Partager :
C’est Emmanuel Macron, alors ministre de François Hollande qui, en août 2015, avait fait voter une nouvelle loi sur les professions protégées, prévoyant la création de 1 650 offices dans toute la France. Objectif : instaurer une nouvelle voie d’accès à l’installation des notaires par tirage au sort.
Un important bouleversement pour la profession (qui compte 6 189 études et 13 192 notaires au national) puisque jusqu’alors, les installations de notaires étaient « protégées » d’une éventuelle concurrence, les notaires pouvant seulement revendre leurs charges (à prix d’or) ou se les transmettre de père en fils.
Le lancement de la première vague de tirage au sort a eu lieu à l’automne 2017, et les nouveaux notaires ont commencé à s’installer dans le courant du 1e semestre 2018.
En Occitanie, sur le périmètre de la cour d’appel de Montpellier (Aude, Aveyron, Hérault et Pyrénées-Orientales), on compte 540 notaires pour 250 offices, dont 284 notaires dans le seul département de l’Hérault. Selon le Conseil régional des notaires, 21 % sont des notaires salariés, 151 sont des femmes (48 %) et l’âge moyen est de 46 ans.
« Sur la cour d’appel, 68 nouveaux notaires ont été tirés au sort, soit 39 dans l’Hérault dont 23 Montpellier, 7 dans l’Aude, 2 dans l’Aveyron à Rodez et 20 dans les Pyrénées-Orientales dont 14 à Perpignan, précise Me Arnaud Rasigade, président du Conseil régional des notaires de la cour d’appel de Montpellier. En fait, on est finalement arrivé à 74 installations car le tirage au sort concernait aussi des notaires installés qui ne sont pas comptabilisés comme “nouveaux”… Et nous avons enregistré deux défections, à Sète et Béziers, je ne sais pas pour quelle raison »
Les notaires en place ont-ils fait de la résistance à cette libéralisation des installations, par crainte de devoir partager un (lucratif) marché ? Fin 2016, peu avant le démarrage du nouveau dispositif, le Conseil supérieur du notariat (CSN) avait obtenu du gouvernement qu’ils puissent eux aussi candidater et participer au tirage au sort des créations de nouvelles études. Une disposition qui, selon certains, s’éloignait de l’esprit initial de la loi…
« Oui, il y a eu un peu de résistance, principalement sur les modalités, répond Me Rasigade. Ce qui nous a gêné, c’est le principe du tirage au sort mais cette crainte est apaisée aujourd’hui… Car heureusement, il y avait un système de cartographie, réalisée par le ministère et la profession, et ouvrant à la création d’études en fonction des besoins du territoire. Concernant la concurrence qu’allait créer l’installation de nouveaux notaires, il y a en effet d’abord eu une petite inquiétude. Mais les choses se sont faites en bonne intelligence. Sur certains endroits, comme dans les grandes agglomérations, il y avait de la place pour accueillir des offices supplémentaires… Globalement, sur la cour d’appel, tout s’est bien passé car les deux dernières années ont connu une belle embellie en termes d’activité notariale, essentiellement grâce au dynamisme immobilier régional, ce qui a permis de passer le cap de manière plus souple. Mais combien de temps ça va durer ? »
En s’installant, les nouveaux notaires, dont beaucoup ont déjà une expérience en tant que notaires salariés, s’exposent entre autres aux difficultés inhérentes à toute création d’entreprise, mais aussi potentiellement à un accueil « réservé » de la part des notaires installés auxquels ils peuvent grignoter des parts de marchés…
Comment ont été accueillis les « bébés Macron », comme on les appelle dans la profession, sur le périmètre de la cour d’appel de Montpellier ? Aucun des notaires en place que nous avons sollicités dans la région n’a souhaité s’exprimer, se retranchant derrière une prise de parole réservée aux représentations locales de la profession. Quant au CSN, il n’a pas souhaité donner suite à nos demandes. Le Conseil régional renvoyait pourtant vers cette instance nationale pour connaître notamment le nombre de notaires installés ayant candidaté aux tirages au sort…
Le mot d’ordre officiel, c’est l’accueil et l’accompagnement.
« L’accompagnement s’est organisé au niveau des chambres départementales, assure Arnaud Rasigade. Il y a un tiers des nouveaux installés pour lesquels ça se passe bien et un tiers pour qui se sera compliqué. La 3e année sera une année charnière car il y aura rattrapage de charges… On ne voit pas encore d’études en faillite ou rachetées, mais plutôt des rapprochements informels, des discussions. Probablement y aura-t-il une re-concentration, et pas forcément entre créateurs et anciens. On attend de voir comment les nouveaux notaires et les structures existantes arrivent à travailler. »
Une pression est mise sur les notaires pour s’associer. Alors qu’ils pouvaient autrefois employer quatre notaires salariés par notaire associé, le nombre est tombé à deux. Autre conséquence pour les études notariales en place : une perte de compétences, aggravée par une insuffisance de diplômés à recruter.
Le cas de Pascal Valette, 42 ans, est particulier : après avoir été notaire assistant pendant une quinzaine d’années dans le Lot, et alors qu’il était en train de racheter l’office d’un notaire lotois, il a été tiré au sort à Perpignan. Il s’est associé pour le premier et a ouvert une étude à Perpignan en décembre 2018.
« Au départ, on ne nous voyait pas arriver les bras grands ouverts, la profession était cadenassée, il fallait partager le gâteau, se souvient-il. Mais si les notaires s’étaient associés à partir d’un certain niveau de chiffre d’affaires comme on leur demandait, ils n’auraient pas eu cette loi… Finalement, nous avons été bien accueillis, et tous les matins, je dis merci Emmanuel Macron ! Mais c’est une pression incroyable : il faut se mettre à la comptabilité et aux formalités postérieures, se transformer en manager ou en secrétaire, être son propre VRP, se constituer un réseau… La première des difficultés, c’est le formalisme administratif auquel on n’est pas formé. Le Conseil régional des notaires et les chambres départementales ont été réactifs et le suivi a été impeccable ! Aujourd’hui, j’ai trois salariés et le maître-mot, c’est la polyvalence pour tout le monde. »
Premier « bébé Macron » à s’installer à Montpellier (dans le quartier des Arceaux en janvier 2018), Romain Mathieu, 35 ans, dit avoir bénéficié de l’effet de curiosité, notamment de la part d’agences immobilières qui sont venues « tester le jeune notaire ». Fort d’un réseau personnel déjà existant, il a vu affluer les premiers dossiers, optimisés par un efficace bouche-à-oreille.
« J’ai été notaire salarié pendant sept ans dans une étude nîmoise, et j’avais candidaté dans 38 villes, raconte-t-il. La loi Macron était une opportunité, c’est un joli cadeau. Je travaille beaucoup, 10 à 12 heures par jour, parfois le week-end, mais c’est un sacerdoce choisi… J’ai été bien accueilli par la profession, avec notamment un notaire référent à la chambre pour répondre à nos questions. Les acteurs autour du notariat nous ont également bien aidés. Je me suis formé aux formalités postérieures. Les appréhensions qui persistent portent plutôt sur le niveau d’activité à venir… »
Le nouveau notaire confie avoir été approché par des notaires installés pour s’associer à leur office, propositions qu’il a refusées.
Laura Querol-Volle a ouvert son office notarial au Crès (34) en avril 2018. Celle qui dit avoir la vocation depuis l’âge de 15 ans s’était donné jusqu’à 40 ans pour s’installer à son compte : c’est chose faite.
« Je n’avais pas de patrimoine pour acheter une étude, la réforme m’a sauvée !, se félicite-t-elle. J’ai été salariée pendant 12 ans dans plusieurs études. Quand je me suis installée, j’ai choisi de m’associer avec une ancienne collègue. »
La jeune femme s’est formée (notamment à la comptabilité), a suivi les ateliers proposés par la Chambre départementale, et évoque une entraide entre nouveaux installés.
« J’ai ressenti une crainte de la part des notaires en place, ajoute-t-elle. Je comprends leur réticence à voir de jeunes diplômés arriver sans expérience. Mais le marché de l’immobilier est dynamique dans la région et donne beaucoup de travail aux notaires, donc je ne suis pas sûre qu’ils aient ressenti les effets de la concurrence… Pour nous faire une clientèle, nous avons voulu strictement respecter les obligations de ne pas faire de démarchage. Nous arrivons dans une profession craintive et fermée, il faut entrer par la petite porte… On nous a sollicitées pour des rendez-vous de présentation – gestionnaires de patrimoine, assureurs, agents immobiliers, promoteurs – et on nous a testées. Ensuite, c’est le bouche-à-oreille qui fonctionne ! D’ailleurs, nous avons été bien accueillies par les partenaires, comme les agents immobiliers, qui apprécient la proximité et notre réactivité. Ce qui est logique car lorsqu’on débute, on a peu de dossiers. »
Elle aussi a refusé des propositions d’association avec des notaires en place.
La seconde vague de tirage au sort s’est terminée en juillet 2019. Sur le ressort de la cour d’appel de Montpellier, 20 nouveaux notaires seront autorisés à ouvrir un office : 9 dans l’Hérault, 3 dans l’Aude, 2 dans l’Aveyron et 6 dans les Pyrénées-Orientales.
« Ces notaires s’installeront courant 2020, précise Me Rasigade. Pour le moment, seulement deux arrêtés de nominations ont été pris pour l’Aude et l’Aveyron mais on ne connait pas les noms. »
Était-il judicieux de lancer la deuxième vague aussi vite, les premiers nouveaux notaires ayant à peine eu le temps de se faire une clientèle ?
« Nous n’avons pas de visibilité, répond Me Rasigade. Le problème, c’est que l’autorité de la concurrence a dit qu’il fallait 3 500 notaires supplémentaires à horizon 2024. Cependant, il aurait probablement été plus sain d’espacer un peu dans le temps. La 3e vague est annoncée pour février 2020, et ce sera la dernière ! »
Partager :
Du lundi au vendredi, à 19h, recevez l’essentiel de l’actualité de
Montpellier et sa région
Dernière étape : confirmez votre inscription dans l’email que vous venez de recevoir.
Pensez à vérifier vos courriers indésirables.
À très bientôt sur le site de La Tribune et dans nos newsletters,
La rédaction de La Tribune.
À très bientôt sur le site de La Tribune et dans nos newsletters,
La rédaction de La Tribune.
Découvrez l’ensemble des newsletters de La Tribune
La rédaction de La Tribune
Un e-mail contenant vos informations de connexion a été envoyé.
À très bientôt sur le site de La Tribune et dans nos newsletters,
La rédaction de La Tribune.
S’inscrire à la newsletter Occitanie – Montpellier
Sujets les + lus
|
Sujets les + commentés
1
revue T ESS : acte de naissance de l’URSCOP Occitanie
2
Rendez-vous du Club de l'Eco
3
Le Conseil régional vote pour « Occitanie »
4
Gilbert Ganivenq, nouveau président de Soridec
5
Montpellier revendique le leadership français sur l'eau
1
revue T Liaison gazière BarMar : pourquoi c’est primordial pour la filière hydrogène en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine (5)
2
revue T Les vins bio à la peine mais pas de déconversions massives en vue (3)
3
revue T Industrie du masque : le coup de gueule de l’entrepreneur héraultais Christian Curel (2)
4
revue T Conflit sur la rivière Têt : le début de la grande bagarre de l’eau ? (2)
5
revue T Pipeline d'hydrogène entre Barcelone et Marseille : un projet sous-marin ambitieux mais risqué (2)
Pour être alerté par email d’une réaction à ce commentaire, merci de renseigner votre adresse email ci-dessous :
Pour être alerté par email d’une réaction à ce commentaire, merci de renseigner votre adresse email ci-dessous :
Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.
VENDREDI 26 SEPTEMBRE
MONTPELLIER ZÉRO CARBONE

source

Catégorisé: