Un immeuble d'Evergrande, ex-numéro de l'immobilier à Shanghai le 22 septembre 2021.
afp.com/Hector RETAMAL
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Une forme de contestation, et le symptôme d’une crise profonde. En Chine, de plus en plus de petits propriétaires refusent de rembourser leurs crédits immobiliers pour protester contre des promoteurs accusés de multiplier les interruptions dans les chantiers en cours, en raison de leur endettement. Le 22 juillet, plus de 320 projets étaient concernés, dans 90 villes du pays, selon Bloomberg. Alors que la croissance chinoise patine, ce mouvement social susceptible d’accentuer les problèmes de trésorerie d’un secteur immobilier surendetté inquiète le régime et les analystes internationaux. Car un délitement de l’économie chinoise pourrait affecter la santé financière d’autres pays. 
Pékin surveille de près cette grève des versements. “Les autorités ne veulent pas que les protestations s’étendent davantage, voire qu’elles touchent les propriétaires mécontents de la baisse de la valeur de leurs biens”, écrit l’agence Bloomberg, dans un éditorial publié le 28 juillet. En Chine, il est coutume de payer avant la construction de son bien. “Plus de 70 % des maisons chinoises sont vendues avant que la construction ne soit terminée ; les propriétaires ayant contracté un emprunt hypothécaire commencent à payer bien avant de recevoir les clés”, poursuit le média spécialisé dans l’information financière. Le pays compterait ainsi 225 millions de mètres carrés de logements à terminer. 
Pour l’instant, ces boycotts sont de faible ampleur. “Mais ils pourraient se propager”, alerte l’économiste spécialiste de la Chine Julian Evans-Pritchard, dans une note pour le cabinet d’analyse Capital Economics publiée le 15 juillet dernier. “Et même si ce n’est pas le cas, ils pourraient modifier le comportement des banques et des acheteurs et menacer la reprise naissante des ventes de logements”, explique-t-il. Le secteur, qui représente un quart du PIB chinois, traverse une période particulièrement périlleuse. Depuis la réforme du logement entreprise en 1998, les banques ont massivement prêté aux promoteurs immobiliers. Le marché a explosé, mais est désormais miné par la dette. Effrayé par le surendettement des promoteurs, Pékin a progressivement durci les conditions d’accès au crédit, depuis 2020, tarissant un peu plus les sources de financement des groupes. 
Résultat : les promoteurs ne parviennent plus à tenir leurs engagements sur les projets en cours et subissent une vague de défauts de paiement, à l’instar d’Evergrande, ex-numéro 1, endetté à plus de 300 milliards de dollars. Face à cette situation, le Premier ministre Li Keqiang a appelé, le 22 juillet, à “favoriser le développement d’un marché immobilier sain et solide”. Il a évoqué la création d’un fonds public pour sauver les chantiers des promoteurs en difficulté et éviter que les défauts de paiement ne contaminent le secteur bancaire. 
Autre inquiétude pour le régime : le risque de voir le mécontentement monter alors que le système repose sur la promesse de prospérité. “Étant donné qu’une part aussi importante de la richesse des ménages chinois réside dans l’immobilier, toute correction brutale des prix de l’immobilier pourrait déclencher une instabilité sociale”, affirme au Time Tianlei Huang, chargé de recherche pour le think tank Peterson Institute for International Economics (PIIE). Symbole de l’importance de cette crise, Evergrande, l’ex-numéro un de l’immobilier en Chine, tente ces derniers mois de vendre des actifs et de réduire ses participations dans d’autres entreprises. L’entreprise s’est même séparée de son siège, estimé à deux milliards de dollars. Quant à la femme la plus riche d’Asie, Yang Huiyan, elle a notamment vu sa fortune fondre de moitié en raison de la crise de l’immobilier. 
Plus largement, c’est toute l’économie chinoise qui patine. “En Chine, des reconfinements et l’aggravation de la crise de l’immobilier ont ramené la croissance à 3,3 % cette année, soit le taux le plus faible en plus de quarante ans si l’on exclut la pandémie”, rappelle l’économiste Pierre-Olivier Gourinchas, dans un billet pour le Fonds monétaire international, datant du 26 juillet.  
Compte tenu de l’interconnexion du pays avec le reste du monde, toute contagion de la crise immobilière au système financier chinois aura des répercussions à l’international, estiment les analystes.”Si les défauts de paiement se multiplient, il pourrait y avoir de grandes et graves conséquences économiques et sociales”, prévient l’agence de notation Fitch Ratings. En mai, déjà, la banque centrale américaine (Fed) estimait qu’une aggravation de la crise immobilière en Chine pourrait avoir des conséquences sur le système financier du pays. Dans un tel scénario, la crise se répercuterait sur le commerce mondial, soulignait la Fed. 
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