La période que nous vivons peut s’avérer propice aux changements de vie, aux nouveaux départs. Le confinement aura, pour beaucoup, été un temps de réflexion. Qui suis-je ? Où vais-je ? Dans quel état j’erre ? Le fameux monde d’après ne serait-il pas une occasion d’effacer l’ardoise d’une existence ankylosée pour repartir vers des horizons plus en adéquation avec nos rêves, loin du tumulte de l’argent roi ?
Certains n’ont pas le choix. Du jour au lendemain, ils font la connaissance d’un conseiller du Pôle emploi avec lequel ils chercheront une reconversion professionnelle. Échaudés par l’enfermement imposé dans des logements mouchoir de poche, d’autres céderont aux charmes de la maison avec le petit jardin dont le plafond est le ciel. D’autres encore, mieux lotis, abandonneront le confort de situations stables pour retourner à la terre, celle qui a permis aux parents et aux grands-parents de traverser les épreuves avec un bout de pain et le sentiment d’avoir été heureux.
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D’autres, enfin, ayant connu la rupture, s’envoleront vers des contrées nouvelles avec l’espoir de l’aventure au coin de la rue. Dans notre entourage, nous connaissons tous des personnes qui, soit par désir, soit par obligation, ont changé de vie. Cela peut être l’ami psychomotricien, directeur de crèche, devenu menuisier ou encore cette…
Certains n’ont pas le choix. Du jour au lendemain, ils font la connaissance d’un conseiller du Pôle emploi avec lequel ils chercheront une reconversion professionnelle. Échaudés par l’enfermement imposé dans des logements mouchoir de poche, d’autres céderont aux charmes de la maison avec le petit jardin dont le plafond est le ciel. D’autres encore, mieux lotis, abandonneront le confort de situations stables pour retourner à la terre, celle qui a permis aux parents et aux grands-parents de traverser les épreuves avec un bout de pain et le sentiment d’avoir été heureux.
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D’autres, enfin, ayant connu la rupture, s’envoleront vers des contrées nouvelles avec l’espoir de l’aventure au coin de la rue. Dans notre entourage, nous connaissons tous des personnes qui, soit par désir, soit par obligation, ont changé de vie. Cela peut être l’ami psychomotricien, directeur de crèche, devenu menuisier ou encore cette famille dont le père, militaire à Abu Dhabi, s’est reconverti dans l’agriculture bio et la permaculture au fin fond des Landes. Les exemples ne manquent pas. Plusieurs sondages et études (qui valent ce qu’ils valent) affirment que trois quarts des actifs de France veulent changer de vie, de métier ou de région. En termes de pourcentage, cela donne 69 % qui rêvent de s’installer ailleurs et 66 % qui aimeraient changer d’emploi. La majorité de ceux qui ont franchi le pas disent ne pas le regretter, malgré les difficultés. C’est le cas des personnes que nous avons rencontrées en Charente, en Gironde, dans les Landes et au Pays basque.
« Soudain, je me suis demandé : à quel moment ai-je été vraiment heureuse ? Et, finalement, cela remontait à l’enfance, quand je courais dans les champs et les prés des Landes, où je vivais. » Jeanne Fernandes en était à ce niveau de questionnement lorsqu’elle décide de quitter son travail dans l’immobilier qui lui avait permis, précédemment, de revenir en France à la suite de cinq ans passés dans l’événementiel à Londres
Après quelques mois de chômage et de doutes, le miracle s’est produit. Elle allait pouvoir tourner la page, sourire à nouveau. Un ami, qu’on appellera hasard, lui a mis dans les bras deux agnelles. « J’ai craqué. Je m’en suis occupée. Je ne pouvais plus m’en séparer. Il fallait que je trouve un moyen de les garder, et l’idée a été de former un troupeau. Sans aucune expérience du monde de l’agriculture, je suis devenue bergère. Et, aujourd’hui, je sais que ces brebis m’ont sauvée en me ramenant à l’essentiel. » La nouvelle vie de Jeanne Fernandes a pris forme en Charente, du côté de Mouthiers-sur-Boëme. Il y a huit ans, le Conservatoire régional d’espaces naturels (Cren) a permis à la bergère sans terre de s’installer avec son troupeau de 240 moutons sur les 7 hectares d’un plateau calcaire. L’espace où paissent ses bêtes a pour particularité d’héberger une flore rare, et les débroussailleuses sur pattes se chargent naturellement de la protéger des espèces invasives.
Jeanne apprend le métier, aidée par ses chiens Simon et Joke, un patou et un border collie, qui s’y entendent pour remettre de l’ordre quand le troupeau part en vadrouille. La jeune bergère s’intéresse aux nouvelles techniques pastorales. Elle pratique le pâturage en parcours, technique qui permet de sélectionner les prairies au quotidien pour l’alimentation de ses ovins tout en préservant la ressource fourragère. Avec cette méthode, on n’a pas besoin d’enclos, et cela tombe bien puisque la solognote, race rustique qui était en voie de disparition et qui constitue 100 % de son cheptel, n’a pas besoin d’abris. Lorsque Jeanne rejoint Gardes-le-Pontaroux, toujours en Charente, elle est devenue « éleveur allaitant ovins », façon plus professionnelle et surtout économique pour dire « berger ».
Un réseau de particuliers lui achète cette viande de grande qualité. Il faut bien survivre. « J’ai connu là quelques moments difficiles qui sont allés jusqu’à l’agression, mais je ne veux pas m’étendre sur le sujet. Cela aura été le prix à payer pour la jeune femme très féminine que je suis et qui a décidé de se salir les mains, de trouver la force de reprendre le pouvoir sur elle-même. Le tout sans homme. Malgré d’énormes sacrifices, qui vont d’une vie au présent sans un seul jour de repos à un éloignement douloureux de mes proches, je peux affirmer maintenant que je suis dans le vrai. Et heureuse. » Lorsqu’elle a prononcé ces paroles en ce début de mois d’août, Jeanne Fernandes était en estive dans les Pyrénées, au paradis des bergers. Ici, elle n’est pas perçue comme une originale. Juste comme une des leurs. De quoi avoir envie d’y rester.
Avant septembre 2014, BTS de commerce international en poche, Hicham Garcia était dans le transport. Son parcours le conduit à la gestion de la logistique des commandes pour l’entreprise Relais Colis . Ses journées sont rythmées, matin et soir, par des allers-retours à Bordeaux, soit 110 kilomètres sur la route, bouchons compris. Stress et fatigue composent son quotidien. Ce n’est que chez lui, au Pian-sur-Garonne, près de Langon, là où il a grandi, qu’il retrouve le réconfort. Se rapprocher de sa famille et de ses amis est une envie qui va se transformer en besoin. Pour y parvenir, il va devoir quitter son emploi. « Naturellement, j’ai pensé rester dans la logistique, mais, dans le coin, ceux qui travaillent dans cette branche restent longtemps à leur poste. Faute d’offres d’emploi dans mon domaine, j’ai décidé de créer quelque chose. Mais quoi ? » se demande ce père de 35 ans à l’époque.
Un ancien collègue magasinier lui parle de son frère, tourneur-fraiseur sans travail, qui vient de suivre une formation en cordonnerie. Pour Hicham Garcia, c’est le déclic. Il ne lui a pas échappé que le seul cordonnier du centre-ville, celui de la rue de la Poste, à Langon, a définitivement tiré le rideau. Mais chaque chose en son temps. « Les deux ans de chômage m’ont permis de suivre la formation pour apprentis au Vigean, à Eysines. Cela m’a plu et j’ai obtenu le CAP. C’était un vrai challenge. Je voulais savoir ce que je pouvais faire de mes deux mains, parce qu’à part jouer au basket et de la guitare… » En septembre 2014, après les immuables vacances en Galice, dont est originaire la famille paternelle, Hicham a enfilé le tablier en cuir dans le petit local de la rue de la Poste. Les débuts ne sont pas évidents. Il a fallu investir dans du matériel et des machines, qui vous font douter de la viabilité du projet.
Le « petit cordonnier » se diversifie auprès d’une clientèle qui l’a connu tout petit et qui s’émerveille de ce changement de cap. Le service de la duplication de clés le fait tenir financièrement. « Je refuse très peu de travaux. Ce que je peux coudre, je le couds. Dernièrement, j’ai réparé une bâche de protection d’une machine à vendanger. En cordonnerie pure, le “cousu semelle”, les ressemelages de Paraboot ou de Rangers, sont dans mes cordes. Six ans après mon installation, cela commence à marcher, même si je sais que je ne fais pas ça pour rouler en Porsche Cayenne. Ma plus grande fierté est de savoir que j’ai un métier dans les mains. » Hicham Garcia dit n’éprouver aucun regret. Ce nouveau mode vie lui permet de jouer à domicile, de rejouer au basket avec les « papys » du club d’Illats et, surtout, de consacrer du temps à ses enfants, qu’il ne voyait pas grandir lors des trajets Le Pian-sur-Garonne-Bordeaux. Pour lui, cette qualité de vie, pour simple qu’elle soit, n’a pas de prix.
Ce jeune couple tenait un salon de coiffure et de soins esthétiques à Hornaing, entre Douai et Valenciennes, dans les Hauts-de-France. Entrés dans le métier, qui les passionne, dès l’âge de 20 ans, Céline et Jérôme Demaret ont fait fructifier deux affaires pendant vingt ans de plus. Et puis, alors que tout allait pour le mieux au pays des anciennes mines, ils ont éprouvé le besoin de changer d’air. Le seul objectif vraiment concret consistait à trouver quelque chose au-dessous de la Loire. Ce besoin de soleil les fait timidement prospecter du côté du Var et de l’Ardèche. Et puis, comme souvent, le hasard a frappé à leur porte, en mai 2019, par l’intermédiaire d’une émission de télévision appelée « SOS Villages » .
Sur le petit écran, ils voient Patrick Sabin, maire d’Escource, dans les Landes, implorer un repreneur pour le salon de coiffure du village, qui venait de tirer le rideau. Un commerce qui ferme dans une commune de 720 habitants, ce n’est jamais bon, et l’édile d’expliquer qu’il se mettrait en quatre pour aider les candidats à l’installation. Un coup de fil plus tard, les Demaret se disent prêts à tenter l’aventure d’une nouvelle vie avec leurs deux enfants, Mélina et Cellian.
« Dès le mois d’octobre, nous sommes partis en repérage et avons traversé la France avec un camion chargé de matériel de coiffure. Spontanément, des personnes sont venues nous aider à décharger. Après, nous nous sommes assis sur un banc de la place de la mairie, et nous avons compris, à ce moment précis, que c’était là et pas ailleurs que nous voulions vivre », raconte Jérôme. « J’ai une sœur à Bordeaux, mais nous ne connaissions rien des Landes. Nous avons eu le sentiment d’être attendus, ressenti de la solidarité, et pas l’impression d’être des étrangers », poursuit Céline. Le confinement de cette année a compliqué quelque peu l’installation définitive.
La vente du salon dans le Nord a pris plus de temps que prévu et il a fallu penser le réaménagement de celui d’Escource en se fiant aux plans envoyés par la mairie. Deux allers-retours éreintants en camion, pour déménager, auront été le prix à payer pour ce nouveau départ commencé officiellement le 15 mai dernier, avec une ouverture de la boutique en juin. « Nous n’avons jamais considéré notre commerce comme une entrée d’argent mais comme une manière de créer des liens et de passer des bons moments. Dans le Nord, nous vivions pour travailler, ici nous travaillons pour vivre. Là-haut, c’était soixante-dix heures par semaine au salon, maintenant, on a souvent l’impression d’être en vacances », aime à dire Céline Demaret.
Le joli salon à l’ancienne, entièrement refait, n’a pas tardé à trouver sa clientèle, réduite un temps à pousser jusqu’à Mimizan pour une coupe de cheveux. Le couple de professionnels propose aussi un service de barbier mais aussi des soins esthétiques. Cela pour le plus grand bonheur d’Alicia, qui s’en occupait avant la fermeture de la boutique et qui a retrouvé son poste. Un seul petit regret pointe, celui d’avoir quitté le Nord « comme des voleurs » à cause de la crise sanitaire. Mais les mails des anciens clients chtis qui s’affichent régulièrement pour les remercier de tant d’années leur mettent du baume au cœur. Il y en a même un, de passage à Bordeaux, qui a fait le détour jusqu’à Escource pour venir les saluer.
La maison construite à Bassussarry est presque terminée. Cette fois, c’est une certitude : le Pays basque verra vieillir Sandrine. Qui aurait pu imaginer que cette Marseillaise de naissance, ayant sillonné le très couru Sud-Est, travaillant dans la vente de prêt-à-porter à Avignon, viendrait atterrir dans la verdoyante Euskadi du Nord ? Pourtant, aujourd’hui, la cinquantaine sonnée, elle dit sans détour : « Je regrette de ne pas être née basque ». Le coup de foudre s’est produit au cours de vacances successives passées ici. La première fois, c’était il y a vingt ans à Saint-Jean-de-Luz, puis en 2008, 2009 et 2012.
Fascinée par les paysages, la culture et l’authenticité des gens, elle convainc son mari de quitter les garrigues provençales pour l’Atlantique. Cela se fait sans douleur (même si leurs filles sont restées au pays) puisqu’il obtient une mutation dans le coin. « Nous sommes arrivés en novembre 2013 et avons été accueillis par… trente jours de pluie sans discontinuer. Je me souviens lui avoir demandé à ce moment-là : “Tu crois qu’on va s’y faire ?” » dit-elle en souriant. Le premier pied-à-terre est Anglet, suivi par Bidart, puis Saint-Pierre-d’Irube et aujourd’hui, donc, Bassussarry.
Après plusieurs tentatives infructueuses, Sandrine finit par décrocher un travail dans un magasin de vêtements. Mais ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est la mode, la déco et les voyages. Surgit alors l’idée de créer un blog qu’elle consacrera à ses passions 100 % basques. Ainsi est né il y a deux ans En mode basque . « Vivre au Pays basque était ma destinée. Je me sens chez moi et je suis tellement heureuse d’avoir trouvé mon bonheur. Je vis entre les montagnes et l’Océan. J’aime enfin (mais pas tous les jours) la pluie. Je consomme local. Je bois mon chocolat chaud chez Cazenave et l’apéro chez Kostaldea . Je vais déguster des pintxos à San Sebastián, des macarons chez Adam , des Muxu chez Pariès . Je porte des tongs et des espadrilles made in France, j’ai un sweat BTZ et 64 . Et, surtout, j’aime et respecte les valeurs basques », écrit-elle dans un de ses premiers articles.
Sept ans de « basquitude » n’ont fait que conforter son choix d’avoir quitté le bruit tumultueux qui envahit Marseille, ville où elle ne retourne que pour rendre visite à ses enfants. Sous ces nouvelles latitudes, elle dit se sentir en sécurité, inspirée par les beautés qu’elle photographie au quotidien. Sa prochaine mission ? Faire venir sa mère et l’accueillir dans sa nouvelle maison avec un « ongi etorri » (bienvenue) de circonstance. 

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