Rubriques et services du Figaro
Rubriques et services du Figaro
Nos journaux et magazines
Les sites du Groupe Figaro
Les sentinelles des Pyrénées
EN IMAGES – À l’ouest de Perpignan, du massif du Canigou aux plateaux de Cerdagne, ces Pyrénées-là déroulent une immense palette de paysages, de climats, d’édifices religieux ou défensifs et revendiquent avec fierté leur catalanité.
Cinquante kilomètres, à peine, séparent à vol d’oiseau le Canigou, montagne tutélaire des Catalans, et le Carlitte, le plus haut sommet des Pyrénées-Orientales. Mais chacun veille jalousement sur un territoire radicalement différent. En arrivant de Perpignan, le pic du Canigou jaillit sans préavis de la paisible plaine agricole du Roussillon, concentré de vignobles et de vergers méditerranéens, avant de se froisser anarchiquement en massifs moutonnant de chênes verts et de frênes. Après le déluge, Noé y aurait tiré son arche au sommet, désormais enfouie sous les glaciers, et le roi Pierre III d’Aragon, arrivé au point culminant, aurait vu jaillir un dragon volant d’un étang avant de l’occire… Cette machine à légendes sert surtout depuis l’Antiquité de repère aux marins, qui l’aperçoivent de très loin tant il est proche du rivage, et fait office de trait d’union entre terres catalanes des plaines et des hauteurs, françaises comme espagnoles.
À première vue, ses contreforts austères et ses vallées encaissées semblent hermétiques aux hommes. Ils en ont pourtant cultivé les moindres replats et exploité, depuis deux millénaires et jusqu’à la fin des années 50, des sols si riches en fer pur que le château de Versailles en a façonné ses grilles. Pour comprendre son impact économique et social sur toute la région, empruntons le sentier balisé de Taurinya, au-dessus du gîte d’étape El Passatge, tracé par des amoureux du patrimoine.
«Il a fallu sonder la mémoire des derniers mineurs vivants pour pouvoir extirper aux ronces les fours à griller, trémies et voies ferrées», raconte un bénévole. Egayé de campanules, le chemin embaume la fraise des bois et finit par serpenter dans un sous-bois humide de châtaigniers et de noyers où s’époumonent rouges-gorges et mésanges. Non loin, aux portes de Codalet, se dresse l’abbaye Saint-Michel-de-Cuxa et son église préromane, l’une des plus grandes du monde.
Faire fructifier les terres alentour
Elle a connu son lot de pillages et de transactions peu scrupuleuses en douze siècles. Et bien que la plupart de ses colonnes et de ses chapiteaux se soient envolés à New York en 1913, le cloître, vaste comme un terrain de foot, fin comme dentelle et aujourd’hui restauré, force l’admiration. De même que l’acharnement des trois pères bénédictins, plus souvent en bleu de travail ou en tablier de céramiste qu’en soutane, pour entretenir le site et faire fructifier les terres alentour… Comme le faisaient les moines au XIe siècle. «Entre la taille des vergers, la fructification de la vigne, les recherches d’émaux dans l’atelier de poterie, la surveillance du troupeau de brebis et la fabrication de fromage, c’est un boulot de chien», sourit le père Marco, tronçonneuse à la main.
Le massif du Canigou, labellisé en 2012 Grand Site de France, cache encore dans ses plis quelques autres monstres sacrés, dont le prieuré de Serrabone, fondé au XIe siècle, qui s’atteint après une litanie de lacets vertigineux. Une pensée émue pour les trajinaires – les sherpas catalans – qui ont hissé à dos d’homme les blocs de marbre rose à partir desquels a été sculptée l’une des deux seules tribunes intactes en France. De la plate-forme perchée, les voix du chœur de chant, invisible, semblaient émaner des hauteurs célestes. On doit l’ensemble de ce chef-d’œuvre au comte de Conflent, qui paya pour expier ses actes de vandalisme commis à Saint-Michel-de-Cuxa. Enfin, l’abbaye Saint-Martin-du-Canigou: après une demi-heure de vive grimpette pédestre au départ du bourg de Casteil, au détour d’un ultime lacet émerge la saisissante vision de l’abbaye, greffée à 1 100 mètres d’altitude sur un à-pic rocheux.
Qu’il est rude, le quotidien des moines y vivant entre le XIe et le XVIIIe siècle! Si inhumain que, juste avant la Révolution, les cinq derniers, épuisés, jettent l’éponge, demandent leur mutation et quittent les lieux en emportant plans et archives historiques… Actuellement, 15 membres de la communauté des Béatitudes – laïcs et religieux, hommes et femmes – assurent les visites, entretiennent le potager suspendu au-delà d’un cloître pimpant comme sou neuf et officient à tour de rôle dans la chapelle, qui résonne plusieurs fois par jour de chants célestes. Il suffit de signaler sa présence par une sonnette pour participer aux messes, assez brèves et plutôt allègres.
Plus laïque mais sacrément émouvante est la cité médiévale de Villefranche-de-Conflent, aux fortifications renforcées par Vauban en 1669. Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, elle retient les flâneurs dans l’ombre de ses ruelles bordées de rigoles d’eau fraîche, dans ses longues galeries taillées dans les remparts et sur ses placettes animées. Certains s’interrogent sur le sens des trois rainures striant le côté du porche de l’église Saint-Jacques: depuis le XIIe siècle, elles servaient à mesurer les draps de laine les jours de marché. Villefranche, verrou stratégique au confluent de trois rivières, est souvent passé aux mains espagnoles avant de devenir définitivement français en 1795, comme toute la région.
La route se fait velours
Pour une vue imprenable sur ces trois vallées, il faut grimper les 734 marches dites «coupe-souffle» taillées dans un souterrain jusqu’au fort Libéria, autre citadelle perchée – du pur Vauban aux proportions parfaites. Ce fort, restauré et animé avec passion par son bailleur Joël Méné, cache une prison où furent cloîtrées huit femmes soupçonnées de complicité avec «la Voisin» et la marquise de Brinvilliers – célèbres empoisonneuses à la cour du Roi-Soleil. L’une d’elles, Madeleine Gardet, y survécut 44 ans enchaînée dans l’obscurité et privée du droit de parole. Plus à l’ouest, dans la série Vauban, Mont-Louis, perché à 1 600 mètres d’altitude, a émergé du néant en seulement deux ans. Sa caserne abrite encore 2 500 militaires et le Centre national d’entraînement commando. Elle ne peut donc se visiter qu’accompagné, par une guide qui en connaît chaque recoin et regorge d’anecdotes vivantes. Par exemple, celles sur la drôle de chapelle amputée de son clocher «pour que rien ne dépasse des remparts» ou sur le puits des forçats, ainsi surnommé car deux hommes s’échinaient en permanence à actionner sa roue monumentale – restée par miracle entière – pour alimenter seau par seau les bassins voisins.
Nous voilà aux portes de la Cerdagne, pays de hautes plaines cernées de montagnes. La route entre Mont-Louis et le vieux village de Bolquère se fait velours, les reliefs s’adoucissent, le regard porte loin sur les prairies couvertes de genêts, sur les villages de pierres blondes aux églises démesurées et les forêts de pins à crochets. À Font-Romeu, bourgade fière d’afficher 900 mètres de dénivelé entre sa station de ski et son ravin,«le climat est si sain que les sportifs de très haut niveau viennent s’entraîner chez nous» , s’enthousiasme Christian Sarran, directeur de l’office de tourisme de la ville. Avant eux, maharadjahs, princes et grands industriels ne s’y trompent pas et s’y ruent en villégiature dès l’inauguration du Grand Hôtel en 1913 – un palace Art nouveau aujourd’hui découpé en appartements. Et c’est vrai que l’air vivifiant de Font-Romeu donne des ailes aux randonneurs.
La balade jusqu’au lac des Bouillouses est particulièrement belle. Au départ de La Calme, vaste plateau herbeux sillonné de ruisseaux à truites, il n’est pas rare de croiser des hordes de chevaux galopant en totale liberté, qui regagnent spontanément la vallée aux premiers froids. Ensuite, une succession de champs où broutent les vaches Rosée des Pyrénées, belle race locale dont le veau est très prisé, une flopée d’étangs et de petits lacs et toujours, en point de mire, le pic Carlitte culminant à 2 921 mètres. Laissons la conquête de ce sommet aux plus courageux et filons à Dorres, maillot dans le sac. Qu’il neige ou qu’il vente, les eaux sulfureuses de sa source sortent toujours à 40 °C et feraient miracle sur peaux et cheveux fatigués.
Quoi qu’il en soit, après un massage sur une esplanade discrète face à la chaîne du Puigmal et des heures de barbotage dans les bassins et les baignoires de granit, nous voilà prêts à affronter tous les himalayas! En quelques tours de roues, Llívia surgit, tapie au creux d’une impressionnante moquette de coquelicots. Cette enclave de 12 km², concédée – à regret – à l’Espagne en 1659 lors du Traité des Pyrénées, change de l’ambiance plutôt sereine des villages français voisins. Des façades aux enduits rose fraise ou jaune paille, des échoppes et restaurants à touche-touche dans les ruelles et sur la place centrale, désertées pendant la sacro-sainte sieste.
Pas de doute, même isolée depuis plus de 350 ans, Llívia joue la montre espagnole. Isolement relatif, soit: la frontière n’est qu’à 4 kilomètres. Il serait donc dommage de ne pas pousser jusqu’à Puigcerdà, gros bourg trépidant d’énergie jusqu’au bout de la nuit et pris d’assaut par les Cerdans le dimanche matin, jour de grand marché. Paniers chargés de charcutailles et de fromages ibériques, ils y grignotent des tapas sur les terrasses ensoleillées, s’encanaillent dans la pénombre des bodegas, s’offrent une virée en barque sur le lac dont les berges complantées de saules et de conifères retiennent dans leur ombre une surprenante armada de lecteurs plongés dans un silence recueilli.
Dépaysement total avant de s’offrir l’ultime plaisir, un road-movie dans la rame à ciel ouvert du Train jaune, affectueusement surnommé «Canari». «Imaginez le tour de force qu’a représenté la construction de cette plus haute voie ferrée de France au début du XXe siècle: sur 60 kilomètres, 650 ouvrages d’art, 20 tunnels, 22 gares flanquées de fours à pain pour vivre en autarcie…», raconte Jean-Luc Molinier, conducteur dudit train pendant 34 ans et actuel maire de Saint-Pierre-dels-Forcats, qui s’improvise guide avec un bonheur intact. Mais pas sur n’importe quel tronçon: «Le plus impressionnant se situe entre la gare de Mont-Louis et celle d’Olette.» Le petit train y affronte un relief cahotique de falaises, gorges et précipices, franchit les plus remarquables ouvrages du parcours tel le viaduc Séjourné, et dégringole un dénivelé de 400 mètres qui laisse les oreilles bouchées et le cœur battant la chamade.
Comité départemental du tourisme des Pyrénées-Orientales (04.68.51.52.53 ; www.tourisme- pyreneesorientales.com).
Hop! (0.825.30.22.22 ; www.hop.fr) assure plusieurs vols quotidiens depuis Paris vers Perpignan. A partir de 106 € l’aller-retour. La SNCF (36.35 ; www.voyages-sncf.com) propose de nombreuses liaisons quotidiennes entre Paris et Perpignan. A partir de 70 € l’aller-retour. Autres trajets directs au départ de Toulouse, Marseille, Montpellier…
À Molitg-les-Bains. Château de Riell! (04.68.05.04.40 ; www.chateauderiell.com). Dressée face au pic du Canigou, une folie du XIX e siècle baignée de lumière, au confort enveloppant, aux meubles et bibelots chinés et aux gaies tentures. Piscine chauffée. Restaurant exceptionnel. Label Relais & Châteaux.
À Font-Romeu. Mas Clara (06.08.05.85.92 ; www.lemasclara.com). Pour une nuit ou une semaine (en formule gîte), une adorable maison avec terrasse et 3 chambres, décorée par Inès, antiquaire. Bergères, tapis d’Orient et touches design – dont la lampe Pipistrello de Gae Aulenti. À partir de 85 €.
À Thuir. Le Mas du Domaine de Montcalm (06.76.08.02.56 ; www.lemasdudomainedemontcalm.com). Près de Perpignan, en plaine, entre mer et montagne, d’immenses bâtiments viticoles de briques et de pierres convertis par les propriétaires architectes en chambres d’hôtes et gîtes très contemporains. Piscine, billard… À partir de 80 €.
À Font-Romeu. L’Escudella, 5, rue des Maisonnettes (06.08.05.85.92). Un antre exquis, avec 4 tables aux nappes brodées et verres de cristal, jardin et cheminée. Ce soir-là, symphonie de tapas mer et terre, puis joues de porc confites, agneau de lait, tian de légumes, chaud-froid de pêche à la menthe… Ouvert le soir. Menu unique, 29 €.
À Bolquère. Restaurant Cal Valbour, place Pierre-Patau (04.68.30.09.75). Accueil charmant et très bonne cuisine locale – veau Rosée des Pyrénées, canard aux navets de Cerdagne, charcuterie paysanne… Menu à 14,30 €. À la carte, de 15 à 36 €.
À Molitg-les-Bains. Café Casals (04.68.05.00.50). Au sein du Grand Hôtel des thermes, une salle zen dans la verdure et une carte troussée par Michel Guérard en personne: du pâté de jambon au foie gras et févettes au feuilleté à l’abricot, tout est gourmand. Menu à 34 €.
Le musée de Cerdagne, à Sainte-Léocadie (04.68.04.08.05) : dans une splendide ferme du XVIIe siècle protégée par des espanta bruixes (effraie-sorcières), des tuiles renversées en terre cuite, une myriade d’objets traditionnels – dont une stupéfiante «baraque de berger» ambulante. Ouvert du 1er juillet au 28 septembre. La caserne militaire de Mont-Louis: visite guidée uniquement, via l’office de tourisme (04.68.04.21.97). L’abbaye Saint-Michel-de-Cuxa, à Codalet (04.68.96.15.35).
Le prieuré de Serrabone, à Boule-d’Amont (04.68.84.09.30). L’abbaye Saint-Martin-du-Canigou, à Casteil: visite guidée uniquement (04.68.05.50.03).
Une croisière ferroviaire vertigineuse à bord du fameux Train jaune (0.800.886.091 ; www.ter-sncf.com/languedoc). Un vol en mongolfière au-dessus de la Cerdagne,(au départ de Bourg-Madame. À partir de 169 €. France Montgolfières (03.80.97.38.61 ; www.franceballoons.com).
Un tour des bizarreries de Font-Romeu, entre un monumental four solaire, le premier golf d’altitude construit en Europe et la plus haute piste d’athlétisme du monde, pour voir s’entraîner des idoles sportives…
Des gourmandises. Maison Bonzom, Saillagouse (04.68.30.14.27). Conserves artisanales de viande (dont les fameux boles de picolat), d’escargots à la catalane, charcuteries et fromages fermiers. Un souvenir déco. Un étage entier est consacré aux Toiles du Soleil à la maison Quinta, 3, rue Grande-des-Fabriques, Perpignan (04.68.34.41.62). Nappes, coussins, toiles au mètre aux fraîches rayures tissées dans les Pyrénées.
La Légende de Pau Casals, d’Arthur Conte, Editions Balzac. Racontée en 1950, la vie du grand violoncelliste (l’idole des Catalans), en exil à Prades.
phlogiston
le
Il faut faire fructifier cette region inutile avec des parcs industriels d’eoliennes geantes sur toutes les cimes.
jacques torrents
le
La Catalogne Nord, est et restera a jamais la Catalogne, remise a la France par l’Espagne après être conquise par les armes en 1714. L’histoire ne se termine pas aujourd’hui.
Vignoble individu
le
Cette catalanité conduit parfois à des calamités!
A 1500 mètres le train jaune le plus haut du monde?
Que dire alors de la ligne ferroviaire Qing-Zang qui emprunte le col des Tangula Shankou à 5 068 mètres d’altitude, ce qui en fait la ligne la plus haute du monde? Ce titre était détenu précédemment par une ligne située dans les Andes près de Ticlio au Pérou, avec 4 830 m. Plus de 960 km (80 % de la longueur de la ligne) se trouvent à une altitude supérieure ou égale à 4 000 mètres. En Cerdagne, les corbeaux volent sur le dos pour ne pas voir la misère…
PRATIQUE – Parce qu’un petit coup de pouce technologique est toujours bon à prendre, notre choix d’outils pour partir serein et malin.
Chaque année, deux volailles sont graciées par le chef d’État américain. Un sauvetage qui ne leur permet pas pour autant une vie plus longue.
Les autorités multiplient les volte-face : l’obligation de prouver sa vaccination n’était pas rétablie ce lundi matin, alors que les touristes chinois font leur grand retour. Mais la situation pourrait encore évoluer.
À tout moment, vous pouvez modifier vos choix via le bouton “paramétrer les cookies” en bas de page.
Dossier spécial montagne en été
Partager via :
5 commentaires
5
Le Figaro
Les articles en illimité à partir de 0,99€ sans engagement