C’est une réserve des plus inattendues comme il n’en existe qu’en Charente-Maritime. En l’occurrence, elle prend ici la forme d’un conteneur, de ceux qui s’empilent sur les cargos. Il y a longtemps que celui-ci n’a plus vu la mer. Il est disposé à proximité du restaurant de la famille Andrez, à Saint-Georges-d’Oléron, et il ne contient qu’un seul et même trésor : des aiguilles. Des millions d’aiguilles de pin maritime (surtout pas de pin parasol !) ramassées l’automne dernier dans la forêt voisine, le seul et unique combustible nécessaire à l’éclade, cette spécialité…
C’est une réserve des plus inattendues comme il n’en existe qu’en Charente-Maritime. En l’occurrence, elle prend ici la forme d’un conteneur, de ceux qui s’empilent sur les cargos. Il y a longtemps que celui-ci n’a plus vu la mer. Il est disposé à proximité du restaurant de la famille Andrez, à Saint-Georges-d’Oléron, et il ne contient qu’un seul et même trésor : des aiguilles. Des millions d’aiguilles de pin maritime (surtout pas de pin parasol !) ramassées l’automne dernier dans la forêt voisine, le seul et unique combustible nécessaire à l’éclade, cette spécialité particulièrement prisée sur Oléron et en Pays royannais.
Églade ou éclade ? Posons d’emblée la question qui fâche. Il en va ici comme des pains au chocolat et des chocolatines. La localisation détermine la dénomination : églade sur l’île, éclade sur le continent. Les partisans du “G” soutiennent que le mot vient du patois éguiade signifiant aiguillade, les défenseurs du “C” assurent que c’est parce que la moule éclate sous l’effet de la chaleur que le plat se nomme ainsi. « Il y a une faute quelque part mais on ne sait pas de quel côté du viaduc », sourit Jean-Philippe Andrez.
La Roue tourne, son établissement, est une institution créée il y a 56 ans. Ses parents ont été parmi les premiers restaurateurs à mettre l’églade à la carte. On peut y servir jusqu’à une centaine de planches. Cet été, c’est un peu plus compliqué. Pas que la clientèle manque, bien au contraire. Le téléphone ne cesse de sonner : « Faut s’y prendre longtemps à l’avance l’été », confesse une habituée.
C’est plutôt que le commerce, comme tous les autres, souffre du manque de main-d’œuvre, ce qui oblige à revoir à la baisse le nombre de couverts. Il faudrait cinq personnes de plus pour permettre à la maison de tourner à plein régime. « À l’origine, c’est un plat de pauvre, un casse-croûte de pêcheurs qui faisaient avec ce qu’ils avaient », raconte le maître des lieux qui a repris, il y a 33 ans avec son épouse, l’affaire familiale.
Il est courant de voir l’éclade former une rosace. Trois, quatre clous plantés dans la planche pour faire tenir les premières, puis les moules sont disposées les unes contre les autres, leur charnière soigneusement tournée vers le ciel. Une fois le montage exécuté, un manteau d’aiguilles se charge de les réchauffer. Une poignée de minutes après la mise à feu, le plat ne demande qu’à être déposé au milieu des convives avec du pain grillé et un verre de blanc charentais.
Dans les restaurants, on préfère une autre méthode, consistant à former des alignements, chaque moule prenant appui sur sa voisine. C’est plus rapide à monter, plus stable et plus facile à partager sur les grandes tablées.
Peu importe la présentation, on aura toujours sous le nez un plateau de moules cuites à l’étouffée. La promesse de bouchées autant iodées que boisées et de doigts noircis à la fin du déjeuner. « J’avais un beau pantalon blanc la première fois que j’ai goûté l’éclade de moules. Il était noir à la fin », se souvient une touriste berrichonne. « Avec les moules marinières, on a moins de problèmes », s’amuse son amie. « On s’en met partout mais ce n’est pas grave : c’est convivial, on ne se prend pas la tête et on se régale », tranche une Poitevine. « C’est un plat de partage. »
Sa préparation se révèle moins simple qu’il n’y paraît. L’exercice réclame une certaine délicatesse pour éviter de farcir les moules de cendres. « La première églade qu’on fait soi-même est toujours réussie parce qu’aux innocents les mains pleines. En revanche, la deuxième… », s’amuse Jean-Philippe Andrez. « Il faut que les aiguilles soient bien aérées pour qu’elles flambent bien. »
« L’important, c’est l’épaisseur du tas. Trop on brûle les moules, pas assez elles ne cuisent pas », prolonge Jacques Moullinaud, un Charentais qui a ses habitudes à Oléron. « J’en ai eu fait à la maison, à l’époque. Pour ceux qui ne l’ont jamais vu, c’est un spectacle. » La preuve lorsqu’une églade s’apprête à être lancée : la moitié de la salle se vide pour y assister et écouter les mollusques chanter. « On les entend se faire la bise », sourit un père de famille. « Elles se font plutôt des adieux », réplique un de ses fils.
Chacun opère un pas en arrière lorsque le feu déploie sa flamme. « En voyant ça, on comprend comment une forêt peut rapidement s’embraser. » Pas plus tard que la semaine dernière, les gendarmes ont verbalisé un professionnel à qui ils reprochaient de préparer des églades trop près des cabanes ostréicoles. C’est qu’une églade bien faite se contente d’embraser les papilles.

source

Catégorisé: