Voilà près de 18 ans qu’Isabelle Régen, égyptologue de l’université Paul Valéry et du CNRS de Montpellier, décrypte les trésors de la tombe la plus monumentale d’Egypte, plus grande que celles des pharaons : celle d’un prêtre nommé Padiamenopé. Une aventure à découvrir dans un documentaire intitulé “Le palais des hiéroglyphes – Sur les traces de Champollion”, diffusé jeudi 6 octobre sur France 5 et disponible sur le site France.tv.
La tombe thébaine, nommée TT 33, se situe dans une nécropole, sur la rive ouest de Louxor -l’ancienne Thèbes, capitale des Pharaons Aménophis et Thoutmosis – en Egypte, près de la fameuse vallée des Rois.
Cette sépulture appartient à Padiamenopé, prêtre et intellectuel du VIIe siècle avant notre ère. Cet homme influent, mais qui n’était pas d’origine royale, a réussi à se faire construire la tombe la plus monumentale d’Egypte, plus grande même que celles des pharaons.
Un trésor du monde antique qu’Isabelle Régen, égyptologue de l’université Paul Valéry et du CNRS de Montpellier, explore depuis 18 ans : 
Cette tombe, c’est une incroyable bibliothèque ! Même si elle est très endommagée, ce qu’il reste sur ses murs est juste extraordinaire pour un égyptologue ! 

Accessible comme une grotte, ce site a toujours été connu, explique Isabelle Régen : “On sait qu’elle a été utilisée à l’époque ptolémaïque et romaine : on y stockait des momies, l’espace était commercialisé. Plus tard, au temps de l’Egypte moderne, on s’en est servi comme étable. La première fois qu’on a dessiné ses plans, c’est en 1743, lorsqu’un voyageur anglais l’a découverte.” 
La tombe s’étend sur 1 000 m² sous terre, mais son enceinte au sol représente une emprise de 9 900 m². Elle a été construite vers 680 à 660 av. J.-C, à la fin de la vingt-cinquième dynastie, époque des pharaons noirs venus de l’actuel Soudan.
“C’est une période dite intermédiaire qui ne fait pas beaucoup rêver. Mais pourtant, on sait maintenant que cette troisième période intermédiaire n’est pas synonyme de la décadence des pharaons, elle est même très intéressante”, affirme cette spécialiste en épigraphie qui se rend sur place quasi tous les ans.
“Ce site, c’est la tombe d’un particulier qui n’a pas d’origine royale et qui devait être un homme puissant, influent, un intellectuel proche du roi. Il est parvenu à concentrer des moyens logistiques et culturels énormes pour constituer sa sépulture. C’est une sorte de Bibliothèque nationale de France pour la littérature funéraire.”
De nos jours, le site est très dégradé, des parois se sont entièrement effondrées, d’autres sont noircies. Une colonie de chauve-souris a élu domicile sur place et il émane des nombreuses pièces une puissante odeur de guano, particulièrement désagréable pour ceux qui y travaillent. En sous-sol, il y a aussi des émanations toxiques d’origine inconnues. On y travaille en combinaison blanche, avec un masque, comme la police scientifique !

Le but de la mission co-pilotée par l’égyptologue de Montpellier est de documenter les textes, de photographier les hiéroglyphes : copier, photographier, traduire et commenter, c’est ce qu’on appelle l’épigraphie . “Il y a 2 622 m² inscrits dans les 22 salles de la tombe, y’a du boulot !” affirme-t-elle en riant.
Son travail et celui des autres équipes européennes qui interviennent sur place, sont présentées dans le film-documentaire de 88 minutes, signé P. Cabouat et intitulé  “Le palais des hiéroglyphes – Sur les traces de Champollion”, à découvrir jeudi 6 octobreà 21 h, sur France 5 et disponible sur le site France.tv. 

Si une chaire d’égyptologie a pu naitre à l’université de Montpellier, c’est grâce à François Daumas, né à Castelnau-le-Lez, en 1915. Agrégé de Lettres en 1941, il fut aussi le directeur de l’Institut français d’archéologie orientale au Caire pendant une décennie.
“Lorsqu’il y a eu des troubles en Égypte dans les années 50/60 liés à l’indépendance et à la nationalisation, l’institut a été chahuté par les autorités égyptiennes qui ont menacé de mettre la bibliothèque de l’institut sous séquestre”, raconte Jérôme Gonzalez, responsable de la bibliothèque d’ égyptologie de l’Université Paul Valery de Montpellier.

Pour sauver sa bibliothèque, Daumas va la délocaliser en partie à Montpellier. Ensuite, quand la situation s’apaise en Égypte, il obtient l’accord des autorités françaises de garder tous les livres en doublon, à Montpellier. C’est ainsi que le fond s’est constitué.
En 1969, quand son mandat prend fin au Caire, Daumas parvient à installer la chaire de égyptologie à Montpellier. Il obtient une somme substantielle du ministère de l’éducation pour acheter deux autres bibliothèques constituées par des particuliers égyptologues. C’est à partir de là qu’il a réussi à créer le pôle de recherche en égyptologie : un poste permanent d’enseignement et de recherche à l’université”.
Avant lui, il n’y avait aucune chaire de ce type dans le sud de la France et, sans cette bibliothèque spécialisée, il aurait été impossible de la créer car il fallait ses ressources documentaires pour alimenter un pôle de recherche en égyptologie.

Fortes de 35 000 ouvrages, la bibliothèque est l’une des plus riches en son genre en France. Elle abrite aussi des archives scientifiques de grands égyptologues.
Grâce à ce fond, l’équipe Égypte Nilotique et Méditerranéenne (ENiM) qui regroupe l’Université Paul-Valéry, le CNRS et  ministère de la Culture, peut mener des activités de terrain sur plusieurs sites archéologiques majeurs de la vallée du Nil.
Des travaux qui vont de pair avec un enseignement universitaire en égyptologie, permettant la formation des étudiants de la licence au doctorat.
Deux d’entre eux devraient s’envoler vers l’Egypte pour aller découvrir la tombe de Padiamenopé à la mi novembre, sous la houlette d’Isabelle Régen.

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