Un appartement dans une résidence bien située, avec balcon et parking ? Voilà un bon début, monsieur l’agent immobilier. Sinon, auriez-vous le même avec une piscine sur le rooftop, une buanderie partagée, une ferme urbaine et/ou un potager, une salle de gym ? Et pourquoi pas une salle de spectacle ? Un logement pour recevoir les invités ? Oui, oui, aujourd’hui, c’est tout à fait possible : les promoteurs sortent le grand jeu pour combler propriétaires et locataires, avec des options collectives de rêve. Habiter ne suffit plus, le toit au-dessus de la tête s’assortit désormais aux modes de vie et aux valeurs des occupants. Et, dans ce domaine, les concepteurs ou les bailleurs sociaux ne manquent pas d’idées.
Exemple à Bègles, avec la résidence écolo-participative La Ruche. Ici, derrière les façades et les terrasses arborées, vivent 11 foyers dans des logements de 60 à 120 m2.
Première particularité du site : il a été coconçu avec les futurs habitants en fonction de leurs besoins. Superficie, budget, appartement ou maison, aménagements intérieurs, cuisine ouverte ou fermée, balcon ou terrasse, matériaux, etc. Ce sont eux qui ont sélectionné l’architecte. Tous, en revanche, sont chauffés au poêle à granulés : l’écologie est l’un des traits d’union entre ces « abeilles ». Chacun a aussi participé à la construction du bâti, notamment à l’édification des murs en paille et torchis.
Mais, en plus des univers privés, la Ruche bénéficie de nombreux espaces communs : rooftop, jardin, potager, compost, récupérateur d’eau, balançoire, terrasse aménagée et une grande salle équipée d’une cuisine complète, avec lave-vaisselle, buanderie, table à manger, bibliothèque et poêle. Au fil des envies, la salle commune a accueilli des cours de tai chi chuan, du yoga, des ateliers mémoire à destination des seniors, ou une initiation au ukulélé. Elle abrite aussi les vide-greniers de la résidence. «
On peut y accueillir la famille pour de grandes tablées », expose Clémence en faisant visiter les lieux. Lino, 13 ans, y invite ses amis pour ses soirées. Les adolescents peuvent tous dormir sur place. Les petits y fêtent les anniversaires. D’ailleurs, le tableau vert affiche les dates de naissance et les photos des 14 enfants de La Ruche âgés de 0 à 20 ans. Mieux, Clémence y fait ses lessives. « Quand notre machine est tombée en panne, on a décidé de ne pas la remplacer, à la place nous avons installé une étagère avec des livres.
Et, finalement, ça tombe sous le sens de partager. Ici, 8 foyers sur 11 n’ont plus de machine privée », expose cette heureuse propriétaire d’un T3 pour le foyer composé aussi de Géraud, son compagnon, Gaspard, 4 ans, et Rosalie, 11 mois.
L’électroménager se partage, comme le reste : appareil à raclette, gaufrier, plancha, outils, caisse de transport pour félins, yaourtière… Dans la même idée, les achats de granulés pour le poêle ou de lessive sont partagés.
Pas non plus de cloisonnement entre les terrasses et les balcons, ouverts sur les voisins. C’est ainsi que les chats se partagent les gamelles, tandis que les enfants passent d’un salon à l’autre ! « Tout est fait pour qu’on se rencontre, même si chacun a sa liberté », explique Clémence. Et son intimité. Ainsi, pour ne plus avoir à se « prêter les toilettes » pendant les activités en extérieur, des sanitaires secs ont été aménagés au jardin, non sans humour : baptisés « service juridique », ils proposent le Code pénal à la lecture…
D’ailleurs, ce mercredi après-midi, il y a du monde sur la terrasse. Clémence, donc, Gaspard en slip et chaussettes, occupé à peindre, en compagnie de Lino, 13 ans, et Sara, 10. « Les enfants ont grandi ensemble, et cela se voit : ils ne sont pas timides », sourit la mère de famille, bientôt rejointe par son compagnon, Géraud. Puis par les voisins, qui passent, s’arrêtent dire bonjour et donner des nouvelles ou, comme Karina, emprunter la voiture de l’un ou l’autre.
« Je viens d’un petit village de Charente et c’est vrai qu’ici on retrouve cette ambiance, l’entraide, la proximité avec les habitants, mais au pied du tram. Et puis, l’intérieur est luxueux, pour un prix bien en dessous du marché », souligne Clémence. Une aubaine portée par Axanis, Euratlantique, et Noël Mamère, l’ancien maire.
Enfin, l’entretien du site, la sortie des poubelles et les éventuels travaux d’aménagement sont aussi menés de façon collaborative, à l’instar du montage de la terrasse en bois, posée pendant le confinement. Même s’il y a parfois quelques grincements de dents… « Tout le monde n’a pas la même implication au même moment », conclut Clémence. « Mais c’est normal, certains sont plus engagés sur l’aspect écologique du projet, d’autres sur le côté social. » Pour lutter contre « l’essoufflement » des bonnes volontés, un calendrier des chantiers participatifs a été voté : chaque dernier dimanche du mois est dédié aux travaux. La « communauté » s’autogère dans le cadre d’un syndic bénévole.
Au-delà des liens sociaux, l’affaire a de vraies vertus. La preuve : pas un seul mégot de cigarette au sol. « Pas de papier de bonbon non plus », sourit Clémence. Mais des fleurs, des haies, des bouddhas, ou encore des abris à oiseaux, boudés par les alouettes, mais « plébiscités par les chauves-souris », précise Gaspard. « Ce n’est pas le monde des Bisounours, mais le lieu est bien entretenu, ça roule, les logements sont luxueux à un prix raisonnable. » Reconnaissantes, « les abeilles » n’hésitent pas à ouvrir les portes de leur « ruche », qui a servi de prototype au bailleur. Depuis, d’autres ruches ont ouvert, d’autres abeilles butinent l’habitat participatif. Et la curiosité reste. « Cela continue d’étonner mon coiffeur ! »

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