l’essentiel En novembre, en préambule de la soirée des Trophées du rugby amateur du Tarn, Guy Laporte, dont on a appris ce samedi 29 janvier le décès, avait accordé à La Dépêche du Midi un long entretien dans le club house du club de Graulhet, dont nous conservions une partie en vue d’une future publication. Entre sourires, boutades et éclats de rire, l’ouvreur aux 16 capes avec le XV de France avait partagé ses grands souvenirs de carrière.
Guy Laporte, votre aventure à Graulhet a démarré grâce à des anciens de Rieumes, le club de vos débuts… 
Oui il y avait une relation entre les deux clubs. J’avais regardé pour jouer au Stade Toulousain mais avec Jean-Louis Bérot à l’ouverture et Pierre Villepreux à l’arrière, je n’aurais joué qu’en Challenge Yves du Manoir, quand eux seraient avec l’équipe de France. En fait, d’anciens joueurs de Rieumes étaient partis à Graulhet, comme Marc Olivier, Guy Lacan ou André Abadie, capitaine emblématique et international. Tous me disaient : "Tu verras, ici, quand tu joues au pied, tu seras tranquille !" Et puis je suis venu et cela s’est avéré être un choix déterminant.
Et dès votre première année, vous vivez un moment fort en 8e de finale du championnat de France contre Agen, en avril 1973 (victoire 12-7)…
Exact, le match était à Lourdes. C’est facile à dire mais il n’y a qu’à Lourdes qu’on peut faire des miracles (rires). On n’était pas favori. Agen venait de battre le grand Béziers en finale du Du Manoir. Ils se disaient qu’ils ne feraient qu’une bouchée de nous. Mais on est parvenu à les faire déjouer, à redoubler de vaillance et d’opiniâtreté. Quel match. Ils nous cassent un pilier d’entrée, le troisième ligne le remplace. Notre talonneur, Alain Abadie, avait été incroyable. Il n’avait pas perdu un ballon ! Et puis notre arrière s’est claqué.
Et vous finissez la partie à 13.
Oui enfin à 14 car il est quand même resté dans un coin du terrain !
Lors de cette rencontre, vous passez surtout une pénalité de 55 mètres en coin…
Et contre le vent ! Bon, ce n’était pas la tramontane non plus. Disons que j’étais assez doué pour ça. À l’entraînement j’en passais déjà, des 60 mètres même. Alors je me suis dit que 55 en coin, ça pouvait se tenter.
Même si vous aviez inscrit trois points de plus après, c’était quand même la pénalité de la gagne. Où avez-vous puisé une telle confiance ?
C’est tout un ensemble. Je me souviens qu’à l’échauffement, 200 personnes se massaient autour de l’équipe d’Agen. Nous, à part le soigneur… Alors on se remontait, prêt à y laisser toutes nos forces. Et ça nous a souri. Vous savez, j’ai revu l’arbitre de la partie, M. Messan, et il m’a dit : "Poh Agen, ils m’en ont voulu longtemps !" (pour avoir sanctionné le SUA suite à un plaquage à retardement de Tourné sur Bellot). Jamais il n’aurait pensé que je la passerai !
Vous figurez parmi les vainqueurs du Grand Chelem 1981 avec le XV de France. Quel souvenir en gardez-vous ?
Super ! En plus j’étais avec mon pote Daniel Revallier, un joueur de devoir qui est indispensable dans une équipe. Et puis 1981 c’est avec Jacques Fourroux, alors sélectionneur qui avait remis de la solidité dans le pack en allant chercher des Revallier, Dospital, Imbernon. Car avant cela, le pack était défaillant, il reculait et ça ne gagnait pas. Fourroux, c’était un meneur d’hommes. Il fallait voir comment il remontait les mecs… avec des petits coups de tête et tout. Ils auraient tué père et mère pour lui. Il était dans un autre monde. Quand il m’avait appelé pour participer au Tournoi, il m’avait lâché : "Guy, je ne te demande qu’une chose, c’est de me foutre les mêmes drops que ceux que tu as mis contre Auch avec Graulhet !" J’en avais passé des 40 ou 50 mètres en sortie de mêlée et ça l’avait marqué. Les drops, ça me plaisait.
Et cette demande, vous l’avez respectée à la lettre.
Oui contre l’Irlande, au bout de 30 secondes j’en réussis un, puis un deuxième dans le match. Honnêtement, c’est mon meilleur souvenir. Je l’aurais rêvé – ce que j’avais fait d’ailleurs – que ça n’aurait pas pu être aussi bien ! C’était ma première année en Bleu, tout s’est bien déroulé. Les Irlandais étaient les grands favoris et on les a fait déjouer, avec un remarquable travail de nos avants. Ils ont un peu fait pivoter la mêlée tout le match et les Irlandais n’ont pas su s’adapter.
Vous avez justement vécu une époque d’épanouissement du XV de France. Qu’a apporté Jacques Fourroux ?
Il cherchait la gagne, en essayant de mettre en place une bonne conquête. On devait toujours avancer. Il n’était pas contre le jeu de trois-quarts, d’autant que ça cavalait derrière. Mais il ne voulait pas attaquer pour attaquer, il visait l’efficacité, la rentabilité. Il m’interdisait de louper une seule touche. Pourquoi ? Parce que sinon derrière, contre les Gallois ou autres, on se faisait emporter.
Avec lui et le XV de France, vous avez eu la chance de participer à la première Coupe du monde de l’histoire, en 1987.
Une grande expérience. Tout était différent d’aujourd’hui. Par exemple, on était trois équipes dans le même motel : les Fidji, les Gallois et nous. Et les Fidjiens qui se levaient à 5 ou 6 heures du matin pour s’entraîner… Ils nous avaient fait tourner la tête en quarts de finale aussi (victoire des Français 31-16), avec ce qu’on appelait à l’époque le rugby de cirque. C’est vrai, des passes à une main, on n’avait jamais vu ça !
Au cours de votre carrière, y a-t-il des joueurs qui vont ont marqué ?
Roland Bertranne, qui dégageait une force et une sérénité, comme Philippe Sella d’ailleurs. Je pense également à Pierre Berbizier et sa vaillance remarquable. Il incarnait le parfait demi de mêlée, toujours en train de vouloir jouer, animer.
Votre après-carrière, comme manager des Bleus et directeur de tournée a elle aussi été riche. Qu’en retenez-vous ?
Il y a forcément cette série en Nouvelle-Zélande, contre les Lomu ou Fitzpatrick. À ce sujet, on est toujours la seule équipe de France à avoir remporté ses deux test-matchs là-bas. Pierre Berbizier, l'entraîneur, avait fait un formidable travail afin de conditionner physiquement les joueurs. Ce n’était pas simple, la presse locale nous promettait l’enfer, le public exerçait une énorme pression.
Cette tournée a marqué pour le fameux "essai du bout du monde".
Magnifique cette action ! Quel essai quand on y repense. Ce qui est savoureux, c'est qu’à l’issue de notre succès à Christchurch, Sean Fitzpatrick (capitaine des All Blacks) avait dit : "Français, méfiez-vous. Lors du second match, on va tout emporter." Et beh tiens ils n’ont emporté que dalle ! Ils menaient jusqu’à la fin et hop, ils ont perdu.
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Est ils vaccinés ?
Mon époque, le temps où Graulhet était un grand club habitué des phases finales.
Une page se tourne, il va retrouver quelques uns de ses camarades de près.
Un bon 10. Repose en paix.
Il m'a souvent fait voir son numéro.
Condoléances à la famille.

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