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Source : JT 20h Semaine
Le Portugal peut-il s'inviter dans le cercle fermé des vainqueurs de la Coupe du monde ? Vainqueurs inattendus de l'Euro 2016 en France, les joueurs de Fernando Santos se sont affirmés ces dernières années comme l'un des cadors du football mondial.
Les résultats en dent de scie – capables d'étriller la Croatie (4-1 en septembre 2020), la Suisse (4-0 en juin 2022) ou encore la République Tchèque (0-4 en septembre 2022) mais aussi de s'incliner contre la Serbie (1-2 en novembre 2021) ou d'être accrochés par l'Irlande (0-0 en novembre 2021) – et certaines prestations sans relief ont certes, parfois, laissé les supporters sur leur faim. Il n'en reste pas moins qu'un groupe lusitanien a rarement paru aussi fourni et talentueux au moment d'aborder une grande compétition internationale que ne l'est celui qui va s'envoler pour le Qatar.
Tout l'enjeu désormais pour le sélectionneur est de trouver la bonne formule, tout en sachant que la star de l'équipe, Cristiano Ronaldo, montre des signes de déclin de plus en plus évident. Du haut de ses 37 ans, emprunté physiquement et plus aussi tranchant à la finition, "CR7" ne fait plus l'unanimité outre-Manche, à Manchester United. Il n'en reste pas moins indéboulonnable aux yeux du technicien portugais. État des lieux avec Gary De Jesus, spécialiste du football portugais et correspondant à Europe 1.
TF1 Info : Le Portugal se trouve parmi les favoris de la compétition. Mais concrètement, quel est l'objectif de cette Seleção ?
Gary De Jesus : L’équipe fait de très bons résultats dernièrement mais une finale de Coupe du monde, ce n’est pas quelque chose d’anodin, de facile. Dans son histoire, le Portugal n'est d'ailleurs jamais parvenu à s'y qualifier, son meilleur résultat étant troisième (1966). Mais au pays, il y a eut un avant et un après Euro 2016. Le Portugal a gagné cette compétition à l’envie, au caractère. Des joueurs habitués à gagner en club ont changé cette équipe. Le fait de remporter la Ligue des nations 2019 a été vu comme une confirmation que le Portugal a achevé sa mue, qu’il fait désormais partie des grandes nations du football. Aujourd'hui, on imagine que la victoire est possible. On se dit que l'on a l'une des meilleures générations que l'on a jamais connues. Le fait de gagner cette Coupe du monde n’est plus qu’un rêve, cela devient un véritable objectif.
Pourtant, la pièce maîtresse de la sélection, Cristiano Ronaldo, connaît des difficultés en club…
Il y a effectivement un doute qui commence à s’installer autour de "CR7". J’ai vu des éditos dans la presse portugaise, qui n’existaient pas avant, qui se demandaient s’il devait être titulaire lors de la compétition. On ne va pas dire que le Portugal est divisé en deux, parce que la majorité du pays soutient Ronaldo et pense qu’il faut le soutenir jusqu’au bout. Mais il y a quand même une petite partie qui commence à imaginer que ce serait mieux sans lui.
Cela peut-il entraîner des changements au sein de l'équipe au Qatar ?
Cristiano Ronaldo est encore au centre du dispositif portugais. Les changements, s’ils doivent venir, ne viendront que d’une seule personne : lui-même. Le sélectionneur, Fernando Santos, ne fera pas quoi que ce soit qui mette en péril la position de sa star ou son importance sur le terrain.
Mais, déjà, il faut savoir que le Ronaldo en club et le Ronaldo avec le Portugal sont deux personnes radicalement différentes. L’image qui lui colle parfois à la peau en club, très individualiste, est beaucoup moins importante avec le Portugal. On a ainsi pu le voir, notamment pendant l’Euro 2016, haranguer ses troupes comme s’il était coach assistant, se mettre beaucoup plus au diapason de l’équipe.
Dans les faits, l'attaquant a commencé à faire évoluer son jeu ces derniers mois. On a pu en voir les prémices lors des barrages contre la Macédoine du Nord et la Turquie. Il bouge beaucoup plus qu’avant, il crée des espaces. Il n’est plus celui qui aimante tous les ballons. Ses coéquipiers ont également commencé à changer : ils ne sont plus obnubilés par Cristiano. L'un des buts contre la Macédoine du Nord est particulièrement révélateur : Jota au deuxième poteau reprend parfaitement un centre de Bruno Fernandes. Or, c'est la course de Ronaldo au premier poteau qui a ménagé l'espace au joueur de Liverpool.
Je suis plutôt positif par rapport à sa métamorphose au sein de la sélection parce qu’il est capable, pour gagner une Coupe du monde, de se "sacrifier".
Mais ses difficultés à Manchester United ne le plongent-elles pas dans le doute, tout en le rendant moins important aux yeux de ses équipiers ?
Au contraire, je pense que le Portugal va, en quelque sorte, bénéficier de ce qui se passe actuellement à Manchester. Le fait qu’il perde un petit peu de sa superbe, de son envergure, permet de donner plus de place aux autres. D’autres joueurs peuvent évoluer dans cette équipe, prendre plus d’importance dans le jeu. Cela commence à se voir.
Sur le plan athlétique, il y a deux écoles. Certains estiment que c’est une bonne chose que "CR7" ne joue pas tous les matchs, lui qui arrive à un âge où la multiplication des rencontres de haute intensité peut être difficile à gérer. Il va donc nécessairement arriver frais physiquement au Qatar. D’autres pensent qu’il n’arrivera pas suffisamment en forme, car en manque de rythme. À titre personnel, étant donné son âge et les prestations qu’il va devoir aligner au fil des jours, dans des matchs très rapprochés, je préfère qu’il joue moins et qu’il soit en forme pour la Coupe du monde.
Dans tous les cas, j’imagine un Cristiano Ronaldo très revanchard. Et puis, il fait partie – avec Pepe notamment – des joueurs qui tirent les autres vers le haut, qui sont garants d'une grande force mentale. Un facteur qui peut, comme à l'Euro 2016, permettre au Portugal de faire la différence.
Si ce n'est pas "CR7", où se situe alors le "problème" du Portugal, qui a déçu au Mondial 2018 et à l'Euro 2021 ?
Je suis convaincu qu'il est plutôt à chercher du côté du banc. La victoire à l’Euro 2016 a donné une sorte de totem d’immunité à Fernando Santos. Pourtant, certains de ses choix sont loin d'avoir fait l'unanimité, comme la faible utilisation de Rafael Leao.
C'est un peu un coach à l’ancienne. Il mise sur les individualités et sur l’esprit collectif, mais pas forcément sur une tactique très évoluée. Et il tâtonne beaucoup, au milieu de terrain et devant, sur l’organisation de son équipe. Ce n’est pas tant sur l’aspect tactique – puisqu'il est relativement rudimentaire – que sur le profil des joueurs à utiliser.
Mais la présence de Ronaldo ne limite-t-elle pas une expression collective plus aboutie, notamment pour ce qui est du pressing ?
Le coach moderne qui joue avec la pression haute, en transition et vite vers l’avant, ce n’est pas un coach qui est aux commandes du Portugal. Aujourd’hui, on a un sélectionneur qui mise plutôt sur un bloc solide et le fait de rester bien en place. Ensuite, offensivement, c’est un peu la clé aux joueurs et à leur esprit créatif. Bien sûr, Cristiano Ronaldo dans une équipe menée par Guardiola ou Klopp serait problématique mais menée par Santos, on n’a pas ce problème-là.
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