La RN 164, reliant l'Ille-et-Vilaine au Finistère, devrait être achevée en… 2030.
– (c) DREAL
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Le constat de l’Institut Montaigne – dans son rapport de mars 2021 intitulé “Rééquilibrer le développement de nos territoires” – est sévère. “La photographie de la France aujourd’hui est celle d’un pays profondément déséquilibré : les quinze plus grandes métropoles concentrent 81 % de la croissance économique, alors qu’elles ne représentent que 30 % de la population française”, écrit l’auteur, Paul Hermelin, président du conseil d’administration de Capgemini. Pis, “les ‘territoires épars’, c’est-à-dire les territoires situés en dehors des grandes métropoles, représentent, quant à eux, 70 % de la population de notre pays et connaissent une croissance économique ainsi qu’un niveau de vie en stagnation, voire en déclin.” D’ailleurs, selon l’OCDE, la France présentait, en 2018, “la dixième plus forte disparité régionale de PIB par habitant parmi les 29 pays” de l’organisation. 
Comment, dans ces conditions, dynamiser la croissance de ces territoires, ne serait-ce que pour mieux répartir la richesse et accroître la cohésion sociale du pays ? Si la solution, pour l’Institut Montaigne, passe par France Relance – le plan post-Covid de soutien à l’économie, ouvrant la possibilité, par le biais d’investissements, “de mettre un terme à cette trajectoire préoccupante, de soutenir les filières productives qui constitueront demain des relais de croissance pour l’économie nationale, de bâtir des infrastructures qui faciliteront le rééquilibrage des territoires et d’apporter des réponses face au sentiment de déclassement qui mine et appauvrit les ambitions individuelles et collectives” -, l’évolution pourrait bien être aussi imposée par un phénomène sociétal, lui aussi lié à la crise sanitaire : la quête d’une meilleure qualité de vie de la part de nombreux Français. Non seulement les confinements successifs ont accru l’envie d’un cadre de vie plus apaisé et proche de la nature, mais en plus, le télétravail lui permet de prendre corps. Et bien sûr, ces néoruraux veulent, comme les habitants sur place, bénéficier des mêmes avantages – mobilité, emploi, santé, culture… – que dans les métropoles. 
En partie épargnée par la pandémie du fait de son relatif isolement géographique, la Bretagne a connu ces derniers mois un mouvement marqué par l’arrivée de résidents, des néo-Bretons comme des natifs, partis quelques années auparavant chercher de meilleures opportunités professionnelles ailleurs, notamment à Paris. Un renouveau démographique qui contraste avec la perte d’habitants qu’ont connu nombre de petites localités ces dernières années. Bien sûr, la région s’en réjouit, mais aujourd’hui, “les littoraux, très attrayants, sont pleins et il faut plus d’une heure à un automobiliste pour entrer dans Lorient”, relève à titre d’exemple Nicole Le Peih, députée (LREM) de la 3e circonscription du Morbihan. L’élue fait donc le pari, avec d’autres acteurs du territoire, de désengorger la côte en développant l’intérieur de la région, qui pourra ainsi accueillir ceux qui préfèrent la campagne à la mer, et surtout, visent des prix immobiliers plus bas et davantage de tranquillité. 
Pour cela, l’élue compte sur un axe routier majeur, à deux fois deux voies, la RN 164, de Montauban-de-Bretagne (en Ille-et-Vilaine) à Châteaulin (Finistère), lancée sous l’impulsion du général de Gaulle et qui devrait finalement être achevée en… 2030. “C’est un chantier titanesque, mais qui revêt un enjeu colossal pour fidéliser les populations qui arrivent. D’autant que nous attendons 400000 personnes dans les quinze prochaines années”, indique ainsi la députée. Si certains tronçons, au début et à la fin de la RN 164, ont déjà été construits, “ceux du milieu sont attendus avec impatience”, soupire Rozenn Cornec, directrice de l’association Investir en Coeur de Bretagne. 
Effectivement, le trajet est évident. Mais actuellement, “du fait que les littoraux ont été historiquement privilégiés pour le réseau routier, il faut passer par le Nord ou le Sud pour aller de Rennes à Brest. Cela aurait beaucoup plus de sens de traverser le centre de la Bretagne”, enchaîne Jérôme Lejart, PDG de Lucia Environnement, vice-président de l’attractivité et du développement de la Communauté de communes du Kreiz Breizh et vice-président de l’association Investir en Coeur de Bretagne. D’ailleurs, selon ce chef d’entreprise, qui est implanté sur plusieurs zones du territoire et cherche à gagner du temps dans les déplacements, “l’avenir du développement économique de la région passe par son centre”. 
Certes, le train permet de rallier la gare de Paris-Montparnasse en seulement 1 heure 25 à partir de Rennes, par exemple. Certes, la région est dotée d’un réseau multimodal de bus et de TER (BreizhGo) relativement dense, qui permet de rejoindre une grande gare depuis une petite localité. Certes, le covoiturage se développe. Il n’en reste pas moins que les déplacements à l’intérieur même de cet espace sont complexes. 
“Pour les entreprises qui rayonnent à l’échelle de la région, la RN 164 est essentielle, confirme Rozenn Cornec. Et nous constatons que de plus en plus d’entreprises s’implantent aux abords des tronçons déjà construits, car cela leur donne, outre des avantages logistiques, de la visibilité, notamment pour leurs activités en BtoB.” Bien sûr, l’autre raison pour laquelle le centre Bretagne attire tient au prix… “Nous voyons des PME et des start-up revenir vers le centre de la Bretagne, se félicite ainsi Nicole Le Peih, pour les mêmes raisons que les particuliers : le littoral est de plus en plus cher et le foncier y fait défaut.” D’ailleurs, Jérôme Lejart, dont l’entreprise dispose de bâtiments en bordure de tronçons, s’est déjà vu proposer un rachat foncier à plusieurs reprises… 
Enfin, si la Bretagne a fondé sa réputation sur la production agricole et l’agroalimentaire, son économie s’est diversifiée et les innovations sont nombreuses. A l’instar des contenants biodégradables ou en plastique à base d’algues – d’ailleurs testés par Thomas Pesquet lors de son dernier voyage dans l’espace – développés par Elixance ; ou la peinture noire anticorrosion des moteurs de l’Airbus A320 et des Boeing 707 et le revêtement à base d’argent pour protéger les avions de la foudre de l’entreprise Socomore… Plastiques verts et revêtements pour avions sont en effet nés à Elven, dans le Morbihan. “Il s’agit d’entreprises d’envergure internationale, tout comme Miloco et Aero Net, dans l’aéronautique, implantées à Glomel, en plein centre de la Bretagne”, souligne Jérôme Lejart. Autant de prouesses technologiques, de valeur ajoutée et de potentiel qui ne peuvent qu’attirer de jeunes ingénieurs et autres, à la recherche à la fois d’une vie professionnelle gratifiante et d’une vie personnelle et familiale de qualité. Mais “pour fidéliser les familles, nous devons aussi pouvoir offrir des emplois aux conjoints”, précise toutefois Jérôme Lejart. D’où l’intérêt de développer un écosystème toujours plus fort… 
Nicole Le Peih est confiante. “Nous avons pour habitude de “regarder de l’autre côté de la haie”, dit-elle, et nos entreprises sont très dynamiques. Elles savent relever des défis et sont particulièrement impliquées dans tout ce qui touche à la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique.” Autant d’éléments qui pourraient, là aussi, attirer de nouveaux talents. 
Associés au plan du très haut débit initié par le Conseil régional de Bretagne pour le centre, élus et chefs d’entreprises ont donc bien l’intention de tirer parti de ce dynamisme économique et de ce renouveau démographique, qui passe par la RN 164… 
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