Rodez pleure l'enfant du pays Pierre Soulages, décédé ce mercredi 26 octobre, à l'âge de 102 ans. Le Ruthénois a toujours été très fier de ses racines. Elles l’ont guidé dans son parcours d’artiste. De son enfance rue de Combarel à Sète où il vivait avec son épouse et muse Colette, retour sur le parcours exceptionnel du célèbre peintre ruthénois.
Pierre Soulages a quitté l’Aveyron de bonne heure. Sitôt les années lycée terminées. Mais cette terre qui l’a vu naître, ou vivaient ses parents, Aglaé et Amans, est restée ancrée en lui. Rares sont les entretiens qu’il a livrés tout au cours de sa vie dans lesquels ils n’évoquent pas Rodez ou l’Aveyron. Au-delà de la fierté de ses origines, Pierre Soulages a toujours estimé que ce qui comptait le plus chez les hommes, "ce sont les racines".

La jeunesse de Pierre Soulages sur les bancs de l'école.
La jeunesse de Pierre Soulages sur les bancs de l'école. Reproduction – Centre Presse Aveyron

À Rodez, dans les années 20, celui qui voue déjà un vif intérêt pour l’art, se passionne aussi pour la pêche, pour le rugby. Un sport qui aurait pu le détourner de sa destinée. Dans un entretien avec l’écrivain Charles Juliet, il raconte cette savoureuse anecdote, quand, un policier aveyronnais qui exerçait à Paris, le reconnaît au détour d’un boulevard. Et lui propose d’aller jouer au Stade Français. Ce policier, qui se nommait Trescazes, l’avait mis devant le choix de sa vie. "C’était une sacrée proposition. Mais j’ai réfléchi et j’ai refusé. Parce que si j’y allais, je savais trop que je mettrais le doigt dans un engrenage qui me tentait beaucoup."

Soulages aimé les Ruthénois et ses paysages.
Soulages aimé les Ruthénois et ses paysages. Reproduction – Centre Presse Aveyron

Dans un entretien avec un autre aveyronnais célèbre, le journaliste Claude Imbert, Pierre Soulages évoque à nouveau ses racines. "Personnellement, j’ai choisi mes racines déjà lorsque j’étais enfant dans ce pays […]. J’aime les grands espaces, j’aime les causses", lui glissait-il dans un reportage diffusé à la télé en 1978. Soit bien avant qu’il ne dessine les premières esquisses des vitraux de l’abbatiale Sainte-Foy de Conques, au milieu des années 1980.
Et Soulages est resté fier de ses racines. Les a cultivées aussi, comme en a témoigné son neveu Marc Cayla : "Il était de toutes les fêtes, de tous les mariages de ses neveux."
En octobre 2010, quand fut entre autres dévoilée une plaque commémorative sur sa maison natale de la rue Combarel, il déclina un par un tous ces artisans qui œuvraient dans la rue quand il était gamin. "Cette plaque commémorative est pour tous ceux qui ont vécu dans cette rue", avait-il lancé.
Dans un autre entretien, il eut cette phrase sans équivoque : "Lorsque je reviens à Rodez, je me sens appartenir aux habitants de ce pays, ces paysans apparemment rugueux, mais très raffinés. Simples et d’une grande finesse".
L’Aveyron, c’est aussi l’histoire d’une passion enflammée. Ainsi sa relation avec Conques. "La découverte de l’art roman fut un choc", dit-il. Incomprise parfois. Au regard méfiant, très critique aussi, posé sur son travail de la lumière pour les vitraux au milieu des années 1990 s’est substituée une sorte de grande admiration.
Idem lorsqu’il s’est agi pour la ville de Rodez de consacrer l’œuvre de Soulages. Que n’a-t-on pas lu ou entendu après l’annonce du maire d’alors, Marc Censi, de mettre Pierre Soulages sur un piédestal dans sa ville natale.
L’artiste, avec son épouse Colette, installé face à la mer depuis les hauteurs du mont Saint-Clair de Sète, n’en a jamais pris ombrage. En tout cas pas publiquement. Il n’a d’ailleurs jamais voulu être prophète en son pays. Si bien qu’avant d’accepter l’idée de voir un musée en son nom être érigé à Rodez, comme le lui a proposé Marc Censi, il a hésité. Puis accepté, à condition qu’un grand espace soit ouvert à des expositions temporaires.
Mais plus que tout, la réalisation de ce musée a offert au peintre aveyronnais la possibilité de revenir régulièrement "chez lui". Et si son aura internationale a grandi au gré des sommes folles auxquelles sont adjugées ses toiles, Pierre Soulages, qui a toujours fui les mondanités, est toujours resté d’un abord très simple. Nombre de Ruthénois peuvent en témoigner.

L’Aveyron au cœur
L’Aveyron au cœur Centre Presse Aveyron – José A. Torres

Les édiles, certes, à l’instar de Christian Teyssèdre qui a appris à le connaître, mais également tous ceux qui ont croisé son chemin quelque part au pied de la cathédrale. Au fil du temps, Michel Santos, l’ancien patron du Kiosque, pour ne citer que lui, avait ainsi noué une amitié sincère. Prêt à cuisiner à tout moment le plat préféré de son voisin du jardin public. Il se souvient de ce jour où, sur une nappe du restaurant, tel un fidèle de la maison, Pierre Soulages a dessiné la physionomie de ce qui allait être le nouveau jardin public…
Quand il a quitté la rue Combarel, à l’aube de ses 20 ans, Pierre Soulages n’imaginait évidemment pas que quatre-vingts ans plus tard, à quelques mètres de là, serait construit le musée Soulages. Abritant quelques-unes des œuvres parmi les plus prisées du monde. Sans doute faut-il y voir là toute la puissance de l’enracinement de l’artiste.
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