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Taille de la photo, présence d’une figure locale ou nationale, position du logo, choix des couleurs. Cette experte en communication politique décrypte la communication non verbale des candidats.
“Une affiche doit être synthétique et envoyer un message clair. Attention à l’excès de texte. Car trop d’informations tue l’information. Mais au-delà du texte il y a toute la communication non verbale”, résume Valentina Tirloni, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Nice Sophia Antipolis.
L’enseignante-chercheuse a accepté, pour Nice-Matin, de décrypter les messages cachés des affiches de quelques candidats au second tour des élections législatives dans les Alpes-Maritimes. En observant trois signes non verbaux: l’image, le logo, la couleur et la relation entre eux.
“Etant de nationalité italienne et ne votant pas en France, je me sens très libre de partager ces analyses”, précise-t-elle.
“Aujourd’hui on ne vote plus pour des idées mais pour une personne. Le phénomène d’identification est important. La première question que va se poser l’électeur en regardant la photo c’est: “est-ce que cette personne me représente?” Et, de façon inconsciente, “est-ce que cette personne me plaît?” Car aujourd’hui on n’est plus dans le rationnel mais dans l’émotionnel”, explique Valentina Tirloni.
On oublie donc l’affiche du parti animaliste, présent au premier tour, représentant un canard. “On ne vote pas pour un canard.”
Attention à soigner l’arrière-plan. “Un fond de feuillage vert remplit et apaise. Dans l’arrière-pays, la photo du village ancre le candidat dans son territoire. Un fond neutre c’est opter pour le conformisme.”
Le logo est une réunion de signes graphiques, une marque. Sa présence ou non, sa position, sa taille fait passer un message. Est-on fier de représenter ce parti, essaie-t-on au contraire de s’en détacher?
La couleur influence de façon directe l’émotion. En politique il y a un code, rouge à gauche, bleu à droite, vert pour les écologistes. Mais attention à la confusion, au mélange des genres et au conformisme.
“Sa photo prend toute la place, toute l’affiche, ce qui signifie je m’étale, je suis là. Or on sait qu’Eric Ciotti a besoin de s’affirmer par rapport à Christian Estrosi, note l’experte. J’aurais enlevé la main dans la poche”.
L’arrière-plan, une végétation luxuriante, est lumineux, apaisant.
Le logo LR en tout petit en bas de l’affiche est peu surprenant dans le contexte de crise que traverse le parti après la défaite de Valérie Pécresse à l’élection présidentielle. “Il s’affirme, seul contre tous, comme pour dire: je veux survivre à la débâcle des Républicains. C’est une attitude résiliente.”.
Sur la photo, le candidat est très grand, le maire de taille moyenne et la suppléante toute petite, faisant penser aux Dalton et apportant un effet comique à l’affiche, ce qui n’est probablement pas le but recherché.
“Pourquoi ne pas les avoir pris en photo assis?”, s’interroge Valentina Tirloni, qui relève: “Il y a quelque chose d’humiliant pour la suppléante” qui peut entraîner un effet négatif sur un récepteur (la personne qui regarde l’affiche) féminin.
Autre erreur selon l’experte en communication politique, Graig Monetti ne porte pas de cravate. Faute de goût également pour Anne Ramos avec une veste marine portée sur un T-shirt rose à logo.
Le sourire est crispé. Le candidat se détache sur un paysage désertique, ce qui renvoie une image assez désolante et évoque l’isolement.
“Ensemble! n’est pas vraiment un logo. Il n’y a pas de message graphique. Le mouvement est pourtant une coalition et regroupe un ensemble de partis qu’on s’attendait à voir figurer.”
La mention “majorité présidentielle” fonctionne comme un message subliminal comme si le mouvement avait déjà gagné. Il n’y a pas (encore?) de majorité présidentielle puisque le second tour n’a pas eu lieu.
“Sur la photo, la présence de Christian Estrosi, en sa qualité de mentor, debout au milieu du duo que forment le candidat est sa suppléante brouille le message: pour qui vote-t-on? Elle suggère que Philippe Pradal seul ne peut pas arriver à gagner”, relève Valentina Tirloni.
“Le trio marche, ce qui est dynamique. Le cadrage en entier est toujours plus flatteur. En revanche pourquoi avoir couper les pieds? Je ne peux que m’interroger: ont-ils les pieds sur terre?”
“La taille de la photo du candidat et de sa suppléante est équilibrée et celle, plus petite, en médaillon, en bas à droite de Jean-Luc Mélenchon, rappelle bien pour qui on vote. En revanche le choix des couleurs pose question. C’est comme lorsqu’on s’habille, choisir plus de trois couleurs est hasardeux. On retrouve le rouge, couleur de la gauche, le vert des écologistes mais pourquoi ce bandeau bleu, couleur de la droite? Le mot “ nouvelle” en violet, couleur de la pénitence, du liturgique, passe mal en politique. Les mots “union populaire” sont en bleu et évoque une fois encore la droite ou le conformisme. On est dans l’ambiguïté. Un choix peut-être volontaire pour mieux convaincre les électeurs sur une terre traditionnellement de droite.”
Compilation de logos: on ne sait pas quelle est l’identité du candidat.
Toutes les affiches du Rassemblement national sont conçues sur le même modèle, seule la photo du candidat change. Marine Le Pen apparaît à côté du candidat, là où on s’attend à voir le suppléant, ce qui entraîne de la confusion. Phénomène renforcé par la présence, en bas à gauche, de la photo de Jordan Bardella. Ce qui interroge. Marine Le Pen est-elle en train d’organiser sa transition?
La profession ou la fonction est mentionnée: c’est du concret!
Le logo apparait en gros et en couleur: on assume.
Sur la photo, le candidat est encadré par Emmanuel Macron et Edouard Philippe. Le candidat revendique son appartenance. “ Mais on dirait une affiche de cinéma, c’est plutôt risible”, note Valentina Tirloni.
Son appartenance va jusque dans le choix de la couleur de sa veste: un bleu qui tend vers le marine. C’est celle du nouveau bleu du drapeau français, changé en 2020 par Emmanuel Macron.
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