Face à l’UBB, vous jouerez votre 300e match sous les couleurs rochelaises. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Pas grand-chose, je n’y prête pas trop attention. Je me focalise surtout sur le match de samedi. Forcément, je suis très content, je me rends compte de la chance d’être tombé dans un club comme ça, d’avoir rencontré beaucoup de bons joueurs et surtout des bons mecs. Chaque année, il y a entre 5 et 15 nouveaux collègues.
Une association de statisticiens, Club Héritage, relève que vous avez eu 183 coéquipiers à La Rochelle
Ça fait un peu de monde (sourire)… J’ai vu pas mal de mecs passer, mais j’ai surtout eu la chance de créer des liens avec certains que j’ai plaisir à recroiser ou à avoir au téléphone. C’est peut-être le plus important dans notre métier.
Dans le rugby professionnel, seul Nicolas Djebaïli a joué 300 matchs (307, de 2001 à 2015) pour La Rochelle. Comprenez-vous le retentissement que cela peut avoir ?
Bien sûr. Je me rappelle qu’on avait fêté…
Pas grand-chose, je n’y prête pas trop attention. Je me focalise surtout sur le match de samedi. Forcément, je suis très content, je me rends compte de la chance d’être tombé dans un club comme ça, d’avoir rencontré beaucoup de bons joueurs et surtout des bons mecs. Chaque année, il y a entre 5 et 15 nouveaux collègues.
Une association de statisticiens, Club Héritage, relève que vous avez eu 183 coéquipiers à La Rochelle
Ça fait un peu de monde (sourire)… J’ai vu pas mal de mecs passer, mais j’ai surtout eu la chance de créer des liens avec certains que j’ai plaisir à recroiser ou à avoir au téléphone. C’est peut-être le plus important dans notre métier.
Dans le rugby professionnel, seul Nicolas Djebaïli a joué 300 matchs (307, de 2001 à 2015) pour La Rochelle. Comprenez-vous le retentissement que cela peut avoir ?
Bien sûr. Je me rappelle qu’on avait fêté la 300e de « Djeb » avec pas mal de jeunes, en Challenge (face au Connacht, en 2015, NDLR). Mais je ne m’attarde vraiment pas dessus, mon objectif premier n’est pas de faire le plus de matchs, c’est de gagner quelque chose.
Une vingtaine de joueurs encore en activité en France ont dépassé les 300 matchs. Seuls Maxime Médard (35 ans, Toulouse, 362 matchs), Fulgence Ouedraogo (35 ans, Montpellier, 336) et Henry Chavancy (33 ans, Racing 92, 307) l’ont fait avec un unique maillot, celui de leur club formateur. Vous, vous avez lancé votre série à 23 ans, après quatre saisons à Montauban (de 2006 à 2010)…
Il me semble même que je n’en ai joué qu’un à 23 ans, puisque j’avais le pied cassé au Racing (le 11 septembre 2010, NDLR). J’étais arrivé avec une fracture du 5e métatarse, un os du pied. C’était assez délicat à vivre, j’ai tout fait pour reprendre vite, j’ai poussé les médecins sauf que la fracture n’était pas consolidée. Elle a cassé au bout de 2 minutes. Au bout de 15, la douleur était trop forte. Le vrai premier match de mon aventure a plus eu lieu à Toulon, en janvier.
Vous étiez arrivé chez un promu en Top 14, joker médical en provenance de Valence d’Agen.
Une arrivée atypique… On avait appris fin juin que Montauban (relégué administrativement, NDLR) ne repartait pas en Pro D2, alors que j’avais signé trois ans. Mon contrat était caduc du jour au lendemain. C’était une période compliquée, tous les clubs avaient fait leur marché… Au bout de quinze jours, pas le choix, j’avais signé en Fédérale 1 à côté de chez moi. Serge Milhas m’a appelé, c’était parti. Je ne savais pas trop où je mettais les pieds mais je me suis vite rendu compte que le coin était super agréable.
Ce n’est pas l’image que vous en aviez ?
J’avais l’habitude de venir avec les équipes de jeunes de Montauban, mais on n’était pas allé sur le Vieux Port. Je n’avais que l’image de la plaine, avec des terrains très boueux, des supporters plutôt virulents. Généralement ça ne se passait pas très bien, alors je n’en avais pas de très bons souvenirs (rires).
300 matchs en 12 saisons témoignent-ils d’une hygiène de vie irréprochable ?
(Rires.) Je ne sais pas, Kévin Gourdon dit que j’ai un corps de paysan… J’essaye de faire attention, je fais le travail caché, même si ça fera rire les préparateurs physiques. Mais il y a une grande partie mentale, qui a son importance.
Ceux qui jouent 100 matchs pour La Rochelle sont en photo au centre d’entraînement. À 300, sa photo est dans le bureau du président Merling ?
(Rires.) Non, pas du tout, on reste dans le couloir avec tout le monde. C’est très bien de la part des dirigeants d’avoir créé ce mur des Centurions, ça permet de savoir d’où on vient et de se dire que si on en est là, c’est que d’autres ont fait le job. Parfois on croise des gens qui nous disent « je suis sur le mur », c’est fabuleux.
Vous n’avez pas prolongé jusqu’en 2023 pour ce type de record…
C’est forcément autre chose. J’ai fait le tour du terme « vice-champion » : en Challenge (en 2019, NDLR), en Champions Cup et en Top 14 (en 2021) et même en Pro D2 (en 2014). C’est bon… Regarder les autres soulever un trophée est un sentiment affreux qui te bouffe de l’intérieur. On a touché du doigt ce premier trophée, je veux finir avec. Si ce n’est pas le cas, ce sera un échec, même si l’évolution du club est énorme. Ce serait une belle récompense pour l’investissement des dirigeants, des supporters.
Vous n’êtes pas lassé ?
Non. Je pense que c’est le danger n° 1 dans le monde pro. La routine est un frein pour la performance individuelle. Je suis bien physiquement, les « prépas » sont contents de mes tests, ils ne m’embêtent pas.
Les jeunes non plus, puisque vous en ramenez parfois en voiture au centre d’entraînement…
J’aime bien cette situation, j’aimais bien quand les pros me le proposaient, c’est la moindre des choses. Pareil quand on boit un coup, pour moi, le jeune ne paie pas. Ces petites choses se perdent, il faut militer pour ça, pour garder le respect entre les générations. Les jeunes ont des devoirs aussi, mais beaucoup de bons gamins hyper respectueux s’entraînent avec nous. Les ramener en bagnole, leur filer une paire de pompes, ça permet de créer des liens. Et ils ne m’appellent pas encore « Papi », donc ça va.
Uini Atonio nous a dit que vous pouviez jouer jusqu’à 39 ans.
Je lui avais demandé de ne pas dire de conneries, c’est loupé (rires). Non, je n’en sais rien. Pour l’instant ça va, mais qui nous dit que ça ne sera pas compliqué dans six mois ? On croise des joueurs, jeunes ou pas, pour qui tout bascule très vite. Il faut profiter, ne pas se poser de question. Quand le club donne sa confiance, prolonger un an se fait naturellement. Mais me projeter sur quand je vais arrêter… Pour répondre à Uini, je ne me vois pas aller jusque-là (sourire). Mais j’ai été chanceux de ne pas bouger, pour la stabilité de ma famille. Mes enfants sont nés là, ce club correspond complètement à mes valeurs, je m’y identifie beaucoup. Les dirigeants sont au top, le public fabuleux, la ville et le coin… On est chanceux d’être ici.
Un interlocuteur anonyme veut savoir ce que deviennent les cahiers où vous avez noté toutes les phrases dont il a pu gratifier le groupe de 2011 à 2018…
(Rires.) Malheureusement, je n’ai pas de cahier. J’avais eu l’idée de sortir un livre avec toutes ses phrases cultes, je n’ai pas eu le temps. Mais j’ai tout dans la tête. Ça fait partie des moments qu’on adore se remémorer avec des anciens, avec Uini : les colères de Patrice (Collazo), ses discours. Des super souvenirs, j’en ai à la pelle, gravés à jamais. Maintenant, l’image que je veux graver, c’est un trophée !
Patrice Collazo, puisque c’est bien lui, veut également savoir si vous lui en voulez toujours d’être à l’origine d’un surnom que vous détestez : le « Shérif ».
Il avait été repris par Benjamin Gélédan (talonneur parti à Oyonnax en 2016, NDLR). J’ai eu un peu tous les surnoms. Celui-là, j’ai essayé de le saborder rapidement, malheureusement, c’est resté. Ça m’a fait chier quand les adversaires me le sortaient, mais j’accepte… Il avait dû me dire ça un dimanche matin à 7 heures, à la réunion après une défaite…
Quels sont vos souvenirs les plus forts ?
La montée en Top 14 (en mai 2014, NDLR), à Chaban, puis le retour depuis Bordeaux sur une autoroute pleine à craquer. Mais il y a eu tellement de jolis matchs, de jolis voyages, de jolis week-ends ou stages. C’est un tout, les à-côtés sont aussi importants que le terrain. Mais il y a aussi la défaite en demi-finale contre Toulon à Marseille, avec un fait de jeu, ce carton (rouge, de Pierre Aguillon face à Toulon, en 2017, NDLR). Cette année-là, on se sentait inarrêtables, tout nous réussissait, les rebonds, on avait un jeu fabuleux. C’est peut-être le gros regret, cette saison-là.
Un match vous a-t-il plus ému que les autres ?
Il y en a plein. Mais quand mes enfants ont assisté à leurs premiers matchs en tribunes… C’était important, c’est de la transmission. Le but est aussi de rendre fière sa famille, et quand on voit le petit à fond – la plus grande est plus raisonnée –, il y a de la fierté. Ils sont contents de courir sur la pelouse de Deflandre. Mais c’est un peu dur à la maison, après, « allez La Rochelle », « Ici, c’est La Rochelle ». Surtout les lendemains de défaite (rires). Ils sont accrochés, comme tout le monde ici. C’est une machine à ambiance qui crée des émotions. Cette ville vit vraiment pour le Stade.
D’ailleurs, quelle ambiance vous a le plus marqué ?
Il y en a tellement… Mon premier match en tribunes est celui qui m’a le plus surpris. La Rochelle – Castres, premier match de Top 14 après la montée de 2010. J’arrive blessé, je suis là depuis deux ou trois jours et j’entends le public pousser tellement fort, alors qu’ils n’étaient que 11 000, ou 10 500… Quand le stade est en fusion, c’est monstrueux. La fois où on les a sentis les plus puissants, c’était en finale (de Pro D2), à Chaban-Delmas. Avant même la descente du bus, on a pris une pression de l’extérieur… L’échauffement aussi était fabuleux. Puis ils n’ont pas arrêté pendant 80 minutes. Le public a tué le match, la victoire est en partie la leur. Quand Deflandre est très énervé, on le ressent sur le terrain et c’est une part des victoires, c’est clair.

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