Au bord de la faillite en 2011, le Portugal sort la tête de l'eau. Contre toute attente, ce redressement s'est accompli en desserrant la politique d'austérité au profit de la consommation. Mais faute de vraies réformes structurelles, la situation du pays reste fragile.
Pari gagné pour Lisbonne. Le Conseil européen s'apprête à ratifier la sortie du Portugal de la procédure pour déficit excessif. Le pays va donc rejoindre le club des économies vertueuses en dépit de toutes les prévisions d'experts. La remontée relève de l'exploit alors que le Portugal avait touché le fond en 2011. Au bord de la faillite, il avait dû solliciter un plan d'aide de 78 milliards d'euros dessiné par Bruxelles et le FMI, et s'était vu contraint de mettre en route de sévères mesures d'austérité. Six ans plus tard, il vient de réussir, en 2016, à passer sous la barre des 3 % de déficit public fixés par les règles européennes. Il a même fait mieux que promis, ramenant le décalage à 2 % du PIB, largement en deçà des 2,5 % attendus initialement selon le Pacte de stabilité.
Surprise ! La coalition de gauche qui était arrivée aux commandes sur les bords du Tage en promettant de « tourner la page de l'austérité », est en train d'afficher de meilleures performances que celles de l'Espagne (4,5 % de dérapage en 2016) ou de la France (3,4 %). Attentif à garder le cap, le gouvernement portugais se fixe l'objectif de continuer à réduire le déficit d'un demi-point par an pour atteindre l'équilibre budgétaire en 2020. Ceux qui l'an dernier prédisaient l'imminence d'un deuxième plan de sauvetage en sont pour leurs frais.
Sans bruit ni fureur, sans affrontement avec Bruxelles mais avec beaucoup de ténacité au moment de défendre des budgets jugés fantaisistes, Lisbonne est en train de prouver que sa méthode était la bonne pour remettre le pays sur les rails. « C'est l'occasion d'en finir avec la théorie selon laquelle l'Europe est condamnée à un avenir fait seulement d'austérité », affirme le ministre des Finances portugais, Mario Centeno, convaincu que son pays a ouvert une voie de sortie de crise différente. « Notre modèle est une recette exportable dans tout le continent », assure-t-il. C'est une victoire indéniable pour le socialiste Antonio Costa, arrivé au gouvernement en novembre 2015 alors que le pays semblait s'enfoncer dans un long hiver. Une fois n'est pas coutume, même son prédécesseur, le conservateur Pedro Passos Coelho, en convient.
La recette de Lisbonne ? Elle pourrait se résumer en une formule : desserrer la pression sur les ménages pour les inciter à consommer de nouveau. Le gouvernement minoritaire d'Antonio Costa, qui s'appuie sur le soutien hétéroclite de partis d'extrême gauche, semblait pourtant promis à une courte vie, coincé entre les engagements de rigueur pris à Bruxelles et les exigences de ses alliés au Parlement. Il a su slalomer, donnant des gages côté social avec la suppression des surtaxes sur l'impôt sur le revenu, la revalorisation du salaire minimum et des retraites, ou la restitution progressive des 35 heures pour les fonctionnaires. Mais, en contrepartie, il a aussi taillé drastiquement dans les investissements publics, en baisse de 30 %, relevé l'impôt sur les sociétés et augmenté la fiscalité indirecte (sur l'immobilier, les carburants, les sodas…).
A sa manière, souriante et accommodante, Antonio Costa l'équilibriste parie sur une rectitude comptable qui ne lamine plus le moral de classes moyennes. Et celles-ci commencent à retrouver l'optimisme après avoir eu le sentiment d'avoir été écrasées par le poids des politiques d'austérité. La croissance vient d'atteindre son niveau le plus haut depuis dix ans, pour atteindre 2,8 % en glissement annuel à la fin du premier trimestre 2017, alors que le taux de chômage a été ramené sous les 10 %. « Le gouvernement a été capable d'améliorer la situation macroéconomique du pays tout en revenant sur de nombreuses mesures imposées par la troïka. Je suis le premier surpris », reconnaît Luis Coelho, professeur de finance à l'université d'Algarve : « Le résultat est probant. Les Portugais ont recommencé à consommer, à investir et à se lancer dans de nouveaux projets, ce qui permet d'augmenter l'activité et de faire baisser significativement le chômage, d'autant que le pays a pour lui les vents favorables d'un nouveau boom touristique. »
Ombres notables au tableau, note-t-il pourtant, la dette publique, à 130,4 % du PIB, qui reste l'une des plus élevées de la zone euro après la Grèce et l'Italie, et les difficultés du secteur financier, toujours en cours d'assainissement, alors que l'Etat a encore récemment renfloué la banque publique Caixa Geral de Depositos, à hauteur de 3,9 milliards d'euros.
« Les mesures d'économie ont été réalisées sans réformes structurelles », critique Joao Luis César das Neves, professeur à l'école de gestion de l'Université catholique de Lisbonne. « Le gouvernement a réussi à mener une sorte d'austérité acceptable socialement… jusqu'ici. Mais tous les périls demeurent, tant sur le terrain financier que sur le terrain économique », dit-il, inquiet des difficultés du pays à se financer et de sa dépendance vis-à-vis des politiques de la BCE.
Pas si sûr que la potion magique portugaise existe selon lui : « Nous continuons à subir une politique d'austérité, mais elle est différente. En épargnant certains groupes influents politiquement, comme les fonctionnaires et les retraités, le gouvernement a acheté la paix sociale. Reste que les perspectives de croissance cachent de profonds déséquilibres qui n'ont toujours pas été résolus. » Et il avertit : « Les choses pourraient bientôt se compliquer », avant d'ajouter : « Mais nous avions dit la même chose l'an dernier. »
Après un plan d'aide de 78 milliards d'euros de Bruxelles et du FMI, le pays est passé sous les 3 % de déficit en 2016.
La coalition de gauche arrivée aux commandes en promettant de « tourner la page de l'austérité » a su imposer sa méthode en desserrant l'étau fiscal sur les classes moyennes.
Mais l'endettement du pays reste à 130,4 % du PIB et son secteur financier n'est pas assaini.
Correspondante à Madrid Cécile Thibaud
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