Promise pour l’été 2023 par le gouvernement, la réforme des retraites fait l’objet d’intenses discussions entre les partenaires sociaux et le ministre du Travail Olivier Dussopt depuis l’ouverture de la concertation mi-octobre. Après avoir abordé les thèmes de l’emploi des séniors, de la pénibilité et du cumul emploi retraite, les parties prenantes ont ouvert cette semaine un deuxième cycle de discussions autour de “l’équité et la justice sociale” où il est notamment question de l’avenir des régimes spéciaux.
Les régimes spéciaux constituent le quatrième bloc de la Sécurité sociale aux côtés du régime général, du régime agricole et du régime des travailleurs non salariés et non agricoles. Ils représentent les régimes couvrant certaines catégories de salariés du secteur public ou parapublic.
La définition de “régime spécial” étant particulièrement floue, il est difficile de dire combien il en existe réellement en France. Si le Code du Travail n’en reconnaît que dix, la commission des comptes de la Sécurité sociale en recense bien plus. Citons pêle-mêle le régime spécial des mines (CANSSM), des marins (ENIM), de la RATP, de la Banque de France, des industries électriques et gazières (CNIEG), de l’Opéra de Paris, du Port autonome de Strasbourg, de la Comédie Française, de l’Assemblée nationale, des employés de l’industrie des tabacs et allumettes, des sapeurs-pompiers volontaires… Ces régimes regroupent aujourd’hui plus de 700.000 retraités de droit direct.
Le site de la Sécurité sociale intègre aussi les fonctionnaires aux régimes spéciaux, à savoir les agents civils et militaires de l’Etat et les agents de la fonction publique territoriale et hospitalière. Ce qui porterait, avec ce périmètre, le nombre de régimes spéciaux à 27 et leurs effectifs à plus de 5 millions de retraités de droit direct.
Chacun des régimes spéciaux fonctionne et s’organise avec ses propres règles. C’est ainsi que certains ne prennent en charge que le risque vieillesse quand d’autres couvrent également les risques maladie, famille, accidents du travail… La spécificité principal de ces régimes est qu’ils permettent le plus souvent aux assurés de partir avant l’âge légal. Ils peuvent aussi offrir d’autres avantages comme une durée de cotisation plus faible pour obtenir sa retraite à taux plein.
Mais ces paramètres sont là encore différents d’un régime à l’autre. Comme le montre un document du ministère du Travail révélé par Les Echos, l’âge moyen de départ à la retraite est de 60 ans pour les employés couverts par le régime des industries électriques et gazières, 56,81 ans à la RATP, 48 ans pour les danseurs de l’Opéra de Paris, 57,2 ans pour les marins, 61 ans et 9 mois à la Banque de France…
Contrairement à la réforme (finalement abandonnée) de 2019, le gouvernement n’entend plus bâtir un système de retraites universel dans lequel l’intégralité des régimes spéciaux seraient aspirés. Certains de ces régimes sont malgré tout dans le collimateur de l’exécutif. Notamment ceux pour lesquels la dégradation du nombre de cotisants contraint l’Etat à mettre au pot afin d’assurer l’équilibre financier. C’est en particulier le cas du régime spécial des industries électriques et gazières “qui compte quelque 135.000 cotisants” pour “quelque 139.600 pensionnés”, relèvent Les Echos.
Dans un entretien au journal économique, Olivier Dussopt a également cité la RATP et la Banque de France parmi les régimes voués à disparaître dans le cadre de la réforme des retraites. “Par ailleurs, je ne doute pas que la question du régime de l’Assemblée nationale et du Sénat sera abordée dans le cadre du débat parlementaire”, a précisé le ministre du Travail.
Reste que le gouvernement dit vouloir privilégier la “clause du grand-père”, à l’image de ce qui a été fait à la SNCF dont le régime spécial a seulement été supprimé pour les nouveaux entrants, et non pour les agents en poste. Ce qui signifie que les effets financiers de la suppression de ces régimes spéciaux ne seront pleinement visibles que dans de nombreuses années.
“Le calendrier devra être abordé avec les entreprises concernées”, a poursuivi Olivier Dussopt, ajoutant qu’un autre sujet est sur la table des discussions: “savoir s’il s’agit de supprimer l’accès à ses régimes spéciaux, qui couvrent différents risques sociaux, ou uniquement l’affiliation à la retraite”.
Certains régimes devraient à l’inverse être épargnés par la réforme. C’est le cas du régime des fonctionnaires avec une méthode de calcul des pensions qui se basera toujours sur les six derniers mois, contre les 25 meilleures années dans le régime général. En outre, “le régime des marins ne sera pas concerné, de même notamment que ceux des danseurs de l’Opéra de Paris et de la Comédie française, pour lesquels l’âge de mise à la retraite est bas car ils concernent des métiers très particuliers qui usent les corps”, a d’ores et déjà annoncé Olivier Dussopt.
Plusieurs syndicats de la RATP, d’électriciens et de gaziers ont vivement dénoncé l’annonce par le gouvernement de la fin des régimes spéciaux pour les nouveaux agents de ces secteurs.
“La priorité est que les salariés puissent se concentrer sur l’outil de production et le redémarrage des tranches pour assurer le passage de l’hiver”, a-t-elle ajouté, soulignant qu’on se focalise sur des régimes qui, “soit dit en passant, ne sont pas déficitaires”. “Aujourd’hui, c’est inadmissible de toucher à ce dossier des régimes de retraites, surtout dans une période où on doit plutôt se focaliser sur les choix de la souveraineté énergétique, sur la question du pouvoir d’achat”, a réagi pour sa part Julien Lambert, secrétaire fédéral de la FNME-CGT.
“Si on s’attaque à nos régimes, comme à l’ensemble des régimes spéciaux, c’est très clair que les électriciens et gaziers ne laisseront pas passer sans mobilisation, et la CGT les accompagnera largement”, a renchéri son collègue de la CGT, Fabrice Coudour.
Côté RATP, où les conducteurs peuvent ouvrir des droits à la retraite dès 57 ans, on y voit “surtout une nouvelle provocation” de la part de l’exécutif, selon Bertrand Hammache, secrétaire général de la CGT-RATP. “Avec toutes les contraintes du service public qu’on connaît et qui ne sont pas compensées par un abaissement d’âge de départ à la retraite, on n’est pas prêt de résoudre le problème de l’emploi à la RATP”, a-t-il estimé, alors que les transports en commun parisiens font face à une pénurie de conducteurs.
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