A la campagne aussi, il est parfois difficile de se loger. A 50 km du littoral, dans une zone peu touristique des Côtes d’Armor, Broons concentre activités économiques, établissements scolaires, Ehpad et liaisons pour se déplacer. Un point névralgique pour tout le secteur, un “cœur de bassin de vie”, confronté à un manque de logements à louer ou à acheter. Le logement est une des préoccupations soulevées dans la consultation #MaFrance2022, organisée par Make.org en partenariat avec France Bleu et le réseau régional de France. A ce sujet, Danielle, 67 ans, propose de “favoriser l’accès aux logements vacants aux travailleurs résidant en France et décourager la résidence secondaire.”
C’est un village d’à peine plus de 2900 habitants qui conjugue les atouts des grandes villes : dynamisme économique, dessertes routière et ferroviaire, commerces et établissements scolaires en nombre. Et comme les grandes villes, il est confronté à un double enjeu : proposer des logements sans gaspiller la terre, déjà grandement engloutie par l’étalement urbain. 

Broons, à mi-chemin entre Rennes et Saint-Brieuc, et à quelques centaines de mètres de la 2 x 2 voies qui relie les deux villes, profite pleinement de sa localisation, au cœur d’une zone historiquement structurée par l’industrie agroalimentaire. Dans la communauté de communes dont fait partie Broons, “Dinan agglo”, le taux de chômage était de 7,1% fin 2021, soit 1 point de moins que dans le reste de la France.
” Mais pour acheter ici, c’est bouché, bouché, j’ai laissé tomber, j’irai plus loin “, regrette Roxanne, 22 ans, qui termine sa formation de préparatrice en pharmacie dans l’une des deux officines de Broons, où on lui a proposé un CDI.


Des logements, il y en pourtant beaucoup, 1506 exactement selon l’Insee, soit plus que la moitié du nombre d’habitants. Alors que la population de Broons stagne, les constructions ne cessent de s’étendre: le nombre de logements a doublé depuis 1968, selon l’enquête Insee de 2018. Les Rainettes, le Grand Tertre, Bellevue, l’Artillerie … plusieurs zones pavillonnaires dessinent désormais les contours élargis du village. 
Et certaines maisons restent inhabitées, sans être forcément disponibles à la vente ou à la location.  
“Je pense que certains propriétaires de maison préfèrent ne pas mettre leur bien en conformité avec toutes les normes”, estime Roxanne.  

Dans la pizzéria-crêperie où Roxanne déjeune avec ses parents, Michel, qui s’affaire derrière le bar, opine : l’immobilier à Broons est moins accessible qu’il y a quelques années. Les loyers commerciaux aussi se sont renchéri. ” Le loyer de notre restaurant vient de prendre 150 euros, le propriétaire ne cesse de l’augmenter chaque année. On paye maintenant 2484 euros/ mois, c’est trop cher, on va trouver un autre local dans Broons.”
Michel entend néanmoins tirer profit de la bonne tenue de l’immobilier, en investissant: il va rénover une ancienne bâtisse pour en faire 5 ou 6 appartements à louer. ” Ce que j’ai acheté était inoccupé depuis 30 ans ! “

12,6% des logements de Broons restent vacants selon les chiffres de l’Insee en 2018, qui en a compté 190 vides. “Plutôt une centaine”, estime le maire de la commune, Denis Laguitton, qui s’étonne de ce chiffre élevé. 
“Il manque à Broons des logements à louer”,  confirme David, à l’agence immobilière. “Sur toute l’année 2021, j’ai dû faire signer trois contrats de location, alors qu’on nous demande presque tous les jours un appartement ou une maison à louer dans le secteur.” 
L’agent immobilier se souvient de ce cadre, embauché par le groupe laitier Laïta à Créhen, au Nord de Broons et de Dinan, dans l’usine de poudre de lait infantile. “Pour convaincre un propriétaire de lui louer sa maison à Créhen, il a proposé de payer d’avance un an de loyers!” 
Côté vente de maisons , “on est passé de 120 mandats en 2018 à une quarantaine seulement l’année dernière, pour tout le pays de Dinan. On est en flux tendu, dès qu’un bien rentre (est mis en vente), c’est aussitôt pris!” poursuit David. 

Selon l’agent immobilier, que ce soit sur le littoral ou dans les terres, “beaucoup de gens achètent par anticipation de leur retraite, sans, pour l’instant, s’installer dans leur nouveau logement. L’épargne étant très peu rémunérée, ils investissent dans la pierre.” Loin de l’image de la ruée vers l’Ouest des Parisiens, les clients de l’agence sont des “locaux”, habitant Rennes ou Saint-Brieuc. 
Isabelle, éleveuse de vaches laitières et de volailles de chair à la sortie du bourg de Broons, fournit une autre explication.  “Il y a beaucoup de gens veufs ou séparés, et certains, comme mon beau-père, conservent leur logement même s’ils ont emménagés chez leur nouveau conjoint”. Une réalité que l’Insee a chiffré à Broons: 35,4% des ménages sont des personnes seules, et 9% sont des familles monoparentales. Soit près de la moitié des logements de Broons occupés, ou détenu, par un seul adulte.

Tandis que sa vache “Merveille” se fait soigner par le vétérinaire, l’agricultrice, la cinquantaine lumineuse sous sa casquette, pointe sa propre inquiétude: “notre exploitation est maintenant complètement entourée” .  Au Nord, la 2 x 2 voies, au Sud un lotissement qui se rapproche de ses champs, d’un côté, l’un des deux supermarchés de Broons, et de l’autre côté, le nouveau collège public, en plein champ.


“L’ancien collège n’était pourtant pas si vieux” note l’éleveuse. Construit dans les années 1970, il est à l’abandon depuis 7 ans.


“On ne devrait pas avoir le choix de réhabiliter ou non. C’est trop facile de dire : j’ai besoin de place, alors je vais plus loin “, conclut Isabelle .

Le portail de l’artificialisation des sols cartographie les terres consommées depuis 2009 en répertoriant chaque nouvelle construction sur des espaces naturels ou agricoles, à partir de données des fichiers fonciers du ministère des Finances.
Il calcule ainsi que le territoire de la commune de Broons a englouti 305 672 m2 de surface en un peu plus de 10 ans, une superficie équivalente à celle consommée, par exemple, par la commune de Mordelles, village deux fois et demi plus peuplé que Broons, et situé à 15 km de Rennes.

Le maire de Broons espère pouvoir accueillir de nouveaux habitants en récupérant des friches industrielles, comme l’atelier d’une cidrerie fermée, et des friches agricoles, tel le poulailler à la sortie de la commune. La municipalité se charge de déconstruire les bâtiments d’élevage, et notamment d’en retirer l’amiante.  

Le démantèlement du poulailler a commencé début mars 2022. L’occasion de densifier la sortie du bourg? Pas forcément. Les immeubles de logements n’ont pas la cote à la mairie de Broons. Le conseil municipal a voté pour vendre le terrain en parcelles … pour construire une dizaine de maisons.

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