Tout semble les séparer. Bizern, bête de scène survoltée dont les textes scellent la rencontre de la pop-rock française avec une poésie souvent sauvage ; Will Barber, résurrection à la fois physique et musicale d’une vision fantasmée du « way of life » américain, dont la puissance vocale brute lui autorise une discrétion aussi pudique qu’efficace. Bref : deux styles, deux caractères, deux univers. Et pourtant beaucoup de points communs.
Le premier, c’est bien sûr Gruissan, ce village où ils habitent et croisent leur inspiration entre tour Barberousse et plage des Chalets. Will et Pascal ne pouvaient que devenir « potes », mais cette amitié se cristallise d’abord autour d’une même soif de musique. « Nos registres ont beau être différents, on s’est rapproché tout naturellement car on se parle de passionné à passionné, sans se juger, explique Bizern. Je savais que Will était à fond ! » Barber, lui aussi, a en effet toujours voulu se dédier à son art sans renier ses influences, ses valeurs et sa sensibilité. Quitte à ce que l’éclosion prenne plus de temps que prévu.
« Quand tu rentres chez Pascal, ça sent l’écriture à plein nez ! »
« J’ai monté mon premier groupe à 14 ans… mais j’ai mesuré par la suite combien il peut être dur de vivre de la musique ! » Alors sans jamais arrêter les concerts, Will multiplie les boulots. De la maçonnerie aux métiers de bouche. « Pendant dix ans, j’ai concilié la scène avec la restauration. C’est très compliqué, car les deux prennent un temps fou et t’imposent des horaires pas possible ! » Mais l’artiste s’accroche, s’entoure, et bâtit insensiblement une solide notoriété légitimant un premier album. Parallèlement, Bizern bouclait son ultime tour de chant pour mettre sa plume au service des autres. « Perfect timing », comme on dit le long de la Route 66.
Cette année, Will Barber livrera ainsi pas moins de trois EP entre le printemps et noël… sans parler du single, imminent. « Je préfère ce format plutôt qu’un seul ‘‘gros’’ album regroupant la totalité des chansons, car les gens finissent toujours par n’en écouter qu’une poignée. Il me semblait plus judicieux de leur proposer de nouvelles choses à intervalles réguliers ! » Regroupées, les trois galettes représenteront vingt titres inédits, tous en anglais. Avec, dans le lot, une quinzaine de textes signés Bizern.
« J’ai dit à Will que ‘‘The Voice’’, c’était à double tranchant »
« Will amène sa musique, puis je m’efforce de coller au mieux à sa tonalité et aux thèmes qui lui sont chers. Le monde sauvage, les grandes plaines, les songes oubliés du rêve américain… Je me suis vraiment éclaté d’écrire en anglais pour lui car il fallait aller à la source de la langue, pas trop chargé mais efficace ». « Pascal a récupéré un tourniquet pour cartes postales sur lequel il accroche ses feuilles manuscrites, poursuit le chanteur. Et il y en a autant sur son bureau ! Quand tu rentres chez lui, ça sent l’écriture à plein nez. Tu sais que t’es pas là pour jouer à la belote ! »
Les deux artistes ont donc su se mettre au diapason pour exprimer en mots et en mélodies « le retour aux sources, à la terre, toutes ces choses qu’on est en train de perdre ». Mais le message, au final, passe aussi par la voix… et en la matière, Will a une sacrée corde (vocale) à son arc. « La signature de la voix, tu l’as ou pas, estime Bizern. Certaines personnes chantent bien mais n’ont pas de couleur : c’est quelque chose d’inné, et c’est pour ça qu’il était évident que Will finirait par percer. L’émission lui a juste permis de gagner du temps ». « L’émission » en question, c’est bien sûr The Voice. L’année dernière, Barber fut l’une des grosses sensations du concours de chant de TF1, provoquant un énorme buzz en l’espace de seulement deux prestations. Vu le grain et la personnalité du bonhomme, il serait facile de penser a posteriori qu’il ne pouvait qu’en être ainsi. Mais pour l’intéressé, ce fut loin d’être une évidence.
« C’est ma femme qui m’a inscrit, raconte Will. J’ai mis des mois avant de me décider et d’accepter d’y aller. Je n’étais pas du tout là-dedans ! » « On en a un peu parlé entre nous, ajoute Pascal. Je n’ai jamais cherché à influencer son choix, c’est lui qui voyait, mais je lui ai dit que c’était à double tranchant. » Le futur candidat mesurait les risques : « Louper ma prestation, perdre ma crédibilité sur un seul passage à la télé, et foutre en l’air le travail que nous avions déjà abattu sur les EP ». L’épilogue fut heureusement à l’opposé de ce scénario catastrophe.
« D’un coup, tu te retrouves à avoir accès à tout ce que tu ne pouvais approcher jusque-là ». C’est aussi à The Voice que Will prend les premiers cours de chant de sa vie… lui qui ne connaît pas non plus le moindre accord de guitare. Autodidacte, l’homme joue et interprète à l’instinct, préférant ressentir la musique plutôt que de la théoriser. D’ailleurs, s’il mesure la « vitrine » que la scène de TF1 lui a offerte, il ne lui est jamais venu à l’esprit de bouleverser son ADN pour devenir plus ‘‘commercial’’. Ce qui ne l’empêche pas d’évoluer… dans le bon sens du terme. « A force de côtoyer des gens comme Pascal, j’ai moi-même commencé à écrire. Ça devient plus naturel pour moi ». Et chanter en français ? Une autre affaire. « Je ne sais pas si c’est le moment. Je l’ai fait durant l’émission, ça s’est bien passé, mais j’éprouve encore une petite gêne. Et puis, les gens ne m’attendent pas forcément là-dessus ! » « ça va venir, affirme Bizern. Je lui ai écrit un texte clé en main, qui parle de sa fille. Il me l’a chanté à la maison, c’est sorti nickel. En vérité, ça colle très bien avec sa dégaine et à sa musique ! » « J’ai conscience que ça se fera, reprend Will. Je m’y mettrai peut-être en glissant une chanson bonus dans l’un des EP. Voire une piste cachée… » A nouveau, l’enthousiasme de l’artiste se teinte de pudeur. C’est tout à son honneur… même s’il est sans doute louable qu’un électron libre de la chanson s’emploie à forcer un peu sa nature.
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