Il a garé son vélo contre le banc en pierre du port. Et il regarde les bateaux assis sur le quai de l’Infante de Saint-Jean-de-Luz (1). Sort de la poche de son pantalon des miettes de pain pour les moineaux, pas les pigeons « seulement les moineaux ».
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Jean-Louis a 82 ans, il est rentré au pays, il y a deux ans, après une vie par monts et par vaux. « J’ai même pris le Concorde, c’est vous dire », résume-t-il. Mais Jean-Louis est né ici, la maison en face du port « cette porte-là » qu’il montre du doigt. Et ses souvenirs le bousculent, ses copains, son père qui pêchait en douce sous le port pendant la guerre, le visage de sa mère. Mêmes couleurs, même lumière, mêmes odeurs. Pourtant rien n’est…
Il a garé son vélo contre le banc en pierre du port. Et il regarde les bateaux assis sur le quai de l’Infante de Saint-Jean-de-Luz (1). Sort de la poche de son pantalon des miettes de pain pour les moineaux, pas les pigeons « seulement les moineaux ».
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Jean-Louis a 82 ans, il est rentré au pays, il y a deux ans, après une vie par monts et par vaux. « J’ai même pris le Concorde, c’est vous dire », résume-t-il. Mais Jean-Louis est né ici, la maison en face du port « cette porte-là » qu’il montre du doigt. Et ses souvenirs le bousculent, ses copains, son père qui pêchait en douce sous le port pendant la guerre, le visage de sa mère. Mêmes couleurs, même lumière, mêmes odeurs. Pourtant rien n’est plus pareil.
À midi, le soleil chauffe un peu, on l’attend, mais il traîne encore. Sort son harmonica de la poche de son veston et joue Hegoak, cet hymne basque jamais oublié. Les mouettes et le ronron d’une barque à moteur qui entre dans le port assurent l’accompagnement. Ragaillardi, il continuerait bien par un fandango, mais la soupe va être froide. « J’ai toujours su que je reviendrais ici, chez moi. Oui ça a changé, mais je me reconnais toujours. » Dans trois mois il faudra voter pour élire un président, il hausse les épaules, fataliste, trop tard il a déjà filé sur son vélo.
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Il fait soleil dans le salon de Solange et Xabi ce lundi matin. 89 printemps pour l’une et 91 pour l’autre. Une horloge dit oui et non, comme dans la chanson de Brel, des enfants en photo rient sur la commode et la famille entière pose à l’heure d’un repas de fête. Midi, c’est le portage des repas du CCAS, Fabienne sonne à la porte. « Au menu du jour, poulet rôti et carottes sautées ! » annonce-t-elle. Le couple l’accueille, puis enfourne le repas au chaud. « Je me suis pris les pieds dans la robe de chambre en novembre dernier et j’ai été blessée, explique l’élégante Solange. Depuis, j’ai perdu de la mobilité et je ne peux plus faire les courses et le repas. » Quant à Xabi, s’il sait manier la bèche et le râteau, il n’a jamais su tenir une casserole.
1 400 euros de retraite à eux deux. Ils disent s’en contenter « sans faire de folie ». Ils sont nés à Saint-Jean-de-Luz, lui, employé municipal pendant plus de quarante ans, elle a élevé leurs deux enfants. Le journal et la télé les informent de la vie du reste du monde : « Saint-Jean-de-Luz est devenu gros, lâche Xabi. On est bien content d’avoir acheté cet appartement en 1970, après on n’aurait pas pu. » Bien entendu qu’ils vont voter assurent-ils d’une même voix. « Pour qui ? Là, on ne sait pas, trop de candidats, ça fait tourner la tête… Mais j’ai ma petite idée, accorde Monsieur. Je voterai pour celui qui augmentera ma pension. Je suis retraité depuis trente ans, et depuis dix ans rien n’a bougé ! » Fabienne est déjà repartie, elle a distribué une quarantaine de repas ce matin-là. Tous les jours le service de portage à domicile, en assure une centaine. « Un chiffre jamais atteint, reconnaît Maxime Cluchier directeur du CCAS, l’augmentation du nombre de seniors, associé à la pandémie ont généré une croissance forte de la demande. Nous nous adaptons en permanence à la démographie et aux nouveaux besoins. »
La moitié de la ville a plus de 60 ans et pourtant, lorsqu’on met le nez dehors, on n’a pas le sentiment d’arpenter un Ehpad. Si vieux il y a, ceux que l’on croise ont plutôt la patate. Ainsi ce groupe de nageuses en eau froide que l’on entend, avant de voir. « 8° aujourd’hui » annonce dans un cri glacé une naïade sexagénaire qui sort de la baie de Saint-Jean, la peau rouge façon homard, en riant : « c’est vivifiant, mais ça fouette le sang » Ses copines de bain, toutes des retraitées, ôtent leur doudoune sans chouiner, avant de se jeter à l’eau dans des cris de guerrière. Et c’est parti pour une demi-heure de tchatche et de marche aquatique, laissant comme deux ronds de flan, les nantis du centre de thalasso voisin qui mijotent dans des eaux chaudes.
Direction le club senior, avenue Jaureguiberry derrière les Halles. Là aussi, on tombe la doudoune. Voici les habituées du club, grandes joueuses de belote devant l’Éternel : Suzanne, 87 ans, Annie, 72 ans, Josette 81 ans, Jeannette 85 ans et Jacqueline, 75 ans. Elles ont un point commun, en plus de la belote : Paris. Elles ont toutes vécu leur vie professionnelle, familiale, leur jeunesse dans la capitale, avant de choisir de s’installer définitivement à Saint-Jean-de-Luz. Mais, attention au détail, elles sont originaires du Pays basque : « Nous n’avions que ça en tête, revenir, et trouver un lieu intermédiaire, pas une grosse ville mais pas l’isolement non plus, avec des activités, des services, du contact humain » « Et notre petite vie tranquille, assurent certaines. On parle beaucoup du sentiment d’insécurité aujourd’hui et, on n’y échappe pas non plus ici. » « Maintenant, je ne mets plus un pied dehors à la nuit tombée, la trouille, remarquent Josette et Suzanne. Les rues aux lumières éteintes, un vrai coupe-gorge. Il faudra le dire aux candidats à la présidence. On a la trouille, même à Saint-Jean. » La peur du dehors est arrivée jusqu’ici. Justifiée ou fantasmée. Pour elles, l’enjeu désormais est là. « On croyait en revenant chez nous, trouver la paix. Il faut croire qu’on n’y échappe pas. »
(1) La rédaction de « Sud Ouest » a sélectionné cinq communes dans la région pour prendre le pouls des habitants et mesurer leurs attentes avant l’élection présidentielle de 2022. Jusqu’au scrutin, nous reviendrons chaque semaine dans l’un de ces lieux, avec le ou la journaliste qui le couvre. La semaine prochaine, Biscarrosse.

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