suite. La demande, même si elle n’est pas aussi marquée que dans les mois post Covid, reste très haute. « Des acquéreurs se positionnent sur des biens qui sont trop chers par rapport au marché, mais ils franchissent le pas parce qu’ils en ont marre de chercher », précise Francis Feugnet. Une résignation qui, par effet mécanique, contribue aussi à faire grimper les prix.