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Source : TF1 Info
La scène a été visionnée plusieurs milliers de fois sur les réseaux sociaux : dans l’après-midi du dimanche 29 mai, à Hendaye, une femme se voit refuser l’entrée dans un restaurant parce que, nous dit la vidéo tournée par le fils de cette dernière, "elle porte un foulard noué autour de la tête". La propriétaire du restaurant indique sur la vidéo qu'elle ne veut pas d'une "femme habillée comme à la préhistoire". Le fils de la cliente refoulée a depuis déposé une plainte pour discrimination au commissariat de Pau.
La directrice de l'établissement est-elle dans son droit ? Dans le cas contraire, que risque-t-elle ? Est-il possible d’imposer un "dress code" ? Nous avons posé ces questions à l’un des membres des Surligneurs, maître Emmanuel Daoud, avocat en droit pénal au barreau de Paris.
Le principe est simple : un restaurateur ne peut pas refuser l’accès à son restaurant à un client pour des motifs "discriminatoires". Mais que signifie "discriminatoire" ? L’article 225-1 du code pénal apporte une réponse : il interdit toute distinction opérée entre les personnes sur le fondement de certains critères et notamment de leur apparence physique et de leur appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée.
Convoquée le 20 septembre 2022 au tribunal judiciaire de Bayonne, la propriétaire de l'établissement sera jugée pour "discrimination fondée sur la religion réelle ou supposée" d’une personne. En cas de condamnation, elle risque une peine conséquente. En vertu de l’article 225-2 (1°) du code pénal, une telle discrimination est passible de trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende lorsqu’elle consiste à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service.
Mais la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende lorsque cette discrimination est commise dans un lieu accueillant du public, tel qu’un restaurant, ou aux fins d’en interdire l’accès. Ce qui pourrait être le cas en l’espèce.
Certes, le code de la consommation prévoit bien des motifs pour un commerçant de refuser de vendre ou de fournir une prestation de service à un consommateur, mais ces motifs doivent être "légitimes". Et la légitimité du motif de refus est appréciée par les tribunaux ; la jurisprudence a d’ailleurs permis de dégager quelques catégories de motifs légitimes tels qu’une demande anormale du consommateur, ou bien une rupture de stock, interdiction légale de vente, etc. Autant de catégorie dont le port du voile ne fait pas partie.
Mais alors un établissement peut-il imposer un code vestimentaire à l’entrée de son établissement ? Et dans ce cas, l’interdiction du port du voile peut-elle en faire partie ? Selon maitre Daoud, "la liberté vestimentaire relève de la liberté individuelle garantie par la disposition de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789". 
"La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi."
Me Emmanuel Daoud, membre des Surligneurs
Ainsi, le gérant d’un établissement recevant du public peut exclusivement "suggérer une tenue vestimentaire". "Même le port obligatoire d’une cravate pourrait constituer une discrimination fondée sur l’apparence physique", nous explique Maitre Daoud. "Cela relève bien sûr de l’appréciation des tribunaux. Mais nous n’avons pas repéré de décision condamnant un établissement en raison de l’imposition d’un 'dress code', ce qui laisse penser qu’une tolérance est appliquée en pratique. L’absence d’une décision en ce sens pourrait aussi s’expliquer par l’absence de plaintes ou de poursuites."
Le gérant ne peut interdire l’accès à son établissement à une personne que dans la mesure où sa tenue représenterait un trouble à l’ordre public. Or, dans la mesure où la loi n’interdit pas le port du voile, sauf à dissimuler le visage (loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010), celui-ci ne saurait représenter un trouble à l’ordre public et donc être interdit en vertu d’un "dress code".
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