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Soyons sérieux! Le Museum für Gestaltung de Zurich, dont je vous ai plusieurs fois parlé, se lance à la fois dans la numérisation et l’écologie avec trois expositions. Pas moins que ça! Une se déroule à l’intérieur de son siège historique, 50, Ausstellungstrasse. Les deux autres dans ses locaux de la Toni Areal, ceux-ci venant de subir (déjà…) une petite rénovation. Notons que les propos tenus par ce trio vitaminé font chambre séparée. Le futur technologique se trouve dans le vieux bâtiment des années 1930, tandis que les arbres et les plantes ont trouvé place dans une Toni Areal sentant bon le béton. Un joyeux contraste.
Je vais commencer par ces derniers. Les deux expositions proposées peuvent sembler liées, même si elles ont été conçues dans des pays différents par des gens ayant peu à voir ensemble. C’est ainsi le duo de designers Formafantasma est responsable de «Cambio, Baum, Holz, Mensch», conçu en dialogue avec les Serpentine Galleries de Londres. Le tandem formé par Andrea Trimarchi et Simone Farresin, qui travaillent ensemble depuis 2009, a ici étudié l’industrie du bois dans son ensemble. Il s’est interrogé sur le rôle que le design joue, ou pourrait jouer, dans l’actuelle crise climatique. Les Italiens se sont donc intéressés au commerce des troncs, des poutres et des planches. Ce dernier a pris un tour mondial dès le XIXe siècle, et on le sait dominé depuis peu par les Chinois. Ces derniers ont acheté tout ce qu’ils ont pu pour nous le revendre au prix fort.
Très esthétisante et très design, ce qui peut paraître normal vu les auteurs, l’exposition se présente comme une installation dans un musée d’art contemporain. C’est magnifique à voir. Il y a en plus quelques vidéos, comme dans une biennale. J’ai été particulièrement frappé par les étagères murales dévoilant une stupéfiante collection d’échantillons de toutes les essences possibles. Les empilements proposés par ailleurs m’ont aussi séduit, mais sensuellement. «Cambio & Co» reste en effet difficile à comprendre pour le profane. C’est là le défaut inhérent à la plupart des expositions un peu techniques entendant sensibiliser. Elles me semblent s’adresser avant tout à ceux qui savent, pour ne pas dire aux convaincus d’avance. Les commissaires Hans Ulrich Obrist (un monsieur jouissant d’une cote d’enfer dans les pays germaniques et anglo-saxons) et Rebecca Lewin auraient dû réclamer aux designers davantage de clarté. Il n’est jamais déshonorant d’expliquer.
Le problème reste un peu le même à côté, où le visiteur peut découvrir «Plant Fever». Nous restons dans le débat écologique et la verdure. Avec ce que l’on n’appelle plus «le réchauffement terrestre», mais «les désordres climatiques». C’est toute notre attitude vis-à-vis des plantes qu’il nous faut modifier. Et vite si possible! Je vous résume le discours. Le végétal est heureusement d’une importance cardinale pour beaucoup de designers, scientifiques et ingénieurs. Ces gens-là ont compris que la végétation n’existait pas seulement pour notre nourriture, comme matériau à utiliser ou en tant que lieu de récréation. Elle devrait nous servir de source d’inspiration. Il faut maintenant développer de nouveaux rapports avec la nature afin de trouver des solutions aux actuelles questions de société et d’environnement. Autant dire qu’il ne suffit plus de parler chez soi à ses plantes vertes pour qu’elles soient contentes et poussent du coup plus vite…
Il s’agissait bien sûr d’illustrer un propos qui risquait autrement de demeurer bien abstrait. Produite par un CID qui n’est pas celui de Pierre Corneille mais le Centre d’Innovation et de Design du Grand Hornu, en Belgique, l’exposition nous propose donc des exemples. Cinquante en tout, ce qui peut sembler énorme. Mais il s’agit d’aller globalement «vers un design phyto-centré». Pour commencer, il convient de bouleverser le regard. Regardons les plantes telles qu’elles sont. «Des êtres vivants à part entière, qui nous permettent de vivre et de prospérer.» Autant s’en faire des alliées. Mais si ce sont des «personnes» comme les enfants pour Françoise Dolto ou les animaux pour les antispécistes, pourra-t-on encore manger à l’avenir des légumes? Ils souffrent, eux aussi!
Je vous rassure tout de suite. L’exposition ne va pas jusqu’à ces dernières extrémités. Nous devons au contraire nous servir du végétal avec intelligence et respect, ne serait-ce que pour remplacer les matières plastiques que les lointaines années 1950 voyaient comme la panacée universelle. Il faut également apprendre à recycler plusieurs fois les matières vertes. Des plantes peuvent certes nous servir encore de compagnes, aussi silencieuses que des poissons rouges. Mais nous devrions mieux les inclure (décidément le mot est à la mode!) afin de former des jungles urbaines. «Sensibles à ce changement, des designers imaginent alors des solutions DIY permettant de nous reconnecter avec les plantes ou développent des objets destinés à des espèces bien précises.» Cela dit, tout le monde peut participer. «Le Makerspace de l’exposition vous ouvre des espaces pour réaliser vos idées de design dans la perspective des plantes.» Une idée voulue populaire, mais qui me paraît en réalité très «bobo». Je vous avais prévenus que le Museum für Gestaltung n’allait cette fois pas vraiment en direction du grand public. La mise en scène fait du reste très «Wohnshop» alémanique.
Je n’ai pas vu la dernière exposition, «Planet Digital», qui n’était pas encore ouverte lors de mon passage. Elle lie un peu la gerbe, pour rester dans la métaphore végétale. La série de présentations du Museum, qui donne du coup un peu l’idée d’une institution quittant brutalement les arts décoratifs pour devenir une plateforme sociale, possède ainsi un volet futuriste. Vingt-trois projets développés à l’Université de Zurich se retrouvent mis en vedette. Avec des questions devenues lancinantes. «Les algorithmes peuvent-ils être justes?» «L’intelligence artificielle va-t-elle tous nous rendre superflus?» «Existe-t-il une vérité médiatique?» (là ma réponse est «non»). Il s’agit de faire le point, sous une forme d’exposition, sur «l’état actuel de la numérisation». Avec les mêmes bémols qu’à la Toni Areal. L’avenir envisagé ici ressemble à «2001, Odyssée de l’espace», le célèbre film de Stanley Kubrick. C’est tout blanc. Briqué comme une cuisine. Or il me semble qu’on va vers un futur plutôt noir, et terriblement bricolé. Même les informaticiens me semblent souvent ressembler aujourd’hui à des rebouteux de la technique…
«Plant Fever» et «Cambio, Baum, Holz, Mensch», Museum für Gestaltung, Toni Areal, 96 Pfingstweidstrasse, Zurich, jusqu’au 3 avril pour la première. Jusqu’au 8 mai pour la seconde. «Planet Digital», Museum für Gestaltung, 60, Austellungstrasse, Zurich, jusqu’au 6 juin. Tél. et site communs. 043 446 67 67 et www.museum-gestaltung.ch Ouvert de 10h à 17h, le jeudi jusqu’à 20h.
Et cela donne quoi, au fait, les projets de «Plant Fever»? Il reste parfois difficile de répondre. Tout réside dans la déclaration d’intention du ou des designer(s), qui multiplie(nt) les propos scientifiques. Je vais donc vous en donner trois exemples, scrupuleusement reproduits.
Plantes d’urgence de Camille Reidt. «Et si les plantes pouvaient être conçues pour absorber plus de CO2 qu’elles ne le font déjà, voire changer de couleur pour nous aider à dégager des gaz toxiques? C’est le scénario imaginé par Camille Reidt avec «Plantes d’urgence». Telles des trousses de secours, les récipients contiennent des plantes bio augmentées qu’il est nécessaire de maintenir en vie pour survivre.»
H.E.R.B.S. Quilt de Nienke Hoogvliet. «On retrouve souvent des substances chimiques toxiques pouvant causer des allergies et des maladies cutanées dans les textiles teints industriellement qui sont destinés à la distribution de masse. Consciente du problème, Nieke Hoogvliet a utilisé le romarin, la sauge et la camomille, trois plantes connues pour leurs propriétés antiseptiques, afin de créer un textile matelassé teint à la main, plus sain et plus naturel.»
The Plant Sex Consultancy de Pei-Ying Lin, Špela Petrič, Dimitris Stamatis et Jasmina Weiss. «Incapables de se déplacer, les plantes ont développé au cours des millénaires d’autres tactiques pour atteindre leurs partenaires. Pourtant, en raison notamment des activités humaines, certaines d’entre elles éprouvent du mal à se reproduire. «The Plant Sex Consultancy» est une série de sex-toys imaginaires susceptibles d’aider certaines plantes.»
Et voilà!

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