Étrangement, la résidence secondaire de l’ex-hockeyeur Mario Lemieux, dans les Laurentides, « est sur le marché » depuis maintenant quatre ans. Malgré les années, aucun acheteur n’a encore consenti à allonger les 22 M$ demandés pour s’en porter acquéreur.
Mais contrairement à la croyance populaire, le manque d’acheteurs suffisamment riches pour s’offrir un tel « pied-à-terre » à flanc de montagne de Mont-Tremblant, n’est pas du tout en cause, assure le courtier immobilier Michel Naud, à qui le président des Penguins de Pittsburgh continue – malgré tout – de faire confiance.

« Des maisons pour millionnaires, nous en vendons constamment dans la région. Il existe beaucoup plus de familles en moyens que l’on croit généralement. Par exemple, je suis en contact présentement avec deux milliardaires. L’un est Canadien, et l’autre est Américain. Je ne dirais pas que c’est commun, mais ce sont des choses possibles. Il suffit simplement de trouver le bon. »
Le club des 1 %
Ces acheteurs potentiels, souvent membres du très sélect club des 1 % les plus riches de la planète, ne débarquent pas nécessairement de très loin. 
Le Québec, il est vrai, attire peu de très grandes fortunes, des Émirats arabes unis par exemple, comme le font entre autres la Suisse ou la France.
En revanche, explique-t-il, Tremblant attire beaucoup de riches familles de New York. De régions plus au sud aussi, comme la Floride et le Mexique, dit le courtier associé à l’agence immobilière Engel & Völkers.
« C’est aussi vrai pour les Monégasques et les Londoniens. Les Anglais utilisent la liaison directe entre Londres et Montréal. Ils me disent que ce n’est pas beaucoup plus long pour eux de venir à Tremblant que de se rendre dans les Alpes. » 
Voilà le type de visiteurs qui, au détour d’une escapade de ski, pourrait se laisser tenter par l’achat d’une résidence secondaire de luxe comme celle dont l’ex-hockeyeur cherche à se départir. 
Baptisée le château Fleur de Lys, la résidence de 17 000 pi2, avec vue sur le lac Tremblant, compte 8 chambres à coucher, 9 salles de bain, 4 salles d’eau, 17 foyers, un ascenseur et 4 garages, entre autres. Elle est offerte, entièrement meublée, pour 21 999 906 $. Ses taxes municipales et foncières dépassent les 72 000 $ par année. 

L’investisseur venu d’ailleurs
Toutefois, ce serait un mythe de croire qu’il faille nécessairement courtiser des étrangers pour vendre de telles maisons. 
« Il y a beaucoup d’argent au Québec. Beaucoup peuvent s’offrir des propriétés de 5, 6, 7 M$ au Québec. Et beaucoup plus encore, sans problème », soutient M. Naud.
Par exemple, en 2021, selon les données recueillies par Le Journal, la transaction la plus élevée à Mont-Tremblant a été conclue pour 11,8 M$. La propriété de Harley Gregory Chamandy, l’un des cofondateurs de Gildan, a été vendue à François Carignan, président de Purkinje. Cette société québécoise œuvre dans le développement et l’intégration de solutions logicielles pour le secteur de la santé.
C’est aussi l’avis de Marie-Yvonne Paint, courtière immobilière de renom dans le marché des résidences de luxe de Westmount et du quartier Golden Square Mile, de l’arrondissement Ville-Marie, à Montréal. Depuis le début de 2022, elle compte déjà sept ventes de plus de 4 M$ à son actif.
« Bien sûr que j’ai des clients qui viennent d’ailleurs. Mais dans l’ensemble, je vous dirais très franchement que 80 % des transactions que je conclus le sont avec des Québécois, des membres – comme on dit – du Québec inc. »
C’est aussi à peu près, ajoute-t-elle, la proportion que l’on retrouve dans les résidences privées de l’hôtel Ritz-Carlton, une adresse prisée des plus riches de la métropole.
« Sur 45 résidents, j’estime qu’environ 10 % seulement sont de nationalité étrangère. Ce n’est pas énorme. »
Les nouveaux riches de la techno
Cette dernière constate que la clientèle fortunée que l’on retrouve actuellement sur le marché du luxe montréalais est de plus en plus composée de jeunes professionnels issus du secteur des technologies.
Les domaines toujours en émergence de l’animation 3D, des fintechs et proptechs, du commerce électronique et de l’intelligence artificielle, attireraient ou créeraient des fortunes qu’on ne voyait pas, ou plus rarement, il y a une décennie. 

Nos recherches, effectuées dans les registres de ventes des deux dernières années, tendent à lui donner raison. Les deux plus importantes transactions enregistrées au Québec l’an dernier, toutes de plus de 18 M$, ont été réalisées par des entrepreneurs technos. 
C’est le cas de Hui Hung, partenaire de Denis Martineau, fondateur d’Aptilon Health Reach Net, et Pinar Cetin, épouse de Rami Atallah, cofondateur du détaillant de luxe en ligne Ssense.
Deux résidences secondaires ?
Il en va de même des principales régions de villégiature avoisinant la région de Montréal. Ces deux dernières années, elles furent prises d’assaut par des hordes de citadins aux poches profondes, déterminés à se rapprocher de la nature. 

À preuve, il s’est vendu deux fois plus de résidences (8 au total) de plus de 4 M$ à Mont-Tremblant en 2020 et 2021 qu’au cours des trois années précédentes. 
Le même phénomène été observé à Magog et Austin, dans les Cantons-de-l’Est. Il s’y est vendu 12 résidences de plus de 4 M$ en deux ans, comparativement à seulement quatre au cours des trois années précédentes (2017 à 2019).
Alors pourquoi, dans ces circonstances, un château à Tremblant ne parvient-il pas à trouver preneur en quatre ans ?
« J’ai été extrêmement près de conclure à au moins deux reprises, affirme Michel Naud. C’est circonstanciel, le prix n’a jamais été un enjeu. Mais la COVID, poursuit-il, n’a pas aidé. »
Loin de se décourager, ce dernier n’exclut pas la possibilité que les Cantons-de-l’Est, pourtant souvent présentés comme un rival des Laurentides, cachent le prochain propriétaire du château Fleur de Lys. Car, confie-t-il, plutôt que de choisir, les plus riches du Québec ont tendance à devenir propriétaire de résidences secondaires dans les deux régions à la fois. 
« Ce n’est pas toujours l’un ou l’autre, explique-t-il. Ils passent la saison chaude dans leur résidence d’été du lac Memphrémagog. Et ils viennent passer l’hiver à Mont-Tremblant. Ces derniers peuvent très bien, et plusieurs le font, partager leur temps libre, et leur patrimoine, entre les deux régions ».
Avec la collaboration de Philippe Langlois
 
Le discours voulant que les prix de l’immobilier résidentiel à Montréal demeurent inférieurs à ceux que l’on retrouve dans des villes comme Toronto et Vancouver commencent à avoir bien fait leur temps, en particulier dans le créneau des résidences de luxe.
Martin Jolicoeur et Jean-Michel Genois Gagnon, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec

C’est en tout cas l’avis de Marie-Yvonne Paint, que d’aucuns considèrent comme la « reine de l’immobilier de prestige » dans la métropole. Depuis trente ans, cette dernière se consacre quasi exclusivement aux besoins immobiliers des plus nantis. 
« Cette idée que l’on nous sert ad nauseam selon laquelle l’immobilier montréalais constitue une aubaine par rapport à Toronto n’est plus d’actualité, dit-elle. Montréal a rattrapé le retard de prix qu’elle pouvait avoir sur ses vis-à-vis. Cela ne fait aucun doute pour moi. »

Toronto laissée derrière

De ses bureaux de l’avenue Greene, à Westmount, où ses pancartes font presque partie du paysage, la courtière de Royal Lepage Héritage rappelle que comme dans le reste du marché, l’immobilier de prestige a connu des hausses inégalées ces dernières années. 
En 2021 seulement, le prix médian d’une maison haut de gamme a crû en moyenne de 16,9 % à Montréal, de 22,1 % dans les Laurentides, et de 27,6 % en Outaouais. À Québec, on parle de 8,1 %.
« Présentement, fait-elle remarquer, des propriétés du centre-ville s’affichent à des prix supérieurs à 2000 $ le pi2. Or, lorsqu’on atteint des prix de 2300 $ le pi2 comme on en voit actuellement, ce n’est pas Toronto que l’on a rejoint, mais bien Paris ! Il faudra un jour le réaliser. »
Des « prix soufflés »
Cette dernière ne conteste pas la situation. Elle la constate seulement, non sans une dose d’étonnement tout de même. 
« Je suis d’avis qu’une partie de l’inventaire à vendre affiche des “prix soufflés”. Les gens se comparent et tiennent à afficher un prix supérieur à celui de leur voisin. Souvent, ces gonflements de prix ne sont pas justifiés à mon avis, ce qui entraîne un déséquilibre sur les marchés. »

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