Des bacs en inox à l’essai à la cuisine centrale. Anodine, la nouvelle serait sans doute passée inaperçue si l’opposition municipale de Bordeaux n’avait pas braqué, en début de semaine, les projecteurs sur l’expérimentation en cours, s’étonnant à gros traits que les contenants soient envoyés pour lavage en bonne et due forme à… Avignon, 572 kilomètres plus loin.
A priori improbable, l’itinéraire s’explique par un partenariat noué avec une société avignonnaise spécialisée dans le réemploi des emballages durables, et la nécessité, six semaines durant, d’un retour d’expérience sur les opérations de nettoyage plus complexes qu’il n’y paraît, défendait en substance Delphine Jamet, adjointe au maire EELV de Bordeaux, et présidente du Sivu (1) Bordeaux-Mérignac, l’organisme gestionnaire de la cuisine centrale, près de la gare de Caudéran-Mérignac, qui alimente les cuisines des deux communes.
Chaque jour, quelque 23 000 repas y sont préparés à destination des 180 « satellites », des cantines d’écoles pour l’essentiel mais aussi les services de portage à domicile pour personnes âgées. D’ici 2025 et l’entrée en vigueur de la loi Egalim interdisant le recours aux contenants plastiques dans la restauration collective publique, c’est une véritable « révolution », insiste son directeur général Christophe Simon, que s’apprête à engager la cuisine centrale.
La soupe de butternut est fin prête, et les agents de la cuisine centrale affairés à remplir les bacs qui seront envoyés la semaine prochaine dans un centre de loisirs de Mérignac. Rien de plus classique, à la différence près que l’opération, ce vendredi 11 février, se passe sous l’œil de techniciens et autres élus du Sivu réunis en comité syndical : c’est dans des prototypes de contenants en inox fabriqués en Isère que l’on verse, à la louche, la soupe du jour. Un test grandeur nature sera ainsi mené sur 18 satellites de Bordeaux et Mérignac, avec « 1 200 à 1 500 bacs », prévient Christophe Simon, pour en tirer tous les enseignements : choix des contenants offrant à la fois sécurité sanitaire et facilité de manipulation, automatisation des tâches, etc.
Process, stockage, logistique, études ergonomiques : à la cuisine centrale, tout est remis sur la table à la faveur de l’abandon du plastique, imposé par la loi à l’horizon 2025. À vrai dire, la cuisine centrale n’utilisait plus que des bacs en cellulose « depuis 2020 », rappelle Delphine Jamet, mais ceux-ci ne présentent pas toutes les garanties requises. Surtout, la bascule ira de pair avec l’indispensable extension de la cuisine centrale, à l’étroit dans ses murs : calibrée pour 16 000 repas préparés chaque jour, elle atteint aujourd’hui… 23 000 repas. « Il faut cette extension, avec une capacité de stockage des bacs inox », résume Christophe Simon. Fini le temps où « 60 tonnes de contenants plastiques par an » partaient au tri sélectif : en contrepartie, il faut de la place pour ranger les milliers de bacs inox qui s’y substitueront.
Il faut donc de la place et de l’argent. Si le coût de l’extension de la cuisine centrale est évalué à 8 millions d’euros, l’achat de bacs en inox fera monter la facture de plusieurs millions, des dizaines de milliers de bacs étant nécessaires, à raison de 50 euros par bac, grosso modo. La cuisine centrale de Bordeaux-Mérignac a d’ailleurs rejoint un groupement de cuisines centrales comprenant notamment Nantes, Paris, Toulouse, et qui se donne pour objectif la mutualisation d’achats de bacs. S’y ajoutera donc la nécessaire construction d’une « laverie » dédiée, laquelle sera mutualisée avec d’autres cuisines centrales de la Métropole.
Fini les sautés de bœuf cuits sous vide « pendant 48 heures à 76 °C », le tout piloté par ordinateur : la cuisson sous vide aussi est dans le collimateur de la loi Egalim. « Et d’ailleurs, c’est le sujet sensible », poursuit le directeur général de la cuisine centrale, alors que les dangers des perturbateurs endocriniens ne sont apparus que somme toute récemment dans le débat. « Cette révolution oblige la cuisine centrale à avoir une veille permanente sur ces problématiques de santé et d’environnement. » La restauration collective a-t-elle déjà vécu pareil chambardement ? « Oui, au milieu des années 80 avec les liaisons chaudes-froides, propres-sales, la marche en avant », se souvient Christophe Simon. « Le plastique s’est d’ailleurs imposé à ce moment-là, parce qu’il offrait les meilleures garanties microbiologiques… »
(1). Syndicat intercommunal à vocation unique.

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