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Pourtant interdits depuis janvier 2021, les couverts à usage unique envahissent encore le bord de mer. Les cuillères notamment, distribuées par les glaciers. Reportage à Cagnes-sur-Mer.
“On en retrouve toutes les semaines, systématiquement.” Thierry Debrun est indigné. Président de l’association Agirrr, à Cagnes-sur-Mer, qui lutte entre autres contre les “déchets sauvages”, il organise des plogging (1) hebdomadaires, sur le littoral de Nice et Cagnes, avec l’association Cagnes zéro déchets.
“Sur les plages, on retrouve énormément de petites cuillères en plastique, données par les glaciers.”
Il affirme en ramasser “autant que les années précédentes”. Et pourtant, l’usage des couverts en plastique à usage unique est interdit depuis le 1er janvier 2021.
Si la distribution de ces objets est prohibée depuis plus d’un an, pourquoi en retrouve encore autant parmi les déchets sauvages?
Cagnes, mardi après-midi, plein mois de juillet. Sandra est avec une amie. Elles sortent de chez Passion Glaces, au Cros-de-Cagnes. Dans le petit pot qu’elle tient à la main: stracciatella, crème chantilly… Et, petite cuillère bleue en plastique. “Ça ne me surprend pas d’en voir encore, confie-t-elle, j’imagine que les commerçants ont encore du stock et du moment qu’on est civilisés et qu’on les jette tout à la poubelle, je ne vois pas où est le mal.”
Jules, le jeune patron de Passion Glaces confirme: “Oui, il nous restait du stock, c’est pour ça qu’on en distribue encore.” Mais il assure: “C’est le dernier paquet. Ensuite, on passe à des cuillères en PLA, une matière végétale. Nos pailles sont déjà dans cette matière naturellement biodégradable.”
Chez Zozo, l’un des plus anciens glaciers du littoral cagnois, le patron, Cyril, partage: “Il nous reste trois paquets mais dès lundi 1er août, on bascule sur des cuillères bios. Tous nos autres couverts le sont déjà.”
Mais comment peut-il y avoir encore du stock alors que le gouvernement avait laissé six mois aux commerçants – jusqu’au 1er juillet 2021 –, pour tout écouler? À l’unisson, les glaciers du Cros-de-Cagnes répondent: “Le Covid.” Fermés pendant des mois, ils n’ont pas pu travailler. “La tolérance de six mois que l’État leur avait laissé a été étendue”, avance Thierry Debrun. Mais lui a une conviction: “Je pense que certains glaciers doivent encore se fournir en couverts en plastique… Tout ce stock, ce n’est pas possible. Ça a beau être interdit, vous en trouvez encore sur Internet.”
Le président de l’association Agirrr aimerait travailler de concert avec les glaciers et les collectivités (2) pour éviter cette pollution sur les plages. “Les gens ne sont pas assez sensibilisés.” Lorsqu’on interroge les clients et les glaciers, les idées fusent. Et se ressemblent. “Il faudrait des poubelles, il n’y en a pas assez”; “Et elles ne sont pas assez grosses, elles se remplissent trop vite et débordent”; “Ce serait bien de sensibiliser les gens avec des panneaux d’affichages”; “Installer des terrasses, pour que les gens consomment sur place et ne jettent pas n’importe où”…
En tout cas, ils semblent tous tomber d’accord sur une conclusion: “Plastique ou pas, s’il était jeté au bon endroit pour être recyclé, il n’y aurait pas de problème. C’est l’incivisme des gens qui est le plus polluant.”
(1) Le “plogging” est une activité de nettoyage citoyen qui s’effectue en faisant son jogging.
(2) Contactée mercredi à ce sujet, la mairie de Cagnes-sur-Mer n’a pas pu nous répondre avant la parution de cet article.
D’ici 2040, le gouvernement prévoit de stopper intégralement le plastique jetable, afin de lutter contre le gaspillage et la pollution de l’environnement. Les étapes se font progressivement. Le calendrier du déploiement a été établi par la loi du 17 août 2015.
Dès 2016, ce sont les sacs de caisse en matières plastiques à usage unique qui ont été interdits. En 2020, ont été proscrits entre autres, les gobelets, verres et assiettes jetables. En janvier 2021, l’interdiction s’est étendue à d’autres produits (confettis, pailles, piques à steak, couvercles, assiettes, couverts, bâtonnets mélangeurs, etc.) En 2022, est venu le tour du conditionnement plastique en dessous de 1,5 kg (sauf pour certains produits listés par le décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021) et des sachets de thé et de tisane en plastique non biodégradable. D’autres étapes ont été programmées entre 2023 et 2028, pour notamment arrêter la production d’emballages constitués de polymères ou de copolymères styrénique (non-recyclables), de contenants alimentaires de cuisson, etc.
Si certains glaciers sont en train d’écouler leurs derniers stocks de petites cuillères en plastique à usage unique [lire par ailleurs], d’autres n’en ont plus. Fini. Chez le franchisé Häagen-Dazs, Laetitia, la responsable, présente “une cuillère comestible”. Une gaufrette à déguster proposée depuis mai 2022. “C’est très apprécié par les clients, mais si certains rechignent à la payer, car elle coûte 60 centimes. Mais bon, elle représente un coût pour nous.” Et pour ceux à qui ça ne plaît pas, il reste les cuillères en bambou. Chez Le Glacier, Martin, le responsable, affirme: “nos cuillères ressemblent à du plastique mais elles n’en sont pas. Je ne sais plus la matière exactement, mais elles ne sont pas polluantes. Nous nous fournissons chez un producteur italien.”
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