Deux femmes entièrement vêtues et voilées ont été interdites de baignade, mardi dernier, dans la piscine d’un centre de vacances de l’Aude. La polémique autour du voile ressurgit.
Dix jours après l’adoption par l’Assemblée nationale, à une écrasante majorité (335 voix contre une), du projet de loi visant à interdire le port du voile intégral dans l’espace public, le sujet refait polémique dans l’actualité. Mardi dernier, dans la piscine du centre de vacances Rives des Corbières à Port-Leucate (Aude), deux femmes voilées et entièrement vêtues ont été interdites de baignade, ce qui a provoqué la colère d’un des maris qui a menacé un maître-nageur avec des boules de pétanque. Les deux mères de famille, qui portaient pantalon, tee-shirt et se présentaient le visage en partie voilé au bord du bassin, ont été priées de quitter les lieux par le maître-nageur du village de vacances, situé dans la station balnéaire de Port-Leucate.
Cette interdiction n’a nullement été motivée par une volonté de
discrimination, s’est justifiée la préfecture de l’Aude. « Ce n’est pas la tenue islamique qui posait problème », a souligné Anne-Marie Charvet, préfet de l’Aude. C’est une mesure d’hygiène en vigueur dans toutes les piscines de France : il est interdit de porter autre chose qu’un maillot de bain, les shorts ne sont pas admis non plus ».
Le climat s’est envenimé lorsque les deux maris ont reproché aux surveillants de baignade de ne pas laisser leurs épouses surveiller leurs enfants qui jouaient dans la piscine. Une mise au point sur le règlement d’accès à la piscine avait été faite, la veille de l’incident, par le personnel aux deux familles en leur expliquant « qu’aucun vêtement ne devait tremper dans l’eau pour ne pas altérer sa propreté ».
Le maître-nageur menacé par l’un des protagonistes a toutefois décidé de porter plainte. Mais après avoir été entendus par les gendarmes, les deux maris n’ont pas été poursuivis. En même temps, la situation est revenue à l’apaisement et les deux couples de touristes ont prolongé leur séjour. Hier, ils se trouvaient toujours au centre de vacances, selon le directeur de l’établissement.
L’Assemblée nationale a adopté mardi 13 juillet, en première lecture, le projet de loi visant à interdire le port du voile intégral dans l’espace public, proclamant ainsi une règle essentielle de la vie en société selon laquelle « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». «La pratique de la dissimulation du visage (…) n’a donc pas sa place sur le territoire de la République», ont estimé en substance les députés.
Aux Rives des Corbières, résidence de vacances de 200 logements à Port-Leucate, «l’affaire de la piscine» n’a pas plus suscité d’émotion que cela. Ni parmi les vacanciers, ni au sein de la direction. Les estivants en rient même. Pierre, un Champenois, se dit déçu. «Je voulais me baigner en costard, je ne pourrai pas. C’est une grande déception», dit-il, hilare. Les ados, las des slips de bains qui leur sont imposés à la piscine ne voient rien à redire au fait que l’on ait interdit à deux dames carrément «habillées» de se baigner.
Michel Tomasso, le directeur de la résidence ne comprend pas comment les choses ont pu dégénérer à ce point. Et surtout, pourquoi elles ont été médiatisées. «Cela fait 14 ans que je travaille ici, et ce n’est jamais arrivé», dit-il. Et pour cause. Le règlement intérieur du centre, qui appartient, de sucroît, à la Fédération des œuvres laïques est très clair en ce qui concerne l’utilisation de la piscine. L’accès est réglementé, sur la base des préconisation de la direction des affaires sanitaires. «A l’entrée de la piscine, des pictogrammes résument tout. Le préposé au bassin invite les personnes à le consulter. Quand un problème se présente, comme mardi, c’est à moi d’intervenir. Là, ça a pris d’incroyables proportions, avec des insultes et un foin terrible…», regrette Michel Tomasso. Atterré, c’est lui qui a appelé les gendarmes pour que cesse le vacarme. Mais pour lui, le «harcèlement médiatique» dont il a fait l’objet depuis lors n’a pas lieu d’être. «La règle est la même pour tous. J’interdis à des gamins fiers de leur bermuda de bain de marque de se baigner, pourquoi l’autoriserais-je à des dames habillées ? Quand une personne qui présente des verrues ou un enfant malade sont invités à ne pas se baigner, ça râle, parfois, mais on en fait pas une affaire…», conclut-il.
Carole, âgée de 35 ans, avait pris l’habitude de venir faire trempette à la piscine d’Emerainville (Seine-et-Marne). Elle y nageait en « burqini », un maillot de bain islamique composé d’un voile, d’une tunique et d’un pantalon, avant qu’un maître-nageur de l’établissement, en août 2009, ne lui en interdise l’accès. Le motif était le même que celui invoqué mardi dernier à la piscine du centre de vacances de Port-Leucate : l’établissement n’accepte pas le « burqini ». Carole, qui comptait porter plainte, avait parlé de « ségrégation », menaçant même de « quitter la France » si elle n’obtenait pas justice. Si très peu de cas ont défrayé la chronique, certains directeurs de piscines avouent avoir déjà essuyé des refus. Le cas s’est présenté deux fois, en août dernier dans un établissement de Saint-Étienne (Loire). « La religion n’est pas le problème, c’est une question d’hygiène », estimait l’employée.

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