La liste des promoteurs immobiliers chinois en difficulté continue de s’allonger. Dernier en date, Redsun Properties a averti vendredi qu’il ne paierait probablement pas son coupon obligataire (initialement dû le mois dernier) avant le délai de grâce qui prend fin le 12 août. Le 88e promoteur chinois a également prévenu qu’il pourrait ne plus être en mesure de respecter ses prochaines échéances bancaires et obligataires sur d’autres coupons « offshore ». « Un processus semblable à un défaut a commencé », a indiqué l’agence Fitch.
Les marchés s’inquiètent de la multiplication des défauts d’entreprises en Chine. La politique « zéro Covid » met la deuxième économie mondiale sous pression et crée un choc sur les revenus des ménages et des entreprises. Déjà mal en point, le secteur immobilier, autrefois pilier de la croissance chinoise, s’enfonce dans la crise. Les emprunteurs chinois ont fait défaut sur un record de 28,8 milliards de dollars d’obligations offshore cette année, selon les données compilées par Bloomberg. Le nombre devrait encore augmenter cette année, selon les analystes de Goldman Sachs.
Les risques de défaut concernent surtout le secteur immobilier . Plus d’un tiers des défauts obligataires en 2021 étaient déjà le fait de promoteurs. Depuis la chute d’Evergrande l’été dernier, les acquéreurs de logements s’inquiètent. Et la crise du secteur s’aggrave. Depuis la mi-juillet, plusieurs dizaines de milliers de clients acheteurs de logements sur plan ont refusé de payer les échéances mensuelles relatives à leur prêt hypothécaire, mécontents de voir la livraison de leur logement suspendue ou retardée à cause de l’arrêt de plusieurs chantiers de construction.
De l’ordre de 300 chantiers arrêtés ont été recensés dans au moins 90 villes, dans un contexte de difficultés financières croissantes. Cette vague de boycott est un coup dur pour les promoteurs immobiliers, dont les financements dépendent de manière accrue des recettes de leurs pré-ventes. Si tous les projets inachevés devaient se solder par des boycotts hypothécaires, Natixis estime que les pertes pourraient atteindre 2.300 milliards de yuans, soit 6 % du total des prêts hypothécaires.
« Le boycott hypothécaire pourrait avoir un effet en cascade sur d’autres parties prenantes », prévient Alicia Garcia Herrero, cheffe économiste Asie-Pacifique chez Natixis, pour qui « le boycott hypothécaire en Chine est la partie émergée d’un énorme iceberg ». En raison de la morosité du marché, la croissance des prix de l’immobilier a ralenti et les ventes de logements pourraient chuter de 30 % en 2022. « Cela pourrait affecter la capacité des promoteurs à servir leur dette et à effectuer les paiements aux entrepreneurs. Les chaînes d’approvisionnement, allant des matériaux en amont aux appareils électroménagers en aval, sont toutes des victimes potentielles », poursuit l’économiste.
Les banques chinoises sont également exposées, via l’accroissement des créances douteuses (« non performing loans » ou NPL) à leur bilan. Selon Jefferies, une faillite de l’ensemble des promoteurs immobiliers nationaux entraînerait une augmentation des NPL au bilan des banques de 388 milliards de yuans (56 milliards d’euros). « Toutefois, la montée des risques liés aux prêts hypothécaires peut constituer la plus grande menace pour les banques, car ces prêts représentent 11 % de leurs actifs, soit plus que les 4,5 % d’exposition aux sociétés immobilières », estime Alicia Garcia Herrero.
La situation intervient alors même que les autorités centrales et locales ont sommé les banques à plusieurs reprises d’accroître leurs efforts pour financer les promoteurs immobiliers en difficulté et leur permettre de délivrer les logements prévendus. Mais les défauts de paiement dans le secteur immobilier et l’affaiblissement de l’économie ont rendu les banques réticentes à prêter, malgré l’afflux de liquidités dans le système. La perte de confiance affecte la demande de crédit et celle-ci sera difficile à restaurer. « Il faudrait des actions herculéennes de la part des décideurs politiques, susceptibles de restaurer la confiance, pour avoir une chance de redresser la situation, estime l’économiste de Natixis. En dehors de ce scénario optimiste, le plus probable est une aggravation du risque systémique avec un effet baissier sur la croissance déjà faible de la Chine. »
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