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Sa vie tient désormais dans un sac à dos et ne pèse pas bien lourd, si l’on excepte l’imposant dossier qu’il transporte comme un fardeau éreintant ses épaules. David Osemeha extirpe péniblement cet amas de documents, qu’il étale d’un geste las sur la table.
Ici, un certificat de décès. Celui de sa mère. Là, une convocation à un rendez-vous le 30 novembre 2021 à Paris. Et puis, il y a cette feuille manuscrite. Celle sur laquelle il a couché, en anglais, son incroyable histoire. « J’ai réuni tous les documents que je pouvais pour raconter mon parcours », souffle-t-il alors. « Mais certains épisodes, ils ne s’écrivent pas ». On le comprend aisément lorsqu’il évoque les causes qui, selon lui, l’ont poussé à quitter Agbor, au Sud du Nigeria. Là où se trouvait, jusqu’en 2016, toute sa vie.
Seulement, le 2 juillet de cette année, John, son père, décède dans d’opaques circonstances. Le début du cauchemar. « Le 4 juillet, cinq personnes sont venues me dire qu’étant son seul fils, mon père leur avait demandé de m’initier pour que je le remplace en tant que leader de l’Ogboni Confratarnity (*). Il dirigeait une cinquantaine de personnes, une sorte de gang qui proposait notamment des kidnappings ou des assassinats contre de l’argent. J’ai refusé cette initiation, ce destin. Et ce jour-là, j’ai cru mourir ».
Les cinq potentiels disciples de David deviennent en effet ses bourreaux, le laissant pour mort après lui avoir brisé plusieurs dents, donné des coups de crosse de revolver dans la tête et planté un couteau dans le flanc. « Ils voulaient me forcer à prendre la relève, alors ma maman m’a dit de fuir ». Ce qu’il fait aussitôt en allant se réfugier chez sa tante à Abuja, la capitale, puis en rejoignant la Libye le 26 août.
David, les yeux humides, indique alors du bout du doigt, sur la table tapissée de documents, le certificat de décès de sa mère. Il est daté du 20 octobre 2016. « Ils sont venus lui demander où je me cachais. Elle n’a rien voulu dire. Ils l’ont tuée en lui tirant dessus ».
Ravagé par le chagrin, David décide alors de fuir loin. Très loin. Suffisamment pour qu’il erre, en ce mois de novembre, dans le pays de Montbéliard après avoir risqué sa vie dans un bateau de fortune jusqu’en Sicile, rejoint Milan puis Vintimille, et vendu l’un de ses deux téléphones pour 80 €, la somme demandée par un passeur pour le faire entrer en France via les Alpes.
« Ensuite, j’ai passé pas mal de temps à Besançon, où l’association SolMiRé (N.D.L.R. : SOLidarité Migrants Réfugiés) a pu me fournir une tente », poursuit-il. « Et en juillet dernier, je suis arrivé sur Montbéliard. Je n’ai pas un euro. Tous les jours, je contacte le 115 qui me dit qu’il n’a pas de place pour moi (N.D.L.R. : il appelle sous nos yeux et reçoit une réponse identique), alors je dors chez des gens que je rencontre, notamment un étudiant dernièrement. Je demande un peu de monnaie dans la rue, je vais manger grâce à des associations. Et j’attends de défendre ma demande d’asile à Paris le 30 novembre, même si je ne sais pas vraiment comment je vais pouvoir y aller sans argent. Je voudrais qu’on m’aide… mais je ne sais plus à qui demander ».
Son regard s’embue à nouveau, subitement, lorsqu’il tombe machinalement sur l’un des documents étalant devant lui les bribes de son histoire. Un certificat de naissance. « C’est mon fils, qui a bientôt un an et demi », sourit-il tristement. « Je suis tombé amoureux d’une femme à Besançon, mais elle en a marre de me voir à la rue comme ça, on est fâchés. Malgré tout, je vais leur rendre visite dès que je peux. Tenez, regardez, c’est lui ». Sur la photo, un magnifique bambin au sourire éclatant. Son prénom : Destiny.
(*) L’une des plus importantes sociétés secrètes traditionnelles du Nigeria, mêlant un ensemble de pratiques (rituels, chants, prières, adorations) généralement sur fond de vaudou, certaines sociétés étant par ailleurs liées au crime organisé (source : rapport, publié en 2015, de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides).

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