Quelle part de votre ancien salaire percevrez-vous à la retraite ? Votre pension sera-t-elle suffisante pour maintenir votre train de vie ? Une épargne complémentaire sera le plus souvent nécessaire, surtout pour les cadres. La marche à suivre en cinq étapes.
Pour se constituer un volant suffisant d'épargne pour la retraite, il faut s'y prendre le plus tôt possible.
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C’est une injonction assez habituelle : il faut épargner pour sa retraite ! A tout prix. Notre régime par répartition ne suffirait-il plus à subvenir à nos besoins ? Les Français sont assez inquiets. Interrogés début 2020, par Kantar pour la Caisse des dépôts, 40% des non-retraités s’attendent à ne pas avoir de retraite et ils sont même 25% à penser que le système n’existera plus… Ces chiffres sont beaucoup plus élevés chez les jeunes de 25 à 34 ans et atteignent respectivement 52% et 42% ! La confiance dans notre système de retraite est largement écornée. Va-t-il exploser en vol ? Le déficit accusé en 2020 avec la crise du Covid (13 ou 18 milliards d’euros, selon que l’on prend en compte ou pas le transfert de 5 milliards d’euros du fonds de réserve des retraites) va-t-il sonner le glas de notre retraite publique ?
A priori, non, elle en a connu d’autres ! Pour contrer le vieillissement de la population, la réforme Balladur de 1993 a changé le mode de revalorisation des pensions, désormais indexées sur les prix et non plus des salaires, ce qui est beaucoup moins avantageux pour les bénéficiaires. La population n’y a vu que du feu. Ce simple changement a fait gagner des milliards au régime et a évité sa faillite. Depuis, il a fallu faire d’autres réformes pour tenter de garder le cap, et la prochaine est déjà dans les tuyaux.
Dans son programme de stabilité envoyé à Bruxelles en avril, le gouvernement a fixé son objectif de croissance des dépenses publiques à + 0,7% à l’horizon 2025, sachant que les dépenses de retraite sous-jacentes progressent, elles, chaque année de… 1,5%, soit le double ! Quand on sait que les retraites représentent 25% des dépenses publiques, le calcul est vite fait. “Si le gouvernement veut tenir son objectif de maîtrise de la dépense publique, il doit faire des économies sur les retraites, il ne faut pas aller chercher plus loin”, expliquait, en juin, Pierre-Louis Bras, le président du Conseil d’orientation des retraites (COR). Arithmétique.
Vos pensions vont-elles encore baisser ? Actuellement, le taux de remplacement – qui représente votre pension par rapport à votre dernier salaire net – baisse déjà au fil des générations. La retraite d’un non-cadre, qui représentait 80% du dernier salaire net pour quelqu’un né en 1940, n’est plus que de 72% pour celui qui part à la retraite aujourd’hui et sera demain encore plus basse, à 62% voire à 66% pour la génération née en 2000, selon le COR. Il projette chaque année, comme l’exige la loi, le taux de remplacement pour un non-cadre et un fonctionnaire de catégorie B. Quid pour les autres et notamment pour les cadres ? “Il est beaucoup plus faible”, précise Pierre-Louis Bras. De combien ? La statistique publique n’existe pas ou n’est pas publiée.
Pour un cadre actuellement âgé de 50 ans et qui terminerait sa carrière à 5000 euros bruts par mois, le taux de remplacement serait de 73% en 2036, selon un calcul réalisé par l’Agirc-Arrco pour L’Express. Un cadre supérieur, avec un salaire de fin de carrière de 12 000 euros bruts par mois, tomberait en revanche à 57%. Mais attention : dans les deux cas, le salarié travaille jusqu’à 65 ans pour avoir tous ses trimestres et sa retraite à taux plein !
La plupart des Français, et les cadres en particulier, vont donc perdre en pouvoir d’achat à la retraite. La possible réforme ne va pas forcément accentuer le trait. Un recul de l’âge de départ permettrait certainement de maintenir les taux de remplacement actuellement projetés. En tout état de cause, ceux qui veulent maintenir leur train de vie à la retraite doivent bel et bien se constituer une épargne personnelle. Voici les cinq règles à respecter pour s’en sortir haut la main.
Règle n° 1 : Commencer à épargner tôt
Vous êtes jeune et votre préoccupation première est avant tout d’acquérir votre résidence principale ? Ce n’est pas incompatible avec la préparation de votre retraite. “C’est même clairement la première chose à faire”, commente Christine Valence, ingénieur patrimonial à BNP Paribas Banque Privée. Les prix de l’immobilier sont élevés, mais avec la demande très soutenue de logements, c’est une tendance de fond, qui n’est pas près de s’infléchir. Et emprunter, alors que les taux sont historiquement bas, représente une vraie opportunité. “Si vous achetez tôt, cela vous permettra d’être pleinement propriétaire au moment de la retraite, avec un crédit entièrement remboursé. Une bonne opération, quand on sait qu’un loyer représente en moyenne 40% du montant d’une pension”, selon Maxime Lartigou, conseiller chez Novalia Patrimoine.
Mais que cela ne vous empêche pas de faire vos premiers placements financiers, même avec quelques dizaines d’euros par mois. “En la matière, le temps est votre meilleur allié”, poursuit Maxime Lartigou. Imaginez que vous ayez investi 100 euros par mois sur un ETF MSCI Euro, un produit en actions européennes très peu chargé en frais. “Sur celui d’Amundi par exemple, créé en février 2012, vous auriez accumulé 21 500 euros en juillet 2021, pour une mise de 11 400 euros seulement, soit un rendement total de 88% sur un peu plus de dix ans”, explique l’économiste Marc Touati, dans une étude pour Trade Republic.
Règle n° 2 : Se protéger contre l’inflation
“Il faut faire en sorte que votre patrimoine évolue à la hausse, afin de vous protéger de l’inflation. Pour cela, vous devez opter pour des classes d’actifs telles que l’immobilier ou les actions, mais surtout pas les obligations ou les fonds en euros des assurances-vie”, indique Thierry Chouvelon, directeur de l’ingénierie patrimoniale chez UBS France. En clair, il faut privilégier des actifs dits réels qui évoluent comme l’inflation, pour éviter que votre effort d’épargne ne soit réduit à néant. “La bonne répartition ? 25 % à 30 % du patrimoine consacré à l’acquisition de la résidence principale, 20% à 30% à l’immobilier locatif et le reste en actifs financiers”, confirme Jean-François Lucq, directeur de l’ingénierie patrimoniale chez Banque Richelieu.
Règle n° 3 : Structurer sa part d’immobilier locatif
L’immobilier que vous achetez en vue de le mettre en location peut également être acquis à crédit, “ce qui permet à ceux qui n’ont pas suffisamment d’argent à placer, de se constituer malgré tout un patrimoine pour l’avenir. Le loyer du locataire permettra de rembourser l’emprunt, ce qui réduira totalement ou considérablement l’effort d’épargne“, selon Maxime Lartigou. Mais attention, “l’immobilier est toujours porteur de charges d’entretien et de lourdes charges fiscales”, prévient Thierry Chouvelon. Une fois le crédit remboursé, vos revenus fonciers seront pleinement soumis “à l’impôt sur le revenu dans votre tranche d’imposition – soit pour les plus fortunés, à 41% ou 45% -, mais aussi aux prélèvements sociaux de 17,2% et également à l’impôt sur la fortune immobilière, si vous êtes éligible”, détaille Jean-François Lucq.
A étudier de près donc, avant de s’engager, “puisqu’il faut veiller à avoir les charges les moins élevées possibles au moment de la retraite, la charge d’impôt faisant partie intégrante de l’équation”, selon Christine Valence. D’où l’intérêt des formules moins taxées, comme notamment l’immobilier en meublé (dans un premier temps, vous déduisez vos intérêts d’emprunt de vos recettes taxables, puis quand le crédit est remboursé, vous utilisez vos amortissements non consommés en déduction, ce qui permet dans les deux cas de payer pas ou peu d’impôts et pour une période longue). Pour ceux que le meublé ne tente pas, il peut, dans certaines situations, être intéressant de “loger votre immobilier locatif dans une société civile immobilière soumise à l’impôt sur les sociétés”, poursuit Christine Valence.
Règle n° 4 : Choisir la bonne combinaison de produits financiers
En ce qui concerne vos actifs financiers, et toujours pour les mêmes raisons, il faut les placer dans des produits à fiscalité douce. N’hésitez pas à utiliser les enveloppes de capitalisation comme l’assurance-vie et le plan d’épargne retraite (PER) : les gains qui y sont réalisés n’étant pas taxés annuellement, mais uniquement au moment de vos retraits. Ils sont parfaitement complémentaires. Attention cependant, le PER est beaucoup moins liquide et vous ne pourrez pas toucher à votre épargne avant votre départ à la retraite, sauf accidents de la vie (décès du conjoint, chômage, etc.) ou, et c’est nouveau, l’achat de votre résidence principale. A privilégier pour l’épargne dont vous n’avez vraiment pas besoin.
Le PER a aussi des vertus défiscalisantes qui permettent de déduire vos versements de votre revenu imposable, ce qui n’est pas possible avec l’assurance-vie. “Il faut profiter de cet avantage et y verser tout ce qui est possible, jusqu’à la limite du plafond annuel, défini pour chacun dans votre avis d’imposition, si vous n’avez pas besoin de cet argent, bien sûr. A défaut et pour le reste, il faut opter pour l’assurance-vie et sa liquidité, et éventuellement pour le plan d’épargne en actions (PEA) pour sa fiscalité également très attractive, tous vos gains étant exonérés d’impôt au-delà de cinq ans de détention”, résume Maxime Lartigou.
Règle n°5 : Investir en actions, cotées ou non
Reste à savoir ce que l’on met dans ces produits d’épargne. La question fait l’objet d’un très large consensus : plus on est loin de l’âge de la retraite, plus il faut utiliser les actions – voire le private equity, pour les personnes les plus fortunées. “Quand on a au moins huit à dix ans devant soi, les actions sont les seules capables de faire fructifier votre capital. Un horizon de placement lointain vous permet aussi de faire face plus sereinement aux grosses tempêtes boursières. Suite à la faillite de la banque Lehman en 2008 par exemple, il a fallu six ans aux actions européennes avant de retrouver leur niveau d’avant la crise”, fait valoir Jean-Patrick Mousset, allocataire d’actifs à la Banque Transatlantique. Les prévisions de rendements des différentes classes d’actifs pour les dix ans à venir vont dans ce sens : les rendements annualisés ressortent de 3,7 % à 7% pour les actions internationales, contre de 0% à 1,4% pour les obligations d’entreprise de bonne qualité !
Mais comment encourager les Français à investir en actions, alors que les marchés n’ont jamais été aussi hauts ? Ne leur a-t-on pas appris qu’il fallait entrer sur des marchés baissiers pour gagner de l’argent ? “C’est vrai, mais entrer au plus bas et sortir au plus haut, ce n’est pas investir, c’est spéculer. Même les meilleurs gérants du monde n’y parviennent pas sur la durée”, explique Matthias Baccino, directeur France de Trade Republic.
La solution est simple : il faut placer un peu, régulièrement et sur longue période. Avec des marchés à leur sommet, les risques de corrections sont réels, “mais elles seront passagères, parce qu’à long terme, les marchés actions sont toujours favorables”, souligne Marc Touati. Par ailleurs, avec un investissement régulier, l’épargnant profitera des baisses de marchés pour acheter des actions à meilleur tarif. “100 euros placés tous les mois depuis l’an 2000, sur le CAC 40 dividendes réinvestis (les 40 plus grosses entreprises françaises), auraient permis d’accumuler un capital de 57 761 euros”, selon Marc Touati. Pensez-y si vous faites vos placements seul. Sinon, le législateur a tout prévu, notamment avec le nouveau PER, où il oblige les épargnants qui sont loin de l’âge de la retraite à accepter une part de placements risqués en actions, en vue, naturellement, d’obtenir une meilleure performance.
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