Coût du transport en hausse, problèmes pour se fournir en matériel… Les conséquences de la guerre en Ukraine se font déjà sentir. Viticulteur, pêcheur, chauffeur de taxi, infirmière, inquiets, témoignent.
Didier Fenoll ne voit guère de solution se profiler. Propriétaire du domaine Chai César, à Nissan-lez-Ensérune, il est aujourd’hui confronté – comme tout le monde – à l’augmentation du prix du carburant. "Maintenant, les chevaux consomment du fioul", lance-t-il en plaisantant.
Mais après les rires, l’amertume remonte. Pour lui, les bouleversements liés à la guerre en Ukraine s’ajoutent aux problèmes déjà existants. "On a eu le Covid, les sécheresses, maintenant tout augmente. Le vin va devenir un produit de luxe." Exaspéré, il réfléchit à peut-être augmenter le prix de ses bouteilles. "Si on n’augmente pas les prix, on ne vit plus !", affirme-t-il.
Yannick aussi risque de le suivre. Si ce viticulteur des Hauts cantons n’utilise que peu de carburant au quotidien, ses transporteurs, eux, en consomment davantage. "Les frais de port font gonfler le prix de ventes de dizaines de centimes. Avec la marge des intermédiaires, à la fin, une bouteille pourra prendre jusqu’à 40 ou 50 centimes…". À la fin du mois, il découvrira la facture des transporteurs. 
Chacun a réduit ses marges
La guerre a aussi entraîné une raréfaction des matières premières. Piquets, fils de fer mais aussi capsules en aluminium pour couvrir les bouchons des bouteilles sont concernés. Le groupe russe Rusal est le deuxième producteur mondial d’aluminium. Or, il subit les sanctions de la communauté internationale.
Le Syndicat des vignerons indépendants de l’Hérault se veut cependant rassurant. Pour Anne Bérubé, responsable de la communication : "Les producteurs en circuit court peuvent trouver un équilibre avec leurs intermédiaires". Ce fut déjà le cas en 2019, lorsque la taxe Trump a imposé 25 % de droits de douane supplémentaires aux importations de vins.
Chacun a réduit ses marges afin de ne pas augmenter les prix aux États-Unis. Mais Anne Bérubé prévient aussi que "si la situation perdure, les viticulteurs ne pourront pas réduire indéfiniment leurs marges."
Pour Yannick, viticulteur des Hauts cantons, l’augmentation du prix du carburant n’est pas "un problème majeur". Son gasoil est mélangé à de l’huile végétale et il n’utilise que peu son tracteur.
Cela s’explique par le choix qu’il a fait pour une agriculture biologique, il y a plus de dix ans. Cette année, il pense dépenser seulement 300 € en plus pour son carburant. "Je souffre moins car je ne suis pas dans un modèle productiviste. Je produis peu. Finalement, je suis sur un marché de niche", lance-t-il.

Francis D’Isanto, pêcheur à Agde : "J’aime mon métier. Mais aujourd’hui, il n’y a aucun avenir. Je sors en mer avec le stress".
Francis D’Isanto, pêcheur à Agde : "J’aime mon métier. Mais aujourd’hui, il n’y a aucun avenir. Je sors en mer avec le stress". DR

Pour les pêcheurs, la hausse du prix du carburant est insoutenable. À Agde, les propriétaires de chalutiers accusent le coup. À Valras, les petits métiers sont moins impactés.
Il y a un mois, Francis D’Isanto payait son gasoil 68 centimes le litre. Aujourd’hui, il coûte 1 € à Agde, et 1,10 € au Grau-du-Roi (Gard). Ce marin agathois, propriétaire d’un bateau de 21 mètres, ne s’en sort plus. "J’aime mon métier. On le fait de père en fils. Mais aujourd’hui, il n’y a aucun avenir. Je sors en mer avec le stress".
Son chalutier, Le Méridien, consomme 3 000 litres de gasoil par semaine. En temps normal, cela lui revenait à 1 400 € par semaine, mais à présent, il paye 2 200 €, presque le double. "C’est impossible de travailler. J’ai trois salariés, je ne peux pas leur dire "va-t’en", ils ont une maison, une famille." La situation de Francis D’Isanto est intenable. Son moteur lui a coûté 120 000 €, il ne peut donc pas le changer pour un plus économe. Si dans une ou deux semaines les prix des carburants ne diminuent pas, il devra se résoudre à arrêter de travailler.
Si on ne vous paye plus à la fin du mois, vous allez continuer à travailler ?
Les gros chalutiers sont encore plus touchés. Certains consomment jusqu’à 15 000 litres de carburant par semaine et ne peuvent pas supporter cette augmentation. "Si on ne vous paye plus à la fin du mois, vous allez continuer à travailler ?" interroge Jean-Marie. Ce marin agathois dépense aujourd’hui 70 % de son chiffre d’affaires dans le carburant, contre 30 % par le passé. "Toute la recette part dans le gasoil".
Du côté de Valras, les pêcheurs sont davantage protégés. Dans le port, il n’y a que des petites unités côtières de 150 chevaux. "En comparaison aux gros armements d’Agde, on n’a pas encore senti les répercussions pour le moment", déclare Christian Bousquet, pêcheur. Son bateau consomme en moyenne 200 à 300 litres par semaine. "Ce matin, je suis allé faire le plein avant qu’ils ne renouvellent les cuves. Dès qu’ils vont les reremplir, on aura la surprise !"
Si le conflit en Ukraine dure, même les petites unités risquent d’être perturbées par la montée des prix du carburant. "Certes pour le moment, on ne s’affole pas, mais ça va devenir compliqué même pour nous. Il faut espérer que le conflit prenne fin".

François Sarniguet a le sentiment d’être dans une impasse.
François Sarniguet a le sentiment d’être dans une impasse. DR

"Bientôt, je vais prendre un pousse-pousse et tirer les clients". Au téléphone, François Sarniguet présente son nouveau plan de carrière. S’il trouve encore le moyen de faire des blagues, l’augmentation du prix du gasoil le laisse un peu sans voix. Ce chauffeur de taxi conventionné, spécialisé dans les transports médicaux à Pézenas, se dit "écœuré". Il a le sentiment d’être "abandonné par l’État".
Dans six mois, il doit faire le point avec son comptable qui lui a déjà demandé de réduire ses frais. Mais un plein lui revient désormais à 110 €, c’est-à-dire 30 € de plus qu’il y a un mois. "En aucun cas, je ne peux réduire les frais d’entretien ou annuler mon contrat d’assurance. Je conduis des patients qui se rendent à l’hôpital. Je dois pouvoir garantir leur confort."
Il est aujourd’hui dans l’impasse. "Je pourrais faire le plein en Espagne, mais je n’aurais plus de gasoil au retour". Il n’y a pas d’alternatives. L’année dernière, il a vendu son véhicule électrique par manque d’autonomie. "Je transporte des malades à Paris, Marseille. Comment recharger un véhicule en cours de trajet avec un passager ?" Dans cette affaire, il a perdu 6 000 €. La seule solution ? "Aller à la pompe et payer". S’il abandonne, il sait très bien que les grosses compagnies de taxis le remplaceront.
"Aujourd’hui, ça gronde"
Mercredi soir, la Fédération des exploitants taxis a envoyé une lettre au ministère des Transports et de l’Économie. Le syndicat souhaite la mise en place d’un chèque carburant et une revalorisation de la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques).
Chaque année, un chauffeur déclare le nombre de litres consommés et reçoit une compensation. Dans l’Hérault, c’est 0,12 € le litre selon Bernard Crebassa, président du Syndicat du département. Pour lui : "La grève n’est pas encore à prévoir. Mais aujourd’hui, ça gronde. Jusqu’où ça va aller ?". Il attend la réponse des ministères d’ici dix jours.

L’infirmière libérale est touchée.
L’infirmière libérale est touchée. dr

"Je fais le tour des garages pour prendre un véhicule qui consomme moins", explique Anne Libes, infirmière libérale exerçant entre Corneilhan et Béziers. Car elle sait qu’elle n’a pas le choix. Face à l’augmentation du prix du carburant, elle doit trouver une solution. En temps de paix comme en temps de guerre, elle continuera d’exercer son métier. "On travaille à Noël, pendant le Covid, on peut même aller voir les lépreux donc même si l’essence coûte 20 € le litre, on ira quand même soigner les gens". Ces métiers essentiels n’autorisent aucune pause.
"Nous sommes les gens de l’ombre"
S’arrêter, c’est mettre la santé des gens en jeu. Et ça, Anne Libes ne le souhaite pas. "Nous ne serons jamais en grève, lance-t-elle. Mais nous sommes les gens de l’ombre, on ne nous demande jamais notre avis."
Finalement, cette infirmière libérale a le sentiment de ne pas être comprise par la population. Après les applaudissements adressés aux soignants, le silence se fait aujourd’hui d’autant plus criant.
262000 €
CENTRE VILLE, grand appartement en rez de jardin de 81m2 hab, grand salon a[…]149000 €
VALRAS PLAGE, maison composée d'une véranda et agréable séjour/cuisine, une[…]222000 €
Appartement T3 de 55m² plus terrasse et son Garage privatif au rez de chaus[…]J’ai déjà un compte
Je n’ai pas de compte
Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

source

Catégorisé: