« Cela se rapproche d’une terre agricole », constate, presque étonné, Philippe Branchu, après avoir analysé la terre d’une parcelle avec un spectromètre. Une très bonne nouvelle pour Gilles, venu spécialement pour faire analyser son sol en vue de la mise en place d’un jardin partagé dans une résidence du quartier des Gondoles, à Choisy-le-Roi.
Dans le cadre des Rencontres fertiles, autour de l’agriculture en ville, organisées ce samedi à la médiathèque de Choisy, de nombreux jardiniers profitaient de la présence d’un laboratoire mobile de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), l’ancienne INRA, et de Philippe Branchu, du Centre d’Études et Expérience en Risques, Environnement, Mobilité et Urbanisme (Cerema), pour faire analyser des échantillons de terres, venus notamment des cinq jardins partagés de la commune mais aussi de particuliers.
« Les sols urbains ont été maltraités comme ici où il y a eu de l’industrie primaire et des hydrocarbures qui ont pollué le sol », constate Alban Crommer, l’un des pivots de l’organisation. Au bout d’une minute passée sous le spectromètre, Philippe Branchu connaît précisément la teneur en différents métaux comme le plomb, le cuivre, le zinc, le mercure aussi l’arsenic… que contient l’échantillon. Et là, certains visages blêmissent à l’écoute du résultat.
« On voit clairement que votre sol n’est pas naturel. Vous êtes à plus du double sur la teneur en plomb, soit 152 mg/kg, alors que la limite pour les terres cultivables est fixée à un peu moins de 54 », détaille le scientifique. Sandra Noury, la présidente du jardin partagé Le temps des cerises qui contient 40 parcelles de 8 m2, ne semble pas surprise. « On s’y attendait. D’ailleurs, on ne cultive pas cette partie », explique-t-elle d’emblée. Pourtant, le résultat est sensiblement le même sur la parcelle cultivée par Christine, dans le même jardin.
« Dans ces cas-là, il faut éviter de planter des salades et miser sur des fruits comme les tomates. Il faut oublier les plantes aromatiques qui vivent plusieurs années et absorbent les toxiques sur le long terme, explique Philippe Branchu, avant d’ajouter, plus fermement : Il faut limiter l’accès aux petits enfants qui jouent, mettent la main à la bouche, notamment si c’est très régulier. »
Sur la table d’à côté, Céline, est venue avec des terres du jardin potager de ses beaux-parents d’Étampes (Essonne). Avant de les passer au spectromètre, elle va les faire analyser par Nathalie Cheviron et Erell Naslain, deux ingénieurs de l’INRAE. « On regarde le fonctionnement du sol, son activité enzymatique, soit les enzymes qui dégradent, se nourrissent et sont très importantes pour la fertilité des sols, simplifie Nathalie Cheviron. C’est un peu comme l’activité de notre estomac avec les enzymes qui sont indispensables pour répartir les différents nutriments… » Là, l’analyse se fait dans un camion, après le passage des échantillons dans de nombreuses machines, comme des centrifugeuses…
Tout cela n’est pas sans enjeu. « Entre les fortes chaleurs et les risques d’inondations, liés au réchauffement climatique, la qualité des sols est cruciale, déclare Elisabeth Rémy, sociologue des risques, notamment dans les sols périurbains, au sein de l’INRAE, avant de rappeler : Certaines pollutions peuvent remonter au Moyen-Âge. Ce n’est pas uniquement lié aux XIXe et XXe siècles. »
Pour une ville comme Choisy-le-Roi, densément peuplée avec des sols fortement artificialisés, ces analyses apportent des pistes pour l’évolution de demain. « Nous devons activer un faisceau d’actions, comme la modification du Plan local d’urbanisme avec pour toute nouvelle construction, 20 à 30 % de terres pleines, affiche Ali Idelouali, 1er adjoint (EELV) chargé de l’urbanisme et de la nature en ville. Là, nous avons voté le fait de planter 5 000 arbres en cinq ans pour un budget de 1, 5 millions d’euros. »
« Et entre les potagers et les jardins, les milieux arborés s’avèrent efficace pour limiter les îlots de chaleur », estime Alban Crommer. « C’est essentiel. Et ce genre d’action permet de sensibiliser le public et d’améliorer nos connaissances sur l’état des sols », ajoute Christian Mougin, chercheur et directeur de l’INRAE.
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