C’est à Sète, dans la maison qu’il a conçue et faite construire près du cimetière marin, que Pierre Soulages a résidé et travaillé durant les dernières années de sa vie. Un attachement né de sa rencontre avec Colette, native de la ville, qu’il a épousée en 1942 dans l’île singulière. Mais aussi un ancrage artistiquement fécond.
C’est un chemin privé niché sur le flanc sud du Mont Saint-Clair, tout au bout du célèbre cimetière marin. Le 16 mars 2018, on y a vu pénétrer un étrange ballet motorisé : celui de la voiture présidentielle d’Emmanuel Macron, venu en visite privée. Pas chez n’importe quel habitant de Sète : le chef de l’Etat déjeunait ce jour-là avec Pierre et Colette Soulages, dans leur maison construite en 1960 sur ce bout de terrain surplombant la Méditerranée.
Sète et Soulages, c’est une histoire d’amour : celle du peintre et de Colette, native de la ville et épousée il y a 80 ans presque jour pour jour, le 24 octobre 1942, dans la décanale Saint-Louis et dans une fidélité saisissante à la passion du peintre pour l’outrenoir : il était minuit, ils étaient habillés en noir. 
A l’aube de ses 100 ans, en 2019, l’artiste peignait toujours dans l’île singulière, dans sa maison-atelier faite sur mesure pour que s’épanouisse sa créativité :
Ici, je travaille par désœuvrement. Je n’ai pas l’impression que je travaille, ici. Je me surprends, certains jours, en train de peindre dans mon atelier, et je n’ai pas pris la décision de peindre. Alors que à Paris, lorsque je veux travailler, […] c’est un temps que j’arrache à la vie quotidienne.
Sur le site de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA), plusieurs archives montrent le peintre dans son environnement intime sétois, dont il aimait dire : “C’est une chose que nous avons construite en fonction du paysage, de ce terrain, de cet horizon, et aussi de la végétation méditerranéenne qui est propre à Sète. Parce que c’est aussi un jardin. Nous l’avons même voulue comme une sorte de mélange entre la construction et le paysage“. Nombreux sont ceux qui, à l’heure de sa mort, se souviennent sur les réseaux sociaux d’avoir été accueillis à Sète par le couple, à l’image de cet internaute pour qui, sur Twitter, les “pensées vont vers Colette sa femme, 101 ans” :


Une bâtisse et sa parcelle tellement imbriquées dans l’œuvre de Pierre Soulages que l’année de ses 100 ans, elle a fait l’objet d’un vœu d’inscription au titre des monuments historiques. Lors de ses séjours, de plus en plus fréquents jusqu’à devenir permanents ces dernières années, il y passait le plus clair de son temps, discret jusqu’à se mêler rarement à la vie de la cité portuaire. A peine savait-on qu’il se fournissait chez tel ou tel commerce de bouche des alentours des halles.


Mais l’ombre de l’homme de l’outrenoir planait comme une figure tutélaire sur la ville, où chacun savait qu’il y résidait, à l’instar de nombreux artistes avant lui et aujourd’hui encore. A l’annonce de son décès, le maire François Commeinhes a rendu hommage au Sétois d’adoption :
C’est au milieu des trois incontestables déités si chères à Paul Valéry, à savoir la mer, le ciel et le soleil que Pierre Soulages a consacré sa vie à l’étude de la lumière secrète venue du noir. […] La Ville et les Sétois lui sont reconnaissants de les avoir choisis comme port d’attache.
Longtemps, un projet de fondation a alimenté les tractations entre Pierre Soulages et la ville, dans les années 1980, jusqu’à ce que la municipalité abandonne face aux contraintes financières. Un rendez-vous manqué avec Sète dont Midi Libre se faisait l’écho en 2014. Le musée Soulages verra finalement le jour bien plus tard, dans la ville natale du peintre.

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