Challenges Immobilier
Par Eric Treguier le 10.03.2022 à 07h30 Lecture 7 min.
Avec un record de transactions en 2021, les Français ont ouvert leurs horizons à de nouveaux marchés: villes moyennes, campagnes, littoraux… La hausse des prix, elle, se généralise.
Avec un record de transactions en 2021, les Français ont ouvert leurs horizons à de nouveaux marchés: villes moyennes, campagnes, littoraux… La hausse des prix, elle, se généralise.
François et Suzanne Giraldi ont quitté Paris pour Maisons-Laffitte, dans les Yvelines. Elle, salariée, lui, consultant, le couple a vendu son 3-pièces près de Nation, dans le XIIe arrondissement de Paris, pour emménager dans une maison de 100 m² avec un jardin de la même superficie, à deux pas de la forêt. Le prix de vente du premier a permis de payer les deux tiers du second. Mais Suzanne avoue que ce déménagement "n’aurait pas été possible avant le Covid. La pandémie a permis un changement de mentalité de nos employeurs, qui acceptent beaucoup plus de télétravail qu’avant." 
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La crise sanitaire a transformé le marché de l’immobilier, en poussant les ménages à sortir des villes. Pour gagner en liberté et en verdure, mais aussi en mètres carrés. "La première vague, ceux qui cherchaient plus d’espace et de nature, a vendu et déménagé en 2020 et début 2021, retrace Alain Tourdjman, directeur des études économiques du groupe BPCE. Puis est arrivée une seconde vague, plus sensible à la dimension du pouvoir d’achat." Olivier Alonso, président de Nestenn, le constate dans son réseau de 450 agences immobilières: "Les ménages sortent de plus en plus de leur zone initiale de recherche pour s’éloigner un peu et retrouver des mètres carrés." Avec des revenus de 5.400 euros net par mois, un couple peut financer l’achat d’un 46‑m² à Paris, contre 62‑m² à Courbevoie, 76‑m² à Rueil-Malmaison et même 100‑m² à La Celle Saint-Cloud.
Cette conjonction des deux vagues explique la fièvre d’achat qui a traversé la France, avec plus de 1,2 million de transactions en 2021! Du jamais-vu. Les prix ont été poussés à la hausse. "Le Covid a ouvert les yeux de beaucoup de personnes, qui ont compris qu’en s’installant à 30 kilomètres de là où elles vivaient elles pouvaient gagner 30% de superficie, indique Laurent Vimont, président de Century 21 France. Mais cela a aussi mis la pression sur les prix: en moyenne, ceux des appartements ont augmenté de 7%, ceux des maisons de 5%." Dans ce réseau de plus de 950 agences, le prix moyen atteint 267.524 euros pour les maisons et 227.897 euros pour les appartements. "Les prix ont connu une hausse de plus de 10 % dans un tiers des villes de plus de 50.000 habitants. Surtout en province, analyse l’économiste Michel Mouillart. A Angers, Beauvais, Laval, Montauban et Vannes, par exemple, ils ont augmenté de plus de 18%!" Au Mans, où les Parisiens sont très nombreux à acheter, les prix se sont envolés: "La maison de mon voisin, payée il y a trois ans 220.000 euros, vaut 320.000 euros aujourd’hui", observe Maël Bernier, porte-parole du courtier en crédit Meilleurtaux.
Cette hausse générale contraint les ménages à faire des prouesses pour boucler leur budget. La solution? Emprunter davantage évidemment, en augmentant la durée de remboursement. Problème: "Les nouvelles directives du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), renforcées depuis janvier, limitent la durée d’emprunt à 25 ans et le montant des remboursements à 35% du revenu", explique Maël Bernier. Résultat: "Le coup de frein sur les crédits est réel, reconnaît Jean-François Morineau, directeur Habitation de BNP Paribas Real Estate. Et il a même commencé un peu avant janvier." Ce durcissement souffre quelques exceptions et fait parfois l’objet d’une lecture très optimisée par les banques: "Certaines intègrent jusqu’à 80% des primes et commissions des personnes qui ont du salaire variable, alors que c’était 50% jusqu’ici, confie Sandrine Allonier, directrice des études du courtier Vousfinancer. Ou bien elles réintègrent jusqu’à 90% voire 100% des loyers perçus pour ceux qui possèdent un logement mis en location, contre 50 à 60% avant." Mais pour des dizaines de milliers de ménages, la marge de manœuvre est plus limitée.
Le seul moyen de suivre la hausse des prix est de disposer d’un apport personnel plus important. Là, l’équation est simple et brutale: pour un prêt de 200.000 euros sur 20 ans aujourd’hui, il faut pouvoir rembourser 900 euros par mois de crédit. Avec les nouvelles normes HCSF, cela correspond à 2.700 euros par mois de revenus. Certes, de nombreux ménages gagnent plus, mais comme le prix moyen d’un bien est de 247.000 euros, cela veut dire qu’il leur faut trouver plus de 45.000 euros en apport personnel: c’était 18.000 euros il y a deux ans, avant la hausse des prix. Selon Century 21, cela explique la chute brutale de la part des acquéreurs ouvriers et jeunes (-8%). Dorénavant, pour devenir propriétaire, mieux vaut être déjà… propriétaire.
Seule consolation pour les emprunteurs: ils pourront changer leur assurance de prêt à tout moment, sans attendre la date d’anniversaire de leur contrat. Les économies peuvent être substantielles et permettre de compenser la légère hausse des taux d’intérêt (de l’ordre de 0,15 à 0,20%) observée depuis le début de l’année. De quoi préserver un pouvoir d’achat de plus en plus fragilisé: aujourd’hui, en moyenne, il faut dépenser 150 euros de plus par mois qu’il y a 10 ans pour devenir propriétaire du même logement.
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Ce pouvoir d’achat a d’ailleurs évolué très différemment selon les régions. Dans celles où les prix augmentent plus vite que les revenus, l’activité cale depuis la fin de l’automne dernier. C’est le cas en Ile-de-France, Basse-Normandie, Champagne-Ardenne, Picardie, Alsace, Auvergne, Lorraine ou encore dans le Nord-Pas-de-Calais. Au contraire, en Bretagne, Franche-Comté, Haute-Normandie, dans le Languedoc-Roussillon, Limousin, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Aquitaine et Poitou-Charentes, là où la demande reste forte, les prix abordables ou les conditions de crédit favorables, les ventes continuent de progresser.
Et dans le neuf? Là aussi, ça bloque… Les mises en chantier restent inférieures de 50% aux besoins et, faute d’offre, les prix s’envolent: +5,7% l’an dernier et "5% supplémentaires à prévoir cette année", prévient déjà Olivier Salleron, président de la Fédération du bâtiment. "A cause des contraintes environnementales et du foncier trop rare, nos coûts augmentent et se répercutent sur nos prix", regrette Virginia Bernoux, directrice générale du promoteur Ogic. "Et si on augmente de 100 euros le prix de vente au mètre carré, même sur un logement qui est à 6.000 ou 7.000 euros le mètre carré, ça coince", remarque Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs. Du coup, les jeunes couples qui achètent pour la première fois sont 15% moins nombreux qu’avant.
Quelles solutions pour leur redonner ce fameux pouvoir d’achat ? Des promoteurs ont travaillé sur des réponses. Cogedim, par exemple, a choisi de suivre ses clients dans les plus petites villes, là où le terrain est moins cher et où ils peuvent construire à prix plus raisonnable. "Nous allons lancer d’ici à mai une vingtaine de programmes avec des tarifs inférieurs de 25% à ceux de notre grille actuelle. A Saint-Aubin-lès-Elbeuf (Seine-Maritime), par exemple, notre opération en centre-ville est à 3.500 euros le m²", annonce Vincent Ego, directeur général de la filiale du groupe Altarea.
Ogic travaille aussi sur plusieurs pistes. Comme l’achat partiel, qu’il a mis au point avec la start-up Acqer et In’li, filiale du Groupe Action Logement. Elle est destinée aux exclus du crédit (indépendants, artisans, seniors ou personnes malades), qui n’auront qu’à acheter une partie de leur logement (au moins 4%) avec leur apport personnel. Le reste appartiendra à un investisseur, In’li, qui leur louera. Puis ils lui rachèteront ces parts, à leur rythme, sans passer devant un notaire. Le premier programme sera lancé ce printemps au Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis.
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