Dans ce roman est bâti en trois parties, « Plaine », « Vallon », « Montagne »,  le narrateur cherche son chat à vélo à travers la France rurale.
Il y a bien un narrateur. On ne sait pas son âge, sa couleur de peau, son métier. On suppute, grâce à des indices : un homme blanc, la petite quarantaine, en rupture de ban, sensible à la quête de sens. Quand la femme aimée est partie, il a arrêté de travailler. L’homme repeint son pavillon avec un pinceau à brosse plate de quatre centimètres de largeur. Le voisin Denis passe lui rendre visite, régulièrement, afin de veiller sur lui. Denis : petits trafics, fraude aux aides sociales, vente d’herbe. La France de la débrouille. Le narrateur continue à repeindre sa maison comme pour combler l’ennui des jours si semblables les uns aux autres. La région se retrouve soudainement envahie par l’eau. Le liquide brunâtre monte jusqu’à cinq mètres trente. Lors de l’inondation, son chat, Cassius, disparaît. Le narrateur part à vélo à sa recherche. Il sillonne les paysages ; il rencontre les gens. Il a quelques centimes en poche et il découvre la richesse de la France.

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À un moment, le narrateur arrête de chercher son chat et achète une tente pour ses nuits. Sa vie pour des mois : le vélo, les terrasses, les supérettes, la tente. L’écrivain décrit une France rurale contemplative, diverse, surprenante. Dans les centres-villes, les commerces ferment au profit des sandwicheries sans attrait. Tout se rétrécit, sauf la vie. Le narrateur fait notamment la connaissance de Francine et François. L’épouse tombe dans ses trous de mémoire ; le mari tombe par terre sans pouvoir se relever. Un couple âgé et fragile habitant en pleine montagne. Là où leur fils est mort. Le narrateur accueille, regarde, écoute et se découvre disponible aux changements d’âme. Vivance est une célébration du mouvement. Du moment qu’il bouge, l’homme n’est plus seul. Il panse la nostalgie de son amour perdu avec Renata par une observation de la réalité environnante. Sa force : il n’a pas de but et héberge le présent.

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Que se passe-t‑il, loin des grandes villes ? L’auteur de Fief (Seuil, 2017), croquis de la jeunesse dans une zone périurbaine, excelle dans la peinture des atmosphères orageuses. Au début de Vivance, le narrateur s’est arrêté chez Noël. Une maison en vieilles pierres. Douche, chambre à l’étage, repas. Le suicidaire Noël est dépressif et alcoolique. Il parle de manière décousue. L’écrivain David Lopez, né en 1985, travaille à l’extrême la matière de son écriture. On s’y glisse en douceur, jusqu’à la perte de sens. Poésie des rencontres, des paysages, des existences. On suit le narrateur sur son vélo baptisé Séville, jusqu’au bout de son voyage intérieur. Il multiplie les haltes dans les villages, les forêts, pour se ressourcer. Aucune destination précise. Les gens croisés lui parlent de leurs désirs avortés. « On ne peut être totalement désespéré si l’on conçoit une autre vie possible, là quelque part, derrière la peur. »

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Chacun cherche son chat et, parfois, le retrouve. Le roman est bâti en trois parties, « Plaine », « Vallon », « Montagne ». La trame narrative se montre réduite au minimum. L’histoire se déploie en une myriade d’histoires. Le temps est le sujet. La lenteur, l’immobilisme, l’ennui, le mouvement, la fuite, le vagabondage. Le romancier saisit des moments. La vie palpite dans une miette de pain, une petite fille, un couple âgé. David Lopez se joue de l’opacité et du trouble par une langue puissante. L’homme part à vélo à la rencontre de rien. Il ne faut pas essayer de tout comprendre et apprendre à se laisser porter par le vide. Le narrateur attend l’événement. Ce quelque chose qui se passe et ne se passe pas se nomme la vie.
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