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AUX SOURCES D’UN RÊVE D’ÉTÉ (1/6) – Dans les Années folles, les familles Murphy et Gould font de la station des Alpes-Maritimes le rendez-vous chic de la belle saison. Une première sur la Riviera, jusqu’à présent vouée à l’hiver.
Trente degrés à l’ombre de la pinède cascadant jusqu’à la Méditerranée. Concert de cigales, sable brûlant et plages désertes. Planté au cap d’Antibes depuis 1889, un palace surplombe la mer sans la voir: ses volets sont fermés. Comme ceux du casino inauguré en 1908 et ceux des villas aux allures de châteaux de contes de fées. En ce début des années 1920, Juan-les-Pins somnole sous le soleil d’été. Sur la Côte d’Azur, la saison de villégiature, inventée depuis un siècle par les Anglais, c’est l’hiver. L’anticonformisme des Années folles va tout bouleverser.
Déjà, les femmes ont raccourci robes et cheveux. Le jazz, importé par les GI à la fin de la Grande Guerre, déferle dans les dancings branchés. Sous peu, le surréalisme défiera les règles de l’art et de la littérature. Et l’été sur la Riviera deviendra une réalité, avec bronzage, bains de mer en eaux tièdes, chaudes soirées sous les étoiles jusqu’au bout de la nuit. Juan-les-Pins en sera le premier eldorado et ses pionniers les Américains de Paris – excédés par le puritanisme et la prohibition qui sévissent chez eux. Ce sont, pour l’essentiel, des intellectuels de la «Génération perdue», Fitzgerald, Dos Passos, Hemingway, Gertrude Stein… Et des mondains fortunés. Deux couples de milliardaires, les Murphy et les Gould, seront, chacun à sa manière, les vrais artisans de cette nouvelle mode juanaise. Les Murphy, estivants hédonistes de la première heure, disparaîtront vite de la station. Contrairement aux Gould, visionnaires et bâtisseurs qui régneront sur Juan-les-Pins près de trente ans.
Fils du magnat des chemins de fer américains, Frank Jay Gould est un homme d’affaires. Pour sa part, Gerald Murphy se passionne plus pour les arts que pour la gestion de la chaîne familiale de magasins de luxe. En 1922, il rejoint, avec femme et enfants, son ami Cole Porter au cap d’Antibes endormi. En louant le château de la Garoupe pour l’été, le musicien a, sans le savoir, donné le la. Conquis par la splendeur du site et sa tranquillité, Gerald et Sara Murphy en feront leur paradis. L’été 1923, ils convainquent le directeur de l’hôtel du Cap-Eden Roc, le fameux palace aveugle au-dessus de la Grande Bleue, de laisser une aile ouverte. Rien que pour eux et les leurs. Rebelote l’été suivant. Entre-temps, ils ont déniché le camp de base idéal pour réunir leur tribu, trois enfants plus une ribambelle d’intimes, artistes et écrivains de toutes nationalités, les Américains de la Génération perdue, Fernand Léger, Picasso et sa muse Olga, les Beaumont, mécènes avisés – Étienne de Beaumont inspirera à Radiguet son Bal du comte d’Orgel.
En 1925, la maison du bonheur de Gerald et Sara est fin prête. Dans son jardin extraordinaire, cette villa America, conçue par deux architectes américains, est un chef-d’œuvre de modernité (Le Corbusier en restera baba). Elle est le point de ralliement des fidèles, les uns à demeure, comme Dos Passos, les autres à Juan-les-Pins, Scott Fitzgerald et sa fantasque Zelda villa Saint-Louis, Ernest et Hadley Hemingway à côté, villa Paquita. Chaque jour, la joyeuse troupe investit la plage déserte de la Garoupe au cap d’Antibes. C’est l’expédition avec armes et bagages, serviettes, parasols rayés blanc et bleu, huile solaire, canoë indien pour les enfants, bouteille de sherry et verres adéquats, panier pique-nique bio – produits locaux, légumes croquants et fruits du jardin – concocté par Sara – Picasso la trouve «très festin» et fait son portrait. Gerald fait le service. Le ménage aussi, débarrassant méticuleusement les algues échouées sur le sable.
«Les Français et les Britanniques cossus qui fréquentaient la Riviera en hiver seraient morts plutôt que d’y être vus en été. L’endroit leur paraissait trop chaud, mais à nous Américains, la température nous semblait parfaite, les bains délicieux, et Antibes était le petit port provincial vierge que nous avions rêvé de découvrir. Le culte du soleil commençait à peine», témoigne John Dos Passos dans La Belle Vie, ses souvenirs de jeunesse, publiés en 1966. Ces phrases font écho aux propos de Dick Diver, le héros de Tendre est la nuit, paru en 1934: «La plupart des plages du Nord, comme Deauville, sont envahies l’été par des Anglais ou des Russes, qui se moquent éperdument d’avoir froid. Alors que nous autres, Américains, nous appartenons, pour moitié, à des régions de climat tropical. C’est pour ça que nous commençons à venir ici.» Dans son roman-culte, Fitzgerald a mis en scène la petite bande seule au monde dans l’anse de la Garoupe et dont, soit dit en passant, Zelda est l’unique Sudiste. Dick et Nicole Diver, le couple vedette du livre, ressemblent étrangement aux Murphy, jeunes, riches, beaux et dotés d’un sens inné de la fête et de l’hospitalité…
Passons maintenant aux bâtisseurs. En 1923, un certain Édouard Baudoin, restaurateur et casinotier, rachète le casino de Juan-les-Pins. Superbement rénové, le temple du jeu rouvre en 1924, pour la saison estivale: du jamais-vu. Frank Jay et Florence Gould, en vacances dans la région, sont invités à l’inauguration. Le businessman flaire le potentiel de la station. Il se rapproche de Baudoin, constitue avec lui, en 1925, la société immobilière La Gauloise, une SA dont il se réserve la part du lion: 75 % des 1200 actions à 500 francs l’unité. Tout va très vite, avec l’acquisition de terrains et la construction d’un hôtel monumental dessiné par l’architecte cannois Lucien Stable, dans un style mi-Art déco mi-néoprovencal.
Le Provençal, c’est justement le nom de ce paquebot de 290 chambres, ancré à l’orée de la pinède, la mer en contrebas, les îles de Lérins à portée de pointu et le massif de l’Estérel à l’horizon. Inauguration en grande pompe le 25 juin 1927. Fondation du Club nautique d’Antibes-Juan-les-Pins dans la foulée, le 1er juillet. Et premier concours d’élégance nautique, organisé le 15 août, avec défilé en maillot de bain. Cette année-là, la saison d’été est lancée pour de bon. Les Gould ont investi dans la villa La Vigie, un château rose au bord de l’eau, voisine de la villa Saint-Louis. Vide cet été-là. Les Fitzgerald ne reviendront plus à Juan-les-Pins.
Les étés précédents, Boma Estène, un jeune homme, Juif russe d’origine, avait repéré la maison et ses drôles d’occupants, ces Américains de son âge, moins de 30 ans, au teint cuivré par le soleil, tranchant sur leurs vêtements clairs élégants. Il loue la villa et, ainsi que le stipule le nouveau bail, l’agrandit et la transforme en hôtel, le Belles-Rives. Il est toujours là, pieds dans l’eau, resplendissant. C’est le trésor Art déco de Marianne Estène-Chauvin. «Aussi incroyable que cela paraisse, raconte-elle, mon grand-père Boma est mort en 1971 sans savoir que les Fitzgerald avaient passé deux étés ici. D’ailleurs, toute la famille l’ignorait. Sauf mon oncle Casimir qui n’en a parlé qu’à la sortie du film Gatsby le Magnifique, le premier, avec Robert Redford, en 1974.»
Une fois propriétaire du Belles-Rives, Marianne Estène-Chauvin va donc raviver ces souvenirs. Photos d’époque au bar Fitzgerald, immense portrait du romancier sur la façade de l’hôtel, comme si Scott le Magnifique accueillait en personne les clients. Plus de la moitié sont américains et connaissent par cœur la summer Fitzgerald story. Quant au Provençal, fermé depuis 1976, il s’apprête à renaître, métamorphosé en résidence de luxe. Autre temps, autres mœurs. Dès la fin des Années folles, les Robinsons de la Garoupe l’avaient compris en découvrant «leur» plage envahie.
Y ALLER: Gare TGV à Antibes, www.voyages-sncf.comAéroport Nice-Côte d’Azur à 20 km. www.nice.aeroport.fr
SE LOGER: À l’Hôtel Belles- Rives, 43 chambres et suites, à partir de 315 €. Restaurant de plage et table étoilée. Chaque jeudi d’été, c’est la fête au bord de l’eau. Tél.: 04 93 61 02 79 et www.bellesrives.com
À l’Hôtel du Cap-Eden-Roc, 117 chambres, environ 1600-1800 €. Restaurants, spa Sisley, piscine d’eau de mer. Tél.: 04 93 61 39 01 et www.hotel-du-cap-eden-roc.com
SE RENSEIGNER: Office de tourisme, tél.: 04 22 10 60 01 et www.antibesjuanlespins.com
parigino
le
La photo ne représente pas Juan-les-Pins, mais bien la plage de La Garoupe à Antibes. Juan-les-Pins se trouve de l’autre côté du Cap d’Antibes, derrière La Garoupe..
quatrecinqsix
le
Il n’existe pas, comme le disent à tort nos amis américains, de “French Riviera”. La seule Riviera qui existe est la rivière de Gênes. Alors que le Figaro soit sympa en évitant d’écrire Riviera au lieu de Côte d’Azur dans l’introduction de l’article.
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Les températures, bien au-dessus des moyennes de saison en cette deuxième semaine des vacances de Noël, accélèrent la fonte de la neige dans les stations de basse et moyenne montagne.
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Les Américains réinventent Juan-les-Pins
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