Publié le 27/02/2018 à 08h30
Julien Rapegno
Au « bal des inculpés », vendredi soir, les militants associatifs du plateau de Millevaches ne savaient pas trop sur quel pied danser : ils pouvaient se sentir galvanisés par le coup d’arrêt donné au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes et puis, la veille, comme un retour de balancier, il y a eu l’évacuation manu-militari du bois de Bure (Meuse), que tenaient les opposants à l’enfouissement des déchets radioactifs par l’Andra.
Du 13 au 30 mars se tiendra, à Paris le procès, en correctionnelle, des huit prévenus de l’affaire dite de « Tarnac ».
Le groupe de Tarnac ne sera pas jugé pour terrorisme (janvier 2017)
Il y a dix ans, le 11 novembre 2008, la justification de la spectaculaire opération « antiterroriste » à la ferme du Goutailloux, à Tarnac, était une série de sabotages de lignes SNCF où circulaient des convois de déchets nucléaires. Sabotages qui avaient été revendiqués depuis l’Allemagne.
La pose d’un « fer à béton » sur un caténaire de la ligne TGV-Est est toujours imputée à Julien Coupat et Yildune Levy : ces faits ont finalement  été qualifiés de dégradations en réunion. En janvier 2017, la Cour de cassation a définitivement écartée la qualification de « terrorisme » pour les faits reprochés aux mis en cause de l’affaire de Tarnac.
« L’affaire de Tarnac est le procès de l’antiterrorisme », dénonce un prévenu (janvier 2017)
Démarrée de façon tonitruante par le « démantèlement d’une cellule anarcho-autonome », l’« affaire de Tarnac » s’est considérablement dégonflée en dix ans de procédure. La contestation profonde du système est  assumée  par les mis en cause et s’exprime par de multiples publications, au ton souvent narquois à l’égard des autorités, notamment judicaires. Ce procès est censé démontrer, dix ans après, qu’il y a pu y avoir passage de l’idée aux actes. 
« Moi, je les ai bien adoptés, ces jeunes. En 2008, tout le monde les traitait de terroristes. J’attends que quelqu’un me le prouve ! On en a connu pendant l’Occupation des -terrroristes- : mon père, d’ailleurs, en était un ! »
Paulette ( 83 ans, Tarnac)
Paulette, 83 ans, a tenu à participer à ce « bal des inculpés » : « J’aime toujours danser », s’amuse cette habitante de Tarnac, dont la conviction s’est forgée dès le début de l’« affaire » : « Moi, je les ai bien adoptés ces jeunes. En 2008, tout le monde les traitait de terroristes. J’attends que quelqu’un me le prouve ! On en a connu pendant l’Occupation des -terrroristes- : mon père, d’ailleurs, en était un ! »
Et Paulette ne cache pas sa sympathie pour Benjamin, cogérant du désormais célèbre Magasin général de Tarnac : « Il m’est familier, j’habite à 3 km du bourg de Tarnac, il m’amène les courses ». À Royère-de-Vassivière, vendredi soir, deux des « ex-terroristes présumés », ont accueilli leurs soutiens.
Environ 150 personnes sont passées à la salle des fêtes des Plateaux limousins pour danser, pour écouter la furieuse polyphonie occitane du groupe corrézien San Salvador, s’informer et bien sûr pour apporter une contribution libre aux frais de défense des « huit de Tarnac ».
Benjamin et Manon font partie des prévenus. Les faits qui leur sont reprochés sont les moins lourds. Pour Benjamin Rosoux, il s’agit d’un refus de se soumettre à un prélèvement d’ADN. Manon Glibert, musicienne poursuivie pour « recel de faux », est restée, elle aussi, vivre à Tarnac. Julien Coupat s’est installé il y a quelques années à Eymoutiers, les autres prévenus vivent dans la région rouennaise.Manon Glibert et Benjamin Rosoux sont tous deux prévenus pour des motifs plus légers que leurs camarades. Ils ont fait leur vie à Tarnac.
« La ferme du Goutailloux est toujours un lieu collectif, avec des ateliers agricoles et bois. Une salle vouée à être ouverte au public est en construction », précise Benjamin Rosoux.
Affaire Tarnac : Coupat se considère « plutôt bibliothécaire » que terroriste (mai 2015)
Annick et Yann viennent d’Argentat, ils sont dans le comité de soutien de Tulle, l’un des cinquante comités constitués en France depuis dix ans : « Nous ne connaissions pas ces jeunes de Tarnac, mais lorsqu’ils ont été mis en cause en 2008, nous nous sommes tout de suite doutés qu’ils n’avaient pas commis d’actes terroristes ». Vendredi soir, à Royère-de-Vassivière, il y avait un bout de cette « jeunesse » du plateau, parmi laquelle on peut distinguer cinquante nuances de rouge (et de noir).
Mathieu et Audrey, récemment installés à Faux-la-Montagne, sont venus y trouver  « une autre vie. Nous sommes venus pour l’ambiance du plateau, pas spécialement pour le côté militant ».
Depuis 2008, le plateau de Millevaches est resté un foyer actif de « subversion » idéologique. En octobre 2014, la mort de Rémi Fraisse, sur la ZAD de Sivens (Tarn), a entraîné en réaction l’affaire dite du « cadenassage des gendarmeries » entre Creuse, Haute-Vienne et Corrèze. Ce qui a ravivé la surveillance des autorités, pour peu qu’elle se soit relâchée, sur les groupes militants libertaires, écologistes, anti-capitalistes, regroupés parfois dans un but pratique sous le terme d’ « alternatifs » du plateau de Millevaches.
Dans le même temps, ces mêmes réseaux ont tenu à démontrer leur impact positif et sur le territoire et leur « ouverture », à travers, par exemple, les fêtes de la Montagne limousine.
Benjamin Rosoux, qui est aussi l’un des instigateurs de cet événement, reconnaît toutefois que « le projet d’usines à pellets de Bugeat-Viam », a rallumé les hostilités entre populations anciennes et nouvelles.
Paulette n’est plus à convaincre mais les deux « inculpés » de Tarnac sont allés à la rencontre de leurs concitoyens dimanche soir, au cours d’une réunion publique visant à les « préparer ». aux caméras et micros qui seront bientôt braqués sur la commune.
« Durant le procès, du samedi au lundi, nous accueillerons ceux qui veulent s’informer au Magasin général », annonce Benjamin Rosoux.
Thierry, un quadragénaire de Treignac, ne se qualifie pas lui-même de « babos » (le sobriquet dont sont affublés les alternatifs du Plateau), mais, pour lui, « Soutenir ces personnes, c’est le minimum, elles font des choses que je n’ai pas le courage de faire car je suis trop fainéant. Ca fait du bien à ma conscience ».
Julien Rapegno
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