Publié
le 08/10/2022 à 19h42
Mis à jourMis à jour
le 10/11/2022 à 14h38
Sophie Bardin
“Je suis là pour être informé et surtout je ne veux pas que notre village devienne une ville. On ne sera plus tranquille ici, il y aura des camions qui traverseront Venoy, ce projet va détruire le village”, estime Alain Schweitzer, 78 ans et installé à Venoy depuis 47 ans.
Le projet en question : la création d’une zone d’activité économique, baptisée AuxR_Eco parc, destinée à accueillir des entreprises spécialisées dans le traitement et la valorisation des déchets. L’initiative est portée par l’Agglomération auxerroise dans le cadre du projet de territoire du président Crescent Marault (LR) et doit voir le jour à Venoy, à proximité de l’A6.
Ce samedi 8 octobre 2022, un rassemblement était organisé sur place, à l’appel de plusieurs associations opposées à la création de la zone sur ce site, dont Respectons Venoy et Auxerre Écologie Solidarités. Une soixantaine de personnes étaient présentes, dont une poignée d’habitants. “Mes grands-parents et mon père ont exploité des terres ici, je connais bien l’environnement, pour moi ce projet est une idée absurde”, assure Christophe Durand, résident des alentours. “Ces terres sont très bonnes du point de vue agricole et je suis totalement pour la préservation de notre belle vallée du Sinotte. C’est une belle campagne, je ferai tout pour sauvegarder notre territoire. On ne veut pas des émanations des déchets, de la circulation.”
Parmi les organisateurs de la mobilisation contre “la bétonisation de la zone agricole”, Florence Loury et Denis Roycourt, élus communautaires d’opposition (EELV). “On n’est pas opposés au projet en lui-même, mais ici, c’est le pire endroit. Il y a notamment des terrains bio liés à un projet pédagogique avec le lycée de La Brosse”, explique Denis Roycourt. “On n’est pas contre l’implantation d’un centre de tri s’il y en a besoin sur notre agglo, mais il y a d’autres espaces pour le faire : des friches industrielles ou AuxRparc, à Appoigny par exemple”, complète Florence Loury. L’élue écologiste pointe par ailleurs deux aspects “flous” du projet : la taille, et le prix d’achat des parcelles par la collectivité.
Fin 2021, le conseil communautaire avait acté la création de la zone sur 40 hectares pour 3.5 millions d’euros. “Le 30 juin, l’annexe d’une délibération présentée en conseil portait sur 90 hectares. Et aujourd’hui, on cherche sur internet ‘écopôle Venoy’ et on trouve qu’il y a un terrain de 90 hectares à vendre pour un parc d’activité. Donc c’est plus que flou”, déplore Florence Loury.
Elle dénonce également l’achat de terres pour une valeur représentant “13 fois le prix estimé par les Domaines”. Le 30 juin 2022, le conseil d’agglomération a acté l’acquisition de 16 hectares de parcelles pour 649.744 euros, soit environ 40.000 euros l’hectare, contre une estimation de 3.000. “On a voté contre, et pendant l’été, on a déposé un recours au tribunal administratif de Dijon”, rappelle-t-elle. “Notre recours a été accepté et c’est maintenant à la collectivité de répondre, de justifier le coût.” Mani Cambefort, élu d’opposition (PS), avait, lui aussi, demandé au cours de l’été au préfet de l’Yonne de saisir le tribunal administratif pour ce même motif. En séance le 30 juin, Crescent Marault avait défendu “un choix politique”, expliquant que “ce n’est pas interdit d’acheter plus cher”.
Des terrains achetés 13 fois plus cher que l’estimation : la zone économique de Venoy contestée devant la justice
Au rang des inquiétudes à Venoy ce samedi, figurait aussi l’avenir des terres exploitées par le lycée La Brosse. “Ce lycée avait fait le choix il y a quelques années de passer à l’agriculture biologique pour anticiper les besoins d’évolution du secteur et les besoins de transition alimentaire et écologique”, explique Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d’agriculture biologique. “Ce changement a eu lieu et devient fragilisé aujourd’hui par le projet, donc je viens ici exprimer mon inquiétude sur le modèle pédagogique du lycée. Quel pire symbole peut-on trouver que d’artificialiser des terres qui étaient là pour donner un exemple à suivre aux agriculteurs de demain ?”
“Il n’y aura pas de disparition de terrains d’agriculture bio autour du lycée, on s’y opposera de toutes nos forces”, affirme Catherine Schmitt, présidente de Yonne nature environnement. “On a prévenu le président de l’Agglo, le maire de Venoy et le responsable de Paprec (entreprise qui devrait s’installer sur la zone, Ndlr). Tout le monde est prévenu, on ne lâchera rien !”
Les réponses de Christophe Bonnefond, maire de Venoy et 1er vice-président à l’Agglomération :
“Cette zone est une zone d’activités économiques (ZAE) au PLU (Plan local d’urbanisme) depuis 2010, donc ce n’est pas nouveau. À l’époque, il avait été écrit que le lycée de La Brosse ne devait pas passer l’autoroute, parce que c’était trop compliqué pour les élèves. La zone prévue devait faire les deux côtés de l’autoroute et le côté La Brosse avait été enlevé, le côté est était privilégié pour les activités économiques”, contextualise l’élu chargé des infrastructures, de l’urbanisme, de l’habitat, des aménagements et des travaux.
Sur la surface de la future zone, mise en doute par les manifestants, Christophe Bonnefond assure : “il reste 90 hectares notés au PLU, mais on ne va pas faire 90 hectares d’unité de traitement de déchets. On était plutôt sur une idée d’une vingtaine ou trentaine d’hectares, le chiffre de 40 a été annoncé à un moment aussi.”
Concernant le prix de vente des parcelles, l’élu défend “des valeurs conformes pour de “l’urbanisable” classé au PLU. “Il y avait à mon sens une erreur dans le document présenté au conseil communautaire, puisque les valeurs des Domaines que l’on a eu depuis, pour ces terrains, sont conformes aux prix de vente. C’est environ 3,80 € le mètre carré, et quand on les achète 4,80 ou 5 €, les gens trouvent que ce n’est pas assez cher. Donc tout est relatif.”
“Les écologistes préfèrent qu’on pollue le sol plutôt qu’on fasse de l’économie circulaire”, regrette Christophe Bonnefond face à la mobilisation organisée samedi. “Ce sont des bâtiments qu’on ne peut pas mettre où on veut, les lois nous imposent d’aller sur des terrains à urbaniser, et dans l’Auxerrois, il n’y a plus que celui-là qui correspond à cette taille, à ce qu’a besoin le porteur de projet. On ne construit pas ce qu’on veut où on veut. Il y a toujours des zones de flou dans les projets économiques tant qu’ils ne sont pas sortis de terre. Je n’en sais pas beaucoup plus, mais je sais pour quoi je me bats : pour qu’on ait une intégration paysagère correcte, qu’il n’y ait pas de camions qui passent dans Venoy et qu’il n’y ait aucun chargement ou déchargement à l’extérieur du futur bâtiment, que tout se fasse à l’intérieur. Mes exigences sont là, depuis le début.”
Les zones d’activités économiques font débat au conseil d’agglomération de l’Auxerrois
Sophie Bardin
sophie.bardin@centrefrance.com
2 commentaires
Christophe Gentaz a posté le 09 octobre 2022 à 17h42
Pourquoi auxparc qui n’est pas du tout occupé par des entreprises est il éclairé chaque nuit ? A l’heure de la nécéssaire sobriété énergétique quel est l’intérêt de cet éclairage visible de nuit depuis l’autoroute A6?
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Citadin a posté le 08 octobre 2022 à 22h53
Oui au développement économique, mais avant de créer plusieurs parcs il serait bien de compléter le premier… AuxR Parc. Non seulement on y refuse des entreprises mais en plus les seuls terrains vendus depuis 2020 sont ceux vendus a Virtuo, qui construit des bâtiments vides sans garantie qu’ils soient loués…
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