Igor ne lâche pas son téléphone. Entre contacts avec son avocate dans l’espoir de régulariser sa situation administrative et celle de sa famille en France, et crainte des nouvelles en provenance de son pays, l’Ukraine.
Arrivé à Hendaye au côté de sa femme Natalia, sa fille Sacha (14 ans) et le petit dernier Téo (1 an), le père de famille est plongé, malgré lui, dans le brouillard de la guerre.
Arrivé à Hendaye au côté de sa femme Natalia, sa fille Sacha (14 ans) et le petit dernier Téo (1 an), le père de famille est plongé, malgré lui, dans le brouillard de la guerre.
Sa présence en France n’a pourtant rien à voir avec l’invasion lancée par Vladimir Poutine : « C’est une longue histoire, commence-t-il. J’étais batteur dans un groupe de métal. Il y a dix ans, au cours d’une tournée, j’ai découvert le Pays basque. J’y ai noué des connaissances. Avec Natalia, nous cherchions à quitter l’Ukraine où nous ne nous sentions pas à notre place. Peut-être parce que nous avions déjà cet état d’esprit davantage européen que russe (en 2012, la Révolution de Maïdan n’a pas encore eu lieu). Nous avons essayé de nombreux pays pour chercher le meilleur endroit. C’est ici, et particulièrement à Hendaye, que nous avons trouvé le calme, l’environnement que nous recherchions pour nous et nos enfants. »
Depuis 2016, chaque été est consacré à un séjour au Pays basque. Dans son camion, Igor embarque aussi quelques Ukrainiens dans une sorte de « Surf basque tour ». Jusqu’à ce que la crise sanitaire mette un coup de frein à la passion naissante avec ce qu’il envisage comme sa nouvelle maison : « En 2018, nous sommes descendus sur la plage d’Hendaye. Natalia a commencé à pleurer. Moi aussi. Nous sommes revenus en Ukraine pour tout vendre. Nous avons commencé à prendre des cours de français. C’était décidé. »
La famille a finalement pu revenir en France, à l’été 2021. Avec l’intention d’y faire sa vie. À Hendaye, Igor compte vite travailler pour établir son chez lui : « Un ami m’a proposé un contrat, pour l’aider au sein de son entreprise. Mais il fallait faire ça dans les règles. J’ai des compétences. Je ne veux pas profiter d’aides. Il y a des gens qui en ont bien plus besoin que moi. Je veux faire les choses dans la légalité, je ne veux pas être oisif. »
Mais l’administratif traîne en longueur. À tel point qu’au bout de 90 jours, Igor et sa famille se trouvent en situation illégale. Le contrat de travail promis ne peut pas être établi. Aucune des démarches n’aboutit. Jusqu’à ce post Facebook, une bouteille à la mer lancée au lendemain de l’offensive russe. Depuis, une avocate apporte ses conseils. Rendez-vous est pris avec Terre d’asile, le 11 mars, à la sous-préfecture le 14 et avec le maire d’Hendaye Kotte Ecenarro, le 7.
« Aujourd’hui, je ne peux pas retourner en Ukraine. Même si je m’inquiète énormément pour mes proches. Nos parents vivent à quelques kilomètres de Kiev. Nous avons des nouvelles toutes les heures. Nous dialoguons beaucoup via la messagerie sécurisée Telegram, quand la connexion est possible. Nous recevons des notifications d’alerte au bombardement que nous leur relayons. Il y a beaucoup de fausses informations qui circulent. Mais nous voyons les vidéos des bombes qui tombent. L’une des forces de mon pays, c’est la solidarité. Face à l’ennemi et la menace, les Ukrainiens sont unis. Nous avons beau l’avoir quitté, nous sommes patriotes de pays, des gens, de paysages. Quand on voit les bombes détruire des endroits où nous jouions petits, où nous avons des concerts avec notre groupe, cela fait mal. »
Encore dans un français timide, Natalia veut le dire : « Les Ukrainiens sont un peuple épris de paix et de liberté. » Et Igor d’enchérir en guise d’avertissement : « Poutine ne va pas s’arrêter. C’est toujours le même scénario, que ce soit en Tchétchénie, en Géorgie ou en Ukraine. Il s’appuie sur des pro Russes pour faire monter la défiance, désinformer et légitimer ses actes de guerre et d’annexions. Des pro Russes, il y en a aussi dans les pays baltes. »

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