La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS
La relation de la France avec l’Afrique est ancienne. Elle date de l’ancien régime, à une époque où les royaumes européens, anglais, français, allemandes et espagnols, lançaient leurs bateaux sur les mers du globe à la recherche de terres libres ou inexploitées, à la recherche de denrées susceptibles d’être commercialisées. C’est ainsi qu’ont été créés les « comptoirs ». La France a essentiellement développé ses comptoirs de l’Inde, mais en Afrique, c’est avec le Sénégal qu’elle a construit une histoire solide et durable.
Presque quatre siècles relient les deux pays. C’est, en effet, en 1659 qu’est fondé le comptoir de Saint-Louis, nom donné en hommage au roi Louis IX de France. Témoignage d’une époque révolue, ce comptoir était destiné à la traite des esclaves, à l’embouchure du fleuve Sénégal le long de la Langue de Barbarie sur la côte Atlantique. Au XVIIIe siècle, la cité comptera déjà 7.000 habitants.
Le général Louis Faidherbe sera le gouverneur du Sénégal durant près de 10 ans, en deux séjours pendant lesquels il mettra en place des unités d’infanterie, au sein de l’armée coloniale, constituées de soldats africains noirs. Ces unités ont pris le nom de « Tirailleurs sénégalais » en hommage au nom du pays qui les a vu naître en 1857. Faidherbe est également lié au développement de l’économie du Sénégal. C’est lui qui jettera les bases de la future Afrique-Occidentale française en diffusant l’idée française bien au-delà du Sénégal et en développant l’économie locale. Il créera le port de Dakar et favorisera le développement économique de la colonie, avec des projets tels que la ligne de chemin de fer de Dakar au Niger réalisée plus tard, ou la distribution d’eau potable à Saint-Louis grâce à l’usine de Mbakhana, qui sera finalement inaugurée vingt ans après qu’il aura eu quitté le Sénégal.
C’est également en 1895 que sera finalement fondée « l’Afrique occidentale française », ce territoire immense qui regroupera sous l’autorité d’un gouverneur de nombreuses colonies, la Mauritanie, le Sénégal, le Soudan français (devenu Mali), la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Niger, la Haute-Volta (devenue Burkina Faso), le Togo et le Dahomey (devenu Bénin). En parallèle, vingt-cinq ans plus tard, l’Afrique équatoriale française sera formée du Gabon, du Congo français, du Tchad et de l’Oubangui-Chari (actuelle République Centrafricaine).
C’est à cette époque, en 1911 que la France décidera de construire le premier aérodrome de l’AOF à Bambey, ville située à une centaine de kilomètres à l’est de Dakar, au Sénégal, la première base aérienne de l’Afrique occidentale française (AOF).
Le 10 mai 1914, Blaise Diagne a été élu député du Sénégal. Celui que l’on surnommera « la voix de l’Afrique » deviendra ainsi le premier Africain de l’empire colonial français à entrer au palais Bourbon, en juillet 1914. Il est réélu sans interruption jusqu’à sa mort, en 1934, malgré des campagnes hostiles de ses adversaires.
Dans le domaine sportif, on peut citer l’exemple de « Battling Siki », un boxeur de 25 ans, originaire de Saint-Louis (Sénégal), qui deviendra en 1922 le premier Français noir champion du monde. Le 15 février 1931, Raoul Diagne, fils du député Blaise Diagne, sera, pour sa part, le premier footballeur noir de l’équipe de France.
Les relations économiques de la France et du Sénégal, ont commencé tôt dans l’histoire, avec cet épisode peu glorieux, heureusement achevé depuis longtemps désormais, de la Traite des noirs. Mais à distance de plusieurs siècles, les témoignages des lieux sont toujours prégnants, et il suffit de se rendre sur l’ile de Gorée qui, malgré la sérénité de ses paysages marins, la beauté des maisons et de ses ruelles aux couleurs ocres et roses, garde l’empreinte indélébile des souffrances vécues dans la maison des esclaves et dans bien d’autres demeures où les barreaux et les chaînes sont autant de témoignages du Code Noir.
Depuis, les relations entre le Sénégal et la France se sont développées différemment dès le XXe siècle, et notamment, au sortir de la seconde guerre mondiale, sur des modes d’humanité et de tolérance, portés par des intellectuels, et des hommes politiques de grande valeur. C’est ainsi que plusieurs anciennes colonies d’Afrique occidentales française ont vu s’épanouir des élites politiques et intellectuelles qui ont pris en mains les rênes de leurs pays au moment de la décolonisation des années 1960. S’agissant du Sénégal, personne n’ignore aujourd’hui ce qu’a pu représenter Léopold Sédar Senghor, né en 1906 à Joal (Sénégal) et mort en Normandie en 2001, cet homme d’État français, puis sénégalais, poète, écrivain, premier président de la République du Sénégal (1960-1980). Il avait été ministre en France avant l’indépendance du Sénégal et fut le premier Africain à siéger à l’Académie française.
Il est le symbole de la coopération entre la France et ses anciennes colonies pour ses partisans ou du néocolonialisme français en Afrique pour ses détracteurs. Le Sénégal lui doit beaucoup, comme il doit beaucoup à son successeur M. Abou Diouf ou à l’actuel président de la République Sénégalaise, M. Macky Sall.
Un voyageur français qui visitait les pays africains dans les années 60, depuis le Sénégal jusqu’au Golfe de Guinée, rencontrait des compatriotes dans des clubs réservés aux anciens dirigeants des colonies, des affairistes et des membres de la Françafrique. Des hommes de réseau. Mais très peu d’entrepreneurs ou de commerçants. En revanche, il croisait des Chinois qui avaient des commerces à tous les coins de rues, ou des Libanais qui avaient des restaurants dans chaque ville d’importance. En effet, depuis des décennies, ces derniers, Libanais ou Chinois, avaient installé leurs établissements dans toute l’Afrique comme ils le faisaient partout à travers le monde.
On peut le dire ainsi, les Chinois font du commerce, les Français donnent des leçons, leçons de politique, leçons de philosophie, leçons de démocratie… Où est passé l’esprit pionnier des siècles d’avant la révolution jacobine ? Les Français ont perdu le sens de l’entreprise avec la Révolution de 1789, préférant répandre les Lumières du XVIIIe siècle, les beaux principes de tolérance, tout en contribuant à aider les vassaux à accaparer les bénéfices des richesses locales.
Et l’Afrique regorge de richesses naturelles, hydrocarbures, minerais en tous genres, or, et bois rares. Elle doit se relever, et la France doit quitter ses habits d’anciens esclavagistes pour aider et financer l’éveil africain. Un préalable : le continent doit développer ses infrastructures, ainsi que peut le faire le Sénégal, pays le plus proche de la France, dans sa vision de la démocratie. Ensuite viendra le temps, sur ces « fondations », de développer les actions entrepreneuriales, sources de plus-values et d’indépendance.
Le Sénégal est l’un des pays les plus stables d’Afrique. Les trois alternances politiques, depuis l’indépendance en 1960, ont été pacifiques. Au pouvoir depuis 2012, le président Macky SALL incarne cet équilibre.
Carrefour de l’Afrique de l’Ouest, le Sénégal concilie modernité et respect des traditions. Il est un lieu d’échanges où tout entrepreneur, sans distinction d’origine, est libre de s’installer et de travailler, un pays à l’économie libérale où le secteur privé est soutenu par les autorités. La simplification du cadre réglementaire et juridique et le dynamisme du dispositif de promotion des investissements favorisent un climat des affaires sain. De plus, en étant devenu, grâce à ses dirigeants, un des acteurs les plus influents d’Afrique, le Sénégal a été initiateur de nombreuses conventions internationales, par exemple en matière d’environnement, de droits de l’homme, etc. Son président se distingue par son leadership dans la prise de grandes décisions en faveur de l’Afrique.
Quelques éléments notables : Le PIB s’élevait à 24,9 milliards de dollars et le revenu national brut (RNB) par habitant était de 1.430 dollars en 2020. Entre 2014 et 2019, le Sénégal a enregistré une croissance annuelle avoisinant 6 %. Ces résultats sont excellents, même si 2020 se signale par une légère stagnation, conséquence du COVID. Et même si, comme de nombreux pays du monde, la reprise économique est freinée par la guerre en Ukraine, on estime que la croissance réelle devrait pouvoir s’élever à 5 % en 2022. La reprise économique sera probablement progressive, mais la stabilité du pays est largement garantie par les réformes inscrites au Plan Sénégal Émergent (PSE). Parmi les nouvelles encourageantes, citons le dynamisme du secteur primaire, en premier lieu l’agriculture, qui constitue le principal moteur de la croissance, sachant, autre bonne nouvelle, que, même retardés par la crise sanitaire, les projets d’exploitation pétrolière et gazière devraient, à l’horizon 2023, largement contribuer aux recettes du pays.
Sous l’impulsion de l’actuel président, la République du Sénégal a défini les axes d’une réforme structurante. Cela passe, bien-sûr et avant tout par le développement du « capital humain », l’une des richesses du pays. Il faut aligner les formations de l’enseignement supérieur sur les besoins de l’économie, accélérer le développement des formations techniques et professionnelles, mais sans oublier de restructurer et de promouvoir la formation continue.
Dans une époque particulièrement sensible à la chose environnementale, le Sénégal a mis en place un « Fonds Sénégal Émergent » d’appui à la mise en œuvre du Plan Sénégal Émergent (PSE) qui n’est rien d’autre qu’une stratégie décennale sur la période 2014-2023, avec une vision pour un Sénégal à l’horizon 2035 à travers trois axes stratégiques qui sont la transformation structurelle de l’économique et de la croissance, le capital humain, protection sociale et développement durable et la gouvernance, institutions, paix et sécurité.
Le PSE est porté par un Plan d’Action Prioritaire (PAP), lui-même scindé en deux phases. La phase 1 (2014-2018) a permis d’enregistrer des résultats satisfaisants dans l’ensemble des secteurs et la phase 2 (2019-2023), qui se définit comme une continuité exigeant cependant une implication plus forte du secteur privé, adaptée aux nouvelles priorités nées de la crise sanitaire mondiale.
Le PSE prévoit ainsi la mise à disposition accélérée du foncier, la définition de zones économiques spéciales, le redressement des classements d’attractivité, l’accès de l’économie informelle à la protection sociale demandant la mise en place du « Régime Simplifié du petit Contribuable ». N’oubliant pas les richesses naturelles du pays, le plan prévoit de maximiser la valeur minière captée par le Sénégal.
S’agissant du financement de l’économie, les axes retenus sont la bancarisation des bas revenus, la simplification de l’accès des TPE et PME au crédit et au financement et le développement du Crédit Immobilier. Il s’agit donc, de facto, d’un plan national intégré de développement des infrastructures, et notamment, s’agissant de l’économie numérique, sa diffusion dans l’économie globale par la mise en place d’un « Conseil de l’économie numérique ». Renforcer les infrastructures du pays nécessite de renforcer les capacités d’impulsion de l’État, par la modernisation du Service public en mettant l’accent sur l’optimisation des entreprises et des participations de l’État.
En opposition aux habituelles déclarations d’intention, le développement des infrastructures et la croissance économique du pays confortent le travail réalisé par le Président Macky Sall au cours de son mandat. En véritable homme d’État, il dispose d’une vision prospective adaptée aux réalités continentales, qui se traduit d’ailleurs, sous sa Présidence, par la réalité d’une Union Africaine qui fait fortement entendre sa voix.
Ainsi, le changement qu’il opère, au pas de course, est plus que révélateur, comme le démontrent ces quelques exemples d’évolution :
Outre la création de la ville nouvelle de Diamniadio, les chantiers ont été nombreux, des ports (Ndayane ou Sendou), de nombreuses voies de communications routières, plusieurs autoroutes dont celle reliant Dakar à Saint-Louis, 2.500 km de routes nouvelles, des ponts de toutes natures, des aéroports nationaux et régionaux, et parallèlement le développement de l’aviation civile. Parallèlement, les transports publics ont été améliorés et restructurés (comme à Dakar).
Une grande priorité a été donnée à l’éducation et aux formations (universités et instituts), avec un accent sur le développement de l’économie numérique et des services liées à cette technologie.
Pour mieux satisfaire les besoins des populations, des progrès conséquents ont été réalisés dans la distribution de l’eau et celle de l’électricité (triplement des réseaux en 10 ans), et dans le domaine de la santé avec la construction ou la modernisation des hôpitaux (Touba, Kaffrine ou Saint-Louis) et la création de laboratoires pharmaceutiques (comme à Diamniadio). Dans un domaine plus ludique, le sport a été fortement soutenu, ce que l’on peut illustrer par la construction ou la rénovation de plusieurs stades.
Pour aider au développement économique, et notamment pour accompagner la croissance de la production agricole (qui a triplé durant la dernière décennie), des parcs industriels (Diamniadio ou Diass) ont été créés, ainsi que des centres dédiés à l’agriculture (Agropoles régionaux) et dotés de programmes comme le Programme National des Domaines Agricoles Communautaires (PRODAC) ou la Délégation générale à l’Entrepreneuriat Rapide des Femmes et des Jeunes (DER)
Par ailleurs, le Président Macky SALL a totalement intégré la notion de mobilité « douce », il a ainsi investi massivement dans les infrastructures ferroviaires avec la construction du TER et de la ligne BRT.
Un élément de modernité complémentaire depuis sa prise de fonction : en 2012, le pays était sujet à rationnement en matière d’énergie, désormais la fourniture et la distribution d’électricité sont largement maitrisées, il n’y a plus de coupures, une base saine pour envisager un déploiement économique d’envergure…
Le Sénégal, dans la sphère plus politique, a travaillé à la paix dans le monde, et notamment dans celui de la francophonie, mais aussi par un travail diplomatique des plus dynamique et un renforcement remarqué de la démocratie. Le pays a renforcé son armée et créé un institut de guerre, tout en réussissant la pacification de la Casamance, vieux sujet de discorde dans la région.
Le fonctionnement d’un État fort induisait un développement des moyens financiers mis au service de la modernisation du pays. Le budget est passé de 2.000 à 6.000 milliards de francs CFA durant la dernière décennie.
La France doit s’inscrire rapidement désormais dans le soutien à cette politique volontariste du gouvernement sénégalais. Les absents ont toujours tort et la place que pourrait occuper la France dans le développement moderne du Sénégal sera fatalement prise par les pays qui ont développé une stratégie commerciale relativement agressive en Afrique, la Chine et la Russie.
Il existe, entre la France et l’Afrique, de nombreuses possibilités de dialogue qui offrent autant d’occasions de relever des défis communs. Ces instances, généralement animées par des intellectuels reconnus en Afrique comme en Europe, rassemblent des personnalités indépendantes et des acteurs de terrain et des chefs d’État. Cette volonté de dialogue a été initiée en 2021par une douzaine de pays, l’Angola, l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Mali, le Niger, le Nigéria, le Sénégal, la République démocratique du Congo et la Tunisie.
Les thématiques qui sont abordés dans ces instance de concertation et d’études sont nombreuses et, bien évidemment incontournables, l’égalité femmes-hommes, la démocratie et la gouvernance, l’aide publique au développement et ses impacts, la préservation de la biodiversité, les nouvelles technologies, l’employabilité ou encore la mobilité des jeunes.
Mais cela ne va pas sans susciter des critiques, notamment parmi les jeunes Africains qui ont d’ailleurs, l’an passé, interpellé le président de la République Française sur sa politique africaine, et tout particulièrement sur le sort des migrants qui traversent la Méditerranée en prenant tous les risques. Le Sénégal est, certes, moins concerné par les problèmes de migration, mais cette question ne manque pas de trouver des échos dans un pays qui préside également aux destinées de l’Union Africaine.
Nombreux sont les Africains qui fustigent le « colonialisme », « l’arrogance » ou le « paternalisme » français, et reprochent à notre pays son passé colonialiste. Il faut passer à une autre histoire, loin de celle des colonies des siècles passés ou des « arrangements » entre amis de la Françafrique. Pour lutter contre les immigrations si critiquées, le remède n’est-il pas de participer au rééquilibre des démocraties en Afrique, de participer à la lutte contre les corruptions multiples et de contribuer à un véritable et récurrent développement moderne des pays les plus pauvres.
À la fin du XXe siècle, pour des raisons principalement économiques (gisements énergétiques, minerais, etc.) mais aussi pour des raisons stratégiques, la France a largement investi dans les économies africaines. Mais force est de constater que ces fonds ont aussi beaucoup renforcer les pouvoirs locaux et à diviser la population en caste et en sous-groupe ethnique.
De ce point de vue, le Sénégal présente un tout autre visage ! Il s’agit d’un territoire d’avenir, non pas d’un terrain de jeu pour ceux qui veulent accaparer les richesses du pays comme pourront le faire les Chinois ou les Russes, mais d’un espace de liberté démocratique où les entrepreneurs français peuvent apporter compétences et technologies, et transférer leurs savoirs vers les entrepreneurs locaux, protégés par les infrastructures économiques et politiques voulues par le président Macky Sall.
Il faut que l’Afrique connaisse enfin un vrai essor ! Cela est possible à l’image du Sénégal ! En misant sur la démographie, la santé et l’éducation, les femmes, la sécurité et l’apprentissage des langues. Comme le veut son président, le Sénégal a pour ambition de donner à ses enfants un avenir de paix et de progrès. Un exemple à suivre.
Bernard Chaussegros

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