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L’exécutif veut conditionner le versement du RSA à quinze à vingt heures d’activité. L’Essonne, département candidat pour expérimenter cette réforme, fait déjà suivre certains de ses allocataires par des coachs emploi.
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Chômage : du RSA à l’emploi, la méthode de l’Essonne
Un coach anime une simulation d’entretien d’embauche avec un allocataire du RSA, à l’Espace emploi insertion de Brétigny-sur-Orge (Essonne), le 10 novembre 2022.
MARIE AUDINET POUR LA CROIX
Le RSA, Guillaume ne sait plus très bien depuis combien de temps il le touche. Cet ancien enfant placé a d’abord passé un CAP petite enfance, qu’il a raté de peu, et enchaîné les stages. Mais il s’est trouvé bloqué par l’absence de diplôme. Il a alors trouvé des petits boulots dans la logistique, qui ne lui ont jamais plu. Et il s’est trouvé bien démuni pour rebondir. « J’ai été reçu une fois par un conseiller quand j’ai eu le RSA pour la première fois, explique-t-il. Mais, après, on m’a complètement lâché. »
Alors quand ce jeune père s’est réinscrit au RSA, en 2021, et que le département de l’Essonne lui a fait signer un « contrat d’engagement réciproque » prévoyant qu’il soit suivi par l’Espace emploi insertion de Brétigny-sur-Orge, il s’est dit qu’il n’avait rien à perdre. Créé en octobre 2020 par le conseil départemental, ce nouveau dispositif propose aux allocataires du RSA nouvellement inscrits un accompagnement intensif, avec un rendez-vous par semaine avec un coach emploi pendant trois mois, renouvelable une fois.
En trois semaines, Guillaume a déjà bien avancé. « La première fois, on a discuté de ce que je voulais faire et on m’a expliqué que la loi a changé et qu’on n’a plus besoin d’un diplôme dans la petite enfance, alors j’ai repris espoir », raconte-t-il. À l’issue de la deuxième séance, il dispose d’un CV et d’une liste d’employeurs à contacter. L’occasion de se rendre compte que, dans les faits, le diplôme reste un plus.
Pour le troisième rendez-vous, une simulation d’entretien lui permettra d’apprendre à argumenter les trous dans son CV et de confirmer sa motivation pour une reprise de formation. « Je vais passer des coups de fil pour trouver une place en formation et, si ça ne marche pas, on ne lâche pas, on trouvera des boulots alimentaires en attendant », réagit Catherine Pernelle, la coach qui suit Guillaume.
L’intensité du suivi, hebdomadaire, les moyens consacrés, qui permettent aux accompagnants de ne suivre que 25 allocataires chacun, et les compétences des coachs, issus du monde de l’entreprise, donnent de bons résultats. « Depuis 2020, on a 75 % de sorties vers l’emploi, en CDI ou en CDD de plus de trois mois, ou vers une formation diplômante », confirme Céline Antonio, la responsable du dispositif, qui va être dupliqué d’ici fin 2022 à Athis-Mons puis Évry-Courcouronnes.
Mais le dispositif ne concerne que 350 allocataires du RSA, les moins éloignés du marché de l’emploi, sur les 29 600 du département. « Il y a des publics pour lesquels c’est plus difficile, reconnaît Catherine Pernelle, par exemple les jeunes mères de familles monoparentales très isolées. » Quand c’est nécessaire, le coaching se prolonge au-delà des six mois prévus. Mais « il arrive aussi que, quand les gens ne viennent pas aux rendez-vous par exemple, on suspende les droits au RSA », complète Céline Antonio.
« Je fais partie des gens qui pensent que la France s’honore d’avoir un système social généreux mais qu’il faut qu’il soit juste, donc je fais la chasse à la fraude », explique François Durovray, le président (LR) du conseil départemental, qui a diligenté près de 40 000 contrôles depuis 2020. Mais, parallèlement, il a aussi dopé les dispositifs d’accompagnement. En plus des Espaces emploi insertion, le département a créé un « pack sortie », prévoyant une aide monétaire à la mobilité, à la garde d’enfant ou à l’habillement, en cas de reprise d’emploi. Job91, une plateforme mettant en contact allocataires et recruteurs par géolocalisation, complète cette panoplie d’outils nouveaux.
« Tous les allocataires ne peuvent pas forcément retravailler, mais pour ceux qui le peuvent, on a besoin d’aller plus loin, explique François Durovray. C’est pour cette raison que je suis candidat à l’expérimentation de la réforme RSA contre activité. Mais j’ai quelques idées à défendre. Je pense qu’il faut que les gens soient volontaires et que la nature de l’activité, emploi, formation ou accompagnement, doit s’adapter à l’allocataire. Et dans mon esprit, les heures travaillées doivent être rémunérées. »
———
Le 17 mars, Emmanuel Macron, alors candidat, annonce son intention de lier le versement du RSA à « l’obligation de consacrer quinze à vingt heures par semaine pour une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle, soit de formation en insertion soit d’emploi ».
Le 12 septembre, la feuille de route du ministre du travail, Olivier Dussopt, indique que la réforme commencera par une expérimentation à partir de « l’automne » dans dix territoires.
Le 30 septembre, dans une lettre aux présidents des conseils départementaux, qui ont jusqu’au 21 octobre pour se porter candidat à l’expérimentation, qui durera un an, le ministre du travail précise que « tout allocataire devra bénéficier chaque semaine de quinze à vingt heures d’accompagnement et d’activités de tout type (formation, immersion, démarche sociale accompagnée, ateliers collectifs, etc.) pour travailler à son projet, dans une logique d’engagements réciproques et de devoirs ».
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