Les sénateurs Michel Bouvard et Thierry Carcenac viennent de publier un rapport d’information particulièrement important sur l’avenir du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’Etat », et formulent pas moins de 12 recommandations « pour une politique immobilière de l’Etat soutenable et efficace ». L’enjeu est de taille, puisque les auteurs invitent les pouvoirs publics à passer d’une logique de rationalisation à une logique de valorisation, ce qui suppose la mise en place à moyen terme d’une véritable foncière publique.
Le regard que les auteurs portent sur la réalité de la politique immobilière de l’Etat rejoint nombre de recommandations que la Fondation iFRAP a formulées depuis près de 9 ans. Ils font par ailleurs le constat que la politique de cessions comme principal vecteur de financement de la politique immobilière a sans doute atteint ses limites, car avec un patrimoine estimé en 2015 à quelque 63,7 milliards d’euros[1], l’Etat a par ailleurs depuis 12 ans liquidé près de 11% de son propre patrimoine avec près de 7 milliards de produits de cessions (500 millions d’euros/an environ), afin de « restructurer et mal entretenir les 89% restants. » Ils relèvent enfin que la politique de valorisation préalablement à la politique de cession est généralement absente ou insuffisante. Ils en veulent pour preuve le fait que sur les dernières cessions réalisées en 2016, « quatre ventes ont rapporté autant que neuf cent neuf autres » (p.78), le stock montrant un taux de rotation de plus en plus lent (34% des biens à vendre en 2015 sont encore sur le marché… ce qui témoigne d’un mauvais ajustement entre l’offre et la demande et d’un taux de rotation insuffisant qualitativement et quantitativement).
Le but de la mise en place d’une politique spécifique « immobilière de l’Etat », à compter de 2005, reposait sur la volonté de rationaliser, de restructurer et de valoriser l’immobilier de l’Etat. Or près de 11 ans plus tard, le constat n’est pas très brillant tant les carences sont multiples :
Les deux rapporteurs de la mission mettent en avant 12 propositions pour la mise en place d’une véritable révolution copernicienne. Ils partent déjà du constant qu’à l’heure actuelle l’Etat n’a plus de doctrine immobilière : « la nouvelle circulaire du Premier ministre définissant les nouvelles normes de la stratégie immobilière de l’Etat n’aura finalement jamais été formalisée » par le précédent exécutif. Il s’agit d’une lacune majeure d’une politique laissée « au milieu du gué », mais aussi une opportunité, puisque les propositions formulées pourraient ainsi inspirer l’ossature de la future circulaire du nouveau gouvernement. L’articulation est la suivante :
1er axe : Renforcer l’Etat propriétaire dans sa relation avec les ministères occupants, les opérateurs et les collectivités territoriales :
2ème axe : Renforcer les capacités de l’Etat en assurant la « soutenabilité » de sa politique immobilière :
Le constat est fait que les cessions sans valorisation ne permettent pas de dégager les fonds suffisants permettant un meilleur entretien de l’actif et de réaliser des opérations à meilleure valeur ajoutée pour l’Etat. En conséquence, la mission d’information formule les propositions suivantes :
L’approche retenue est la bonne. Elle fait le constat aujourd’hui que les produits de cession, notamment affectés au désendettement, ont été totalement symboliques. Par ailleurs, la mission prend acte de la nécessaire recentralisation de la politique immobilière au niveau de la DIE et envisage à terme sa transformation en foncière publique après lui avoir confié la haute main sur les crédits de la politique immobilière concentrés au sein d’un futur budget annexe dédié. L’ensemble de ces éléments, de même que la pérennisation et l’extension des loyers budgétaires, va dans la bonne direction. La Fondation iFRAP relève que la plupart de ces constats s’appuient sur des analyses qu’elle partage. Cependant, certains éléments n’ont pas à notre avis été suffisamment développés dans l’entièreté de leurs conséquences :
[1] Ce montant représente les 86% des bâtiments que l’Etat occupe en tant que propriétaire auxquels s’ajoutent à 14% en tant que locataire.
[2] Il s’agit de l’illustration paroxystique du ministère de la Justice, en réalité pour 2014 le rapport est plutôt de 77% en moyenne retenus par les crédits des programmes des ministères et 23% (ndlr).
[3] https://www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/Le-logement-des-douaniers-par-la-Masse-des-douanes
[4] Voir le rapport IGF, Rénovation du cadre institutionnel et modernisation des outils de la politique immobilière de l’Etat, novembre 2015 disponible à l’adresse suivante : http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2015/2015-M-032.pdf
[5] http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2016/09/cir_41307.pdf
[6] Voir la revue des dépenses de 2016 réalisée par l’IGF, Le patrimoine des collectivités territoriales, https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/finances_publiques/revues_depenses/2016/RD2016_patrimoine_collectivites_territoriales.pdf
[7] Le cas de figure vient de se présenter avec le démembrement fonctionnel du SGMAP, relevant des services du Premier ministre. La partie MAP étant « confiée » au ministère de l’action et des comptes publics.
[8] Voir notre note en date du 20 juin 2016 « La discrète suppression des sous-préfectures », http://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/la-discrete-suppression-des-sous-prefectures
[9] Voir notre note en date du 29 juillet 2016 « Réduction du millefeuille territorial, où en sommes-nous ? http://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/reduction-du-millefeuille-territorial-ou-en-sommes-nous
[10] Qui dispose d’un SPSI depuis 2011 https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cie/publications/avis/cie_2015-02-spsi-mae-di.pdf
[11] http://www.assemblee-afe.fr/processus-de-vente-des-actifs.html
Par Samuel-Frédéric Servière
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Par l'équipe de la Fondation iFRAP
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