En 2021, les dossiers traités par l'association ont augmenté de 18 %. Cette année, en lien avec la polémique sur les maisons de retraite, les signalements en établissements ont bondi de 40 %. On fait le point avec l'association Allô maltraitance pour les personnes âgées et handicapées, qui tenait son assemblée générale à Narbonne.
Anne-Marie Bonnery, présidente d'Alma 11, et Danielle Rangoni, secrétaire : "En 2021, nous avons eu une augmentation des dossiers de 18 %, soit 45 dossiers traités contre 38 en 2020. Le fait marquant est que 8% de plus de victimes ont téléphoné elles-mêmes à l'association. Jusqu'alors elles n'étaient que 1 %. Elles sont moins vulnérables et mieux informées. Le confinement a été une période difficile, mais les victimes se sont peut-être senties plus soutenues : notre numéro a été largement diffusé aux espaces seniors du Département, qui a repéré les personnes isolées et vulnérables. Celles-ci se sont senties autorisées à demander de l'aide. En 2022, ça ne s'arrête pas. Au 1er trimestre, nous avons 40 % d'appels supplémentaires pour des cas de maltraitance en établissement. Ce phénomène est directement lié à l'actualité dans les maisons de retraite".
"Les maltraitances sont multiformes. Mais elles interviennent toujours sur un plan psychologique et très souvent financier, parfois physique, et sur la base de conflits familiaux qui se dégradent. La maltraitance financière c'est priver une personne de ses ressources ou de son logement en la cantonnant à un petit espace. Cela peut aussi être des demandes abusives de protection juridique, des substitutions de papiers, de cartes bancaires. Aujourd'hui, du fait de la médiatisation de cas en Ehpad, on monte aussi en charge sur les situations de maltraitance institutionnelle en établissement".
"Nous sommes là pour écouter et orienter. Nous signalons les cas de maltraitance à domicile au Département (qui mène des enquêtes), et à l'Agence régionale de santé quand ils ont lieu en établissement. On clôt le dossier quand on parvient à un apaisement ou quand l'appelant se sent en mesure de défendre ses intérêts. Même si on ne va pas sur le terrain, on suit les dossiers. Mais concernant les moyens judiciaires, on est désolé quand on voit une personne handicapée toujours maltraitée par son tuteur malgré nos signalements… C'est uniquement quand on estime la personne en danger réel que nous pouvons prévenir le procureur ou les gendarmes. C'est frustrant et compliqué. Cela veut dire qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. D'ailleurs, nous souhaitons travailler plus avec l'Agence régionale de santé et être intégrés à leur comité de réclamation".
"Si on insiste sur la formation, on pourra stimuler les consciences. Or, il existe une peur des professionnels à faire remonter les cas de maltraitance. Ils ont peur des représailles de leur hiérarchie. Ils savent que parfois, certains types de maltraitance sont inévitables, car le personnel est réduit ou non formé, les conditions de travail sont difficiles, les plannings changent… Certains s'enferment et avec la routine, finissent par banaliser. Ils manquent aussi de temps de parole et d'analyses de pratiques. Celles-ci doivent être développées dans toutes les structures, mais ce n'est pas obligatoire. Notre association mène des actions de formation et de prévention auprès des personnels en Ehpad quand on nous le demande… mais on nous le demande très peu".
"Nous intervenons dans les Instituts de formation de soins infirmiers et d'aides soignants. En 2022/2023, nous allons mettre l'accent sur ce volet en généralisant ces formations à tous les auxiliaires de vie, aux aides à domicile et aux établissements qui en feront la demande. Nous irons également voir les étudiants des carrières juridiques pour les sensibiliser. De plus, le Code pénal dit que le citoyen a obligation de signaler les cas de maltraitance, sous peine d'une amende de 45 000 €. Il faut comprendre que signaler, ce n'est pas dénoncer, c'est protéger".
À l'occasion de l'assemblée annuelle d'Alma 11, Séverine Mateille, vice-présidente du Conseil départemental chargée de l'autonomie, a pris la parole. "Plus de 350 signalements par an sont effectués au Pôle personnes âgées personnes handicapées dans l'Aude. Or, nous sommes démunis sur le volet judiciaire car il existe peu de leviers pour protéger les personnes majeures. On attend une réaction des instances nationales et notre vœu est qu'on mette enfin les moyens pour nos aînés et les citoyens en situation de vulnérabilité. On peut s'étonner d'avoir encore des signalements de personnes quasiment à l'abandon en 2022 ! Comme il y a 15 ans pour la protection de l'enfance, les langues se délient et les signalements de maltraitance augmentent. Leur nombre va devenir exponentiel. C'est bien, mais nous avons du retard. Si le Département pratique des contrôles, il faut que la justice mette des moyens efficaces et efficients".
L'association Allô maltraitance 11 a été créée en 2012. Elle est rattachée à la Fédération 3977 : un dispositif associatif national soutenu par le Ministère de la Santé, qui associe une plateforme téléphonique nationale (numéro 3977 gratuit accessible tous les jours). Ce dispositif reçoit des alertes de la part de victimes, de leurs proches ou de professionnels. Il écoute, soutient, conseille et accompagne les appelants vers les organismes susceptibles de mettre un terme à ces situations. Les appelants peuvent conserver l'anonymat. Outre le 3977, on peut composer le numéro d'Alma 11, le mardi de 9 h à 12 h : 04 68 41 44 04. Ou encore écrire à Alma 11, BP10105, 11101 Narbonne cedex. Rens. : https://3977.fr/
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