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Top départ pour le Tour de France. Sur les 3328 kilomètres que compte l’édition 2022, du 1er au 24 juillet, les coureurs passeront par Dunkerque, Longwy, Dole, Châtel, Briançon, Rodez, Carcassonne, Cahors. Pour certaines villes, ce sera la première fois que les cyclistes fouleront leurs routes. Pour d’autres, c’est une habitude devenue presque une formalité. Mais dans les coulisses, bien avant que les champions n’arrivent, c’est déjà une course de fond.
De la grande métropole à la petite commune rurale, on se bouscule pour accueillir le Tour de France. Pas seulement pour le prestige de la plus emblématique des courses cyclistes, mais aussi pour attraper toutes les retombées économiques dans son sillage. Ce ne sont pas seulement les coureurs, ce sont aussi leurs équipes, les journalistes, les organisateurs, des milliers de personnes à nourrir et à loger sur place. Sans compter les spectateurs au bord de la route, bien plus nombreux.
Quatre ans plus tôt, la Vendée accueillait le grand départ. Bilan pour les deux étapes du 7 et 8 juillet 2018: 38 millions d’euros de retombées économiques immédiates pour le territoire et 1,5 million de spectateurs sur les routes, selon une étude du cabinet Protourisme réalisée à la demande du département, qui a compté 900.000 journées touristiques et 562.000 nuitées. Une manne loin d’être négligeable car la pleine saison touristique n’est pas encore lancée à ce moment-là dans les stations balnéaires du littoral.
Même son de cloche dans la Loire: le Tour de France passera à nouveau par Saint-Etienne cette année, et ses hôtels devraient faire le plein. “On devrait atteindre 95 à 100% de taux de remplissage dans les hôtels de la métropole, contre 55% habituellement à cette période de l’année”, avance Robert Karulak, vice-président de Saint-Etienne Métropole et président de l’office de tourisme stéphanois. Selon les études réalisées lors des précédents passages du Tour, chaque spectateur extérieur à l’agglomération rapporte 78 euros en moyenne.
Au vu des chiffres, les demandes des collectivités sont nombreuses, mais il faut faire preuve de patience. Après avoir officiellement déclaré sa candidature auprès du directeur du Tour de France, l’ex-journaliste sportif Christian Prudhomme, on passe plusieurs années en salle d’attente. “Être candidat ne garantit rien”, affirme Cyrille Tricart, responsable des relations extérieures d’Amaury Sport Organisation (ASO), organisateur de la course et filiale du groupe de presse Amaury (L’Équipe, entre autres).
Le dossier de candidature doit être rodé. Avec un critère qui surpasse tous les autres: le sport. Rien ne doit entraver la bonne marche de la course. Une étape compte 180 kilomètres en moyenne et ne peut dépasser 240 kilomètres, le parcours ne peut pas dépasser 3500 kilomètres, il faut passer obligatoirement par les cols des Alpes et des Pyrénées et ne pas oublier les deux journées de repos réparties sur le circuit, avoir une capacité hôtelière suffisante… Le moindre détour peut être un accroc sur le parcours.
“La candidature doit s’inscrire dans le temps et ne pas être restrictive pour avoir le plus de chance possible d’être choisie. Toutes les villes rêvent d’un contre-la-montre, mais toutes ne peuvent pas l’avoir”, explique Cyrille Tricart.
La géographie est déterminante. Pour le sport, et pour le spectacle, il faut des cols et des montées – il faut aussi varier le parcours chaque année pour éviter que des stratégies d’équipe se mettent en place. Une épine dans le pied pour certains territoires: dans l’Hexagone, tous les grands massifs montagneux sont au sud d’une diagonale entre l’Alsace et le Pays basque. L’année passée, la Bretagne avait ravi le grand départ en cherchant des ascensions à 6%, 7% voire 8% autour de Mûr-de-Bretagne.
La Charente-Maritime, pas vraiment escarpée, a misé sur le vent. “On n’a pas de montagnes, mais on a des ponts et du vent. Il souffle fort sur le littoral charentais, ça apporte un peu de piment dans la course!”, se targue Stéphane Villain, le maire de Châtelaillon-Plage, ville départ de la 11ème étape en 2020. Persuadé du potentiel de sa région, il a travaillé sans relâche sur sa candidature avec Dominique Bussereau, alors président du conseil départemental.
Une fois candidate, les organisateurs visitent à plusieurs reprises la ville. Les routes, les ronds-points, les ponts sont scrutés de près, car il ne faut pas que les aménagements nécessaires soient trop nombreux. Pour les représentants des collectivités, ce sont des heures en voiture dans les environs pour tenter d’emporter la mise – avoir déjà accueilli une compétition cycliste est souvent un argument efficace. Cinq ans auront été nécessaires pour la Charente-Maritime entre la première rencontre avec ASO et la sélection.
“On s’est rendu à plusieurs reprises sur des étapes du Tour et on a travaillé le sujet. Ça s’est finalement joué sur un coin de table dans un restaurant parisien, avec Christian Prudhomme et son équipe”, se rappelle Stéphane Villain.
Car il y a un ticket d’entrée. Au tarif catalogue standard, il faut verser 80.000 euros à ASO pour le départ d’une étape et 120.000 euros pour une arrivée, quelle que soit la taille de la ville. Le montant est bien plus élevé pour un grand départ (c’est-à-dire les premières étapes). “Ces sommes correspondent peu ou prou à ce qui est payé localement pour l’hébergement des équipes et des organisateurs”, justifie Cyrille Tricart. S’ajoutent aussi à la facture les aménagements provisoires sur les routes et d’autres frais annexes.
Dans le Tarn, Albi a déboursé exactement 501.899 euros pour les trois jours de passage du Tour de France en 2019. Dans le détail, la ville a versé 300.000 euros à ASO (Albi a été ville d’arrivée, ville départ et a assuré une journée de repos entre les deux) et dépensé 201.899 euros pour la logistique et les animations gratuites. Mais, rapporté à la consommation des spectateurs (1,548 million d’euros), un euro investi par la ville représente 3,08 euros de retombées économiques, selon une étude commandée par la municipalité,
De toute manière, conviennent les villes hôtes, l’addition vaut bien le coup au regard des conséquences pour le territoire. Dans l’Ain, le maire de Trévoux espère bien accueillir une étape. “Cela nous trotte dans la tête depuis quelque temps. Le coût est important, mais on ne fera pas de folies financières non plus”, estime Marc Péchoux. Un peu à l’écart des circuits touristiques entre Lyon et Villefranche-sur-Saône, la commune de 6700 habitants et ses voisines veulent conquérir de nouveaux visiteurs.
Château-fort, bords de Loire, maison du curé d’Ars… La communauté de communes Dombes Saône Vallée est convaincue que le patrimoine local peut peser dans la balance. Accueillir le Tour de France n’est pas qu’un calcul financier, c’est aussi une vitrine formidable: l’après-midi, on compte 4 millions de téléspectateurs et 40% de part d’audience en moyenne pour France 2, sans compter les diffusions à l’étranger. Les organisateurs, eux, ont aussi besoin de belles images. Un contrat gagnant-gagnant pour les deux parties.
Le producteur de l’émission montre ce qu’il veut à l’image, mais il est appuyé par les communes qui poussent leurs armes touristiques. “Nos services avaient préparé des fiches sur les monuments et les sites naturels pour Franck Ferrand”, le commentateur historien de l’émission, note Stéphane Villain, qui assure avoir vu flamber le trafic du site web municipal. Pour motiver les caméras à filmer le pont de l’île de Ré, des ostréiculteurs avaient préparé des animations avec des jets d’eau. Fort Boyard, aussi, est passé à la télévision.
“Lorsque le Tour passe par l’Ardèche, les caméras s’attardent systématiquement sur la grotte Chauvet”, assure son directeur, Alban de Goulaine. Les bâtiments qui abritent la réplique de la grotte préhistorique, inaugurés en 2015, sont “plantés en haut d’une montagne, au milieu d’une mer de chênes verts”, à portée de vue des drones.
L’occasion, aussi, de se rappeler aux bons souvenirs des coureurs amateurs et des passionnés de tourisme à deux roues (voir encadré). Avant et après l’étape, les villes multiplient les communications sur les pistes cyclables et les véloroutes qui les traversent, notamment dans l’Ouest, déjà terre de vélo. Même en-dehors de l’Hexagone, les villes rêvent du Tour de France: pour l’édition 2022, rendez-vous au Danemark. La course s’est élancée le 1er juillet de Copenhague, la capitale danoise, avant de rejoindre le nord de la France.
Avec le Tour de France, Lourdes espère un miracle

Au pied des Pyrénées, la dix-huitième étape part de Lourdes le 21 juillet. La cité mariale, rudement éprouvée par la crise sanitaire, veut croire en la bonne étoile du vélo. “La ville a été écrasée par la pandémie: il n’y avait plus aucun pèlerin et nous n’avions pas de plan B. C’était le moment de passer à autre chose”, se rappelle son maire, Thierry Lavit, élu lors des élections municipales de juin 2020. Pas question d’abandonner la grotte de Massabielle et ses pèlerins, mais il ne faut plus qu’ils soient les seuls à se rendre à Lourdes.

Pour rebâtir son modèle économique, et ne plus dépendre uniquement du tourisme religieux, la ville mise sur le développement du cyclisme. Avec les cols pyrénéens non loin et ses 12.000 chambres d’hôtels – soit la deuxième capacité hôtelière de France – elle ne manque pas d’arguments, encore faut-il que les touristes soient au courant. C’est là que le Tour de France entre en jeu: quoi de meilleure vitrine que la reine des courses? D’autant que Lourdes, qui a accueilli quatre fois le Tour depuis 1990, est prête à le refaire.

“J’ai rencontré Christian Prudhomme en juillet 2021, lors d’une étape dans les Pyrénées. Je lui ai parlé de l’état de la ville et je lui ai expliqué qu’on avait besoin du Tour pour faire revenir les visiteurs”, se souvient l’élu lourdais, mais “il m’a répondu que ce serait difficile parce qu’il avait énormément de demandes”. Il le rappelle quelques jours plus tard, avec une bonne nouvelle: Lourdes sera ville départ en 2022. La ville a même obtenu l’un des trois “fan parks” du parcours. “Un coup de projecteur considérable”, se réjouit Thierry Lavit.
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