Alors que la politique du logement se trouve désormais répartie entre le ministère de la Cohésion des territoires (Richard Ferrand) et celui de la Transition écologique pour l’habitat durable (Nicolas Hulot), de nombreux propriétaires et potentiels investisseurs se questionnent sur l’avenir de la loi Pinel.
Prolongée jusqu’au 31 décembre 2017, elle pourrait néanmoins voir son contenu modifié en raison du changement de gouvernement, ce qui ne serait pas sans interroger la stratégie des investisseurs.
En effet, la révision du zonage et des plafonds Pinel (ressources des locataires et prix au mètre carré) sont des points cruciaux d’évolution pour les personnes qui planifient un achat.
Ainsi, quels sont les projets du président Macron pour la loi Pinel ? Seront-ils bénéfiques aux futurs propriétaires ?
D’autres éléments, indépendants de la politique du nouveau gouvernement, pourraient également venir redistribuer les cartes, tels que le déclassement économique de certaines villes ou encore la mise en place de la nouvelle réglementation thermique à l’horizon 2020.
Qu’est-ce que les français attendent d’une politique du logement ? Pour rappel, selon l’Insee, le logement représente 26,6% des revenus d’un accédant à la propriété et 28,4% de ceux d’un locataire du secteur privé (2013). Un poste de dépense qui, en plus de ne pas être négligeable, conditionne le bien-vivre des français. Seuls 35% des français estiment qu’il est aisé de devenir propriétaire en France et 14% affirment vouloir devenir propriétaires d’un bien immobilier locatif au cours des cinq années à venir. En cause, le prix de l’immobilier, qui serait trop élevé pour 55% des français (sondage Ifop pour CAFPI). L’accession à la propriété, condition incontestée d’un certain confort de vie (ne plus payer de loyer, avoir le sentiment d’être chez soi, transmettre un bien à ses enfants etc) restent inaccessible pour plus de la moitié des français.
Une hausse de 23% a été constatée en ce qui concerne les ventes aux investisseurs particuliers entre 2015 et 2016. Avec une déduction fiscale qui peut atteindre les 63 000 euros, la loi Pinel a su inciter les français à s’engager dans l’immobilier neuf.
Emmanuel Macron – dans son programme – table sur la stabilité fiscale, ce qui implique le maintien de la loi Pinel. Cependant, le dispositif d’investissement locatif pourrait voir son zonage transformé. Le président estime qu’il faut définir des zones prioritaires de construction. En effet, il mise sur les zones qu’il qualifie de “tendues”, qui ne sont autres que les métropoles et grandes aires urbaines. Pour être éligibles au titre de “zones tendues”, ces aires urbaines devront faire la preuve d’une priorité absolue concernant les enjeux en matière d’emploi et d’infrastructures de transport.
L’objectif de ce nouveau zonage est de construire moins en investissant mieux, en particulier dans les zones où se situent les besoins en matière d’emploi. Ce sont ainsi 70 000 logements qui seront construits en Île-de-France chaque année (contre 45.000 actuellement) et 45.000 en PACA (contre 30.000 aujourd’hui). En focalisant l’effort de construction sur ces zones spécifiques, Emmanuel Macron compte initier un “choc d’offre”, c’est-à-dire une pression à la baisse sur les prix de l’immobilier. Cela laisse présager une évolution des plafonds de la loi Pinel vers une diminution des loyers au mètre carré modifiant au passage le plafond de ressource des locataires.
Le développement de l’offre de logements neufs prend une place centrale dans la politique du nouveau gouvernement. Précédemment nous soulignions l'excellente santé de la promotion neuve dans le bordelais, où, comme à Toulouse, Nantes mais aussi Rennes, les initiatives privées ont su savamment s'associer aux politiques urbaines municipales et régionales. Si la redéfinition du zonage Pinel semble aller en faveur des potentiels acquéreurs au sein des métropoles, une autre mesure semble se construire en la défaveur des propriétaires de manière générale.
Le passage de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), voulu par Emmanuel Macron, tend à relancer l’investissement (à la baisse depuis que François Hollande a aligné la fiscalité du capital sur celle du travail) et à freiner l’exil fiscal. Pour ce faire, la réforme scinde l’assiette de l’ISF en deux pour exonérer “l’ensemble des valeurs mobilières” à savoir, les actions cotées ou non (hors sociétés immobilières), les obligations et l’assurance-vie. Autrement dit, seules les valeurs immobilières entreront dans le calcul de l’ISF, donnant le “ privilège au risque [les placements financiers] face à la rente [immobilière] ” selon les mots du président.
D’après un sondage publié le 14 mars dernier (Odoxa Guibor pour Les Échos), cette mesure est approuvée par 53% des français.
Quelles conséquences pour les propriétaires et les investisseurs ? Il est important de préciser que l’IFI reposera sur le même seuil d'assujettissement (1,3 millions d’euros), le même barème et les mêmes règles (abattement de 30% sur la résidence principale) que l’ancien ISF. En d’autres termes, aucun propriétaire ne devrait subir de hausse d’impôt du fait du remplacement de l’ISF par l’IFI. D’autre part, les français situés en bas du barème de l’ISF ne l’atteindront plus avec leur seul patrimoine immobilier, ce qui aura pour conséquence leur exonération de l’IFI. De même, les contribuables à l’IFI les moins fortunés verront leur charge fiscale réduite puisque ce sont en moyenne 55% de leur patrimoine qui est constitué d’immobilier (donc imposable).
De plus, la rumeur qui affirmait qu’un “loyer fictif” serait imputé aux propriétaires-occupants a été fermement démentie au sein du programme “En marche” du président : “ Cette légende sans fondement est propagée par nos adversaires, c’est de la désinformation pure “.
En somme, si les propositions d’Emmanuel Macron en faveur du logement se présentaient comme préjudiciables aux propriétaires, l’entrée dans les détails de son programme dément tout désavantage.
Certains éléments pourraient venir influencer la loi Pinel en gouvernement Macron. D’une part, l’évolution économique qui année après année, déclasse certaines communes du rang des investissements rentables. D’autre part, la mise en œuvre de la réglementation thermique 2020 (RT 2020) en remplacement de la réglementation thermique 2012 (RT 2012) est un critère à prendre en compte dans l’achat d’un bien en loi Pinel.
Si certains critères permettent de sélectionner les meilleures opportunités en termes de prise de valeur des biens (démographie, niveau d’emploi, taux d’infrastructures prévus), à l’instar de ville comme Bordeaux qui a vu ses prix augmenter de 204% en quinze ans (estimation Meilleurs Agents) grâce à l’arrivée du tramway, la rénovation des quais et l’arrivée de la ligne à grande vitesse (LGV). Si la loi Pinel à Bordeaux ou dans les métropoles de France a aujourd’hui le vent en poupe, d’autres villes sont au contraire moins enclines à pouvoir prétendre à une potentielle plus-value de leur parc immobilier sur le moyen terme. Quelles sont ces villes qui n’offrent pas les perspectives maximales de rentabilité ?
Le Laboratoire de l’immobilier (spécialiste de la sélection de programmes neufs) publiait en 2016 la liste des 64 communes jugées “à risque” concernant l’investissement en loi Pinel. Ces communes concentrent différents points défavorables à l’investissement comme : un taux de vacance élevé (de 9 à 20%), une évolution démographique hostile et un rythme soutenu (ou en accélération) de construction de logements neufs. Toutes les villes à risque ne combinent pas ces critères. C’est le cas du Mans, qui possède un taux de vacance correct. Le Havre et Saint-Etienne sont également citée comme ville “à éviter” sans toutefois réunir tous les critères néfastes. D’autres villes sont quant à elles “à surveiller” : elles ne déméritent pas en ce qui concerne les critères d’investissement mais ne sont pas suffisamment favorables pour être recommandées aux investisseurs. C’est le cas de villes comme Sisteron, Quimper, Perpignan ou encore Angers.
Rappelons que la loi Pinel n’est attribuée qu’aux investisseurs qui parviennent à louer leur bien. Ainsi, cette étude démontre à quel point les avantages fiscaux sont perméables aux évolutions du marché de l’immobilier.
À partir de 2020 (2018 pour les bâtiments publics), les demandes de permis de construire réalisées en France devront répondre à la réglementation thermique 2020. C’est une directive européenne qui, en mai 2010, a décidé de cette mesure reprise en France dans le Grenelle de l’environnement. En conséquence, les logements neufs devront produire plus d’énergie qu’ils n’en consomment. Pour ce faire, ils seront pensés dès la construction pour consommer si faiblement l’énergie que l’option “tout renouvelable” sera suffisante à les alimenter.
Les investisseurs le savent, les normes énergétiques des appartements et maisons Pinel se fondent sur la RT 2012 pour un permis de construire déposé après le 1er janvier 2013. Le passage à la RT 2020 (qui devrait logiquement prendre effet à compter de janvier 2021) leur demandera de redoubler de vigilance dans leurs alternatives d’achat. Car tous les logements neufs ne manifestent pas explicitement leur appartenance aux labels qui convergent vers la limitation des besoins en énergie (HPE, THPE et Effinergie+, BEPOS-Effinergie 2013). Les questions à se poser pour investir en RT 2020 seront alors : le logement que je convoite est-il “ zéro énergie ” ? Est-il construit à moins de 500 mètres d’un transport en commun ? Quel est le coût de l’entretien des systèmes de production d’énergie renouvelable ? Le bâtiment prévoit-il de pallier les problèmes de surchauffe estivale ? Les matériaux utilisés sont-ils durables ? Les énergies grises (énergies indirectes comme la production, l’extraction, la transformation etc) ont-elles été réduites au moment de la construction ? Des outils précis de calcul de ces critères existent (Lesosai de E4Tech Software, U21Win et U22Win de Perrenoud, Pléiades de IZUBA Énergies etc) et seront certainement actualisés en fonction des critères de la RT 2020. Les investisseurs pourront réclamer un bilan de ces critères aux promoteurs immobiliers qui commercialisent le bien convoité.
Si la loi Pinel survit au gouvernement Macron, elle devra cependant s’accompagner pour les investisseurs, d’une vigilance vis-à-vis de son nouveau zonage (métropoles et périphéries), de ses nouveaux plafonds (ressources des locataires et prix au mètre carré). De même, les évolutions du marché immobilier et la mise en place de la réglementation thermique 2020 (RT 2020) doivent faire l’objet d’une attention particulière pour investir en loi Pinel.
Sources : l'Observatoire des territoires, DARES, Observatoire IMMO9 Bordeaux, Le Laboratoire de l’immobilier, DGCL, CGET, En Marche !

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