Vendredi 12 août, les producteurs de salers AOP devront stopper la fabrication du fromage. Il n’y a plus assez d’herbe dans les prairies. Il n’est plus possible de respecter le cahier des charges de l’AOP qui impose 75 % d’herbe dans la nourriture des vaches. Un gros coup dur pour les agriculteurs.
Il le reconnaît, ce fut une décision difficile à prendre. « Mais on ne pouvait pas tromper le consommateur qui est habitué à une qualité de fromage. » Laurent Lours est producteurs de fromage salers AOP dans le Cantal mais également président de l’AOP.  La semaine dernière, face à la sécheresse qui s’aggrave, il a fallu trancher. Et sévèrement. « La production de fromage salers va s’arrêter le 12 août pour toute la zone AOP. »
Dans le Cantal, les herbages ont grillé. Il est devenu impossible de nourrir les vaches uniquement avec de l’herbe comme l’impose le cahier des charges de l’AOP. « Il est autorisé 75 % d’herbes et quelques compléments », précise Laurent Lours.
Un arrêt total, c’est bien la première fois que cela arrive. En 2017, il y avait déjà eu une suspension mais qui n’avait pas concerné tous les producteurs. « En 2019, nous avions demandé aussi une dérogation  pour que la part d’herbes dans l’alimentation des vaches passe à 50 %. Mais cette année, cela ne vaut pas la peine car à 50 % d’herbe, on n’y est même pas ! »
Une demande de dérogation auprès de l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité) va tout de même partir dans la semaine. Mais pour un effet au 15 septembre, dans l’espoir que d’ici là, la pluie soit revenue et l’herbe avec elle. Histoire de finir la saison. Le fromage salers est produit uniquement dans les fermes du 15 avril au 15 novembre.
En attendant, la plupart des 78 producteurs vont transformer leur lait en cantal dont le cahier des charges de l’AOP est moins contraignant. « Mais la valorisation n’est pas la même. Pour 1000 litres de lait transformés en cantal, nous gagnons 200 euros de moins qu’avec le salers », confie le président de l’AOP.
A Badailhac, près de Vic-sur-Cère, Laurent Roux, avec son épouse, élève 38 vaches laitières : des Montbéliardes et des Prim’Holstein. Le salers, c’est l’essentiel de ses revenus. Il en fabrique chaque année 350 fourmes. Devoir arrêter d’en produire ?  Mais cela fait déjà un mois et demi que cet agriculteur a dû y renoncer de lui-même ! A peine 125 fourmes sont sorties de sa fromagerie. « Depuis le 25 juin, nous nourrissons les vaches à l’intérieur de la stabulation et nous n’allons plus à la fromagerie que 4 matins par semaine. Et pour fabriquer du cantal. Nous ne voulons pas nous retrouver en rupture de fromage. »
Le reste du lait part en laiterie. Un très gros manque à gagner. Mille litres de lait transformés en salers, ce sont  820 euros qui rentrent dans les caisses. Mille litres de lait vendus en l’état rapportent seulement 450 euros.


« Nous allons aller voir les banques et faire un emprunt. Ils vont nous perfuser et quand le temps redeviendra favorable, nous nous referons. » Laurent Roux tente de rester optimiste. En 2021, il avait tant plu que l’herbe était abondante et les vaches généreuses en lait. La production de salers avait été très bonne.
Malgré tout, il se veut lucide. « La sécheresse ? Mais je la vois depuis 2018 ! Il y en a eu en 2019, en 2020 ! En 2022, c’est reparti et là on en parle plus que d’habitude car elle est plus longue que les autres années. Depuis 2018, c’est la “cata” ! »
L’agriculteur affronte aussi une invasion de rats taupiers, ce qui a fini de détruire ses prairies. « Depuis janvier, nous avons dû acheter 5 camions de foin. »
Des vaches nourries à l’herbe exclusivement, c’est la force du salers mais aussi son point faible. « Avec les sécheresses à répétition, cela devient compliqué pour le fromage », reconnaît Laurent Lours, le président de l’AOP.
Le cahier des charges de l’AOP est actuellement en pleine révision. « L’une des pistes serait d’autoriser un peu plus de foin dans l’alimentation des vaches. » Mais le président de l’AOP le confesse : c’est un pas très difficile à franchir. C’est qu’ils y tiennent, les Cantalous, à cette tradition d’une production uniquement à l’herbe ! « On n’obtient pas le même produit ! Le fromage est plus jaune. Il n’a pas les mêmes saveurs. On veut le garder comme ça. »
D’habitude, chaque année, 1200 tonnes de salers sont produites. Il faut s’attendre cet hiver à une pénurie dans les magasins. Ainsi qu’une augmentation des prix.

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