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Renouant avec un mouvement du XIXème siècle inspiré par les sciences naturelles, artistes et designers plongent dans les profondeurs sous-marines pour concevoir des œuvres saisissantes à la beauté étrange.
Méduses aux ombrelles translucides, coraux gracieux, anémones multicolores… Depuis une décennie, les fonds marins inspirent la création contemporaine. Menacés, ils fascinent les artistes et designers qui les transforment en mobilier, luminaires, céramiques et sculptures. Et ils font feu de tout matériau. Verre, céramique, papier, polymère ou encore bronze épousent les courbes de ces organismes des bas-fonds. Signe des temps, la dernière grande exposition estivale de la fondation d’art contemporain Carmignac, sur l’île de Porquerolles, avait choisi pour thématique « La Mer imaginaire ». Trente artistes y exploraient la puissance poétique des océans, évoquant à la fois une mer rêvée et en danger. Entre les éponges surréalistes d’Yves Klein et le homard gonflable de Jeff Koons, on y croisait une kyrielle de méduses multicolores en suspension de l’artiste Micha Laury ou une sculpture rhizomatique en corail rouge et mie de pain de Hubert Duprat.
Si elle revient sur le devant de la scène, cette inspiration artistique subaquatique, et plus largement celle des sciences naturelles, ne date pourtant pas d’hier. En décembre dernier, un colloque organisé au musée des Arts décoratifs par la lustrerie Régis Mathieu éclairait l’influence créative exercée par Ernst Haeckel (1834-1919), l’un des biologistes allemands les plus fameux du XIXème siècle. Ce dessinateur de talent, passionné de plancton et de zoologie marine, publie ses « Formes artistiques de la nature », en 1904, fantastique répertoire d’architectures géométriques et de motifs ornementaux issus des mers et des végétaux, qui devient une bible pour les ténors de l’Art Nouveau. Du peintre Gustav Klimt à René Binet – l’architecte de la Porte monumentale à l’Exposition universelle de 1900 –, nombreux sont ceux à s’inspirer de ses animaux invertébrés ondoyants et de ses radiolaires, micro-organismes marins unicellulaires aux étonnantes symétries. Abolissant les frontières entre art et sciences, Ernst Haeckel orne de méduses les murs et façades de sa propre maison baptisée « Villa Medusa », tandis que les verriers Léopold et Rudolf Blaschka, père et fils, transforment ses dessins naturalistes en fascinantes créatures de verre. Reléguées dans les réserves des musées pendant des décennies, leurs sculptures sont aujourd’hui exposées. Le photographe italien Guido Mocafico a même sillonné l’Europe et développé une mise en lumière particulière pour révéler leur délicatesse dans un ouvrage à paraître en 2022.
Tandis que les profondeurs refont surface, le chercheur et philosophe Ernst Haeckel attise à nouveau la curiosité. Preuve de ce regain d’intérêt : les éditions Taschen lui ont consacré une anthologie, dont une version XXL de 450 planches, rééditée en petit format en 2020. Quand il découvre les croquis haeckeliens il y a une dizaine d’années, le lustrier Régis Mathieu tombe littéralement en pâmoison. « C’était du pain bénit, raconte-t-il. Je tournais les pages et je voyais des lustres. Le dessin est déjà stylisé, j’y ai tout de suite perçu une grammaire ornementale d’une richesse fantastique. » Résultat : il conçoit une collection inspirée des abysses, dont une majestueuse méduse en cristal de roche et bronze finement ciselé aux allures de Discomedusa (sous-classe de méduses à l’ombrelle en forme de disque) dessinée par Haeckel un siècle auparavant.
La même fascination pour le biologiste allemand anime l’artiste Géraldine Gonzalez (galerie Maison Parisienne) qui réalise des méduses luminescentes en papier et en cristal, dont un banc d’une trentaine de spécimens peuple l’atrium de la renommée fondation suisse Michelangelo à Genève, dédiée à l’artisanat d’art. Plusieurs céramistes interprètent librement la beauté étrange des fonds marins. L’anglaise Anna Whitehouse se nourrit des collections des musées d’histoire naturelle pour concevoir des œufs texturés semblant issus des profondeurs, la Française Bénédicte Vallet (galerie Maison Parisienne) tisse avec du chanvre des pièces en porcelaine composant des oursins baptisés « Echinid », tandis que l’américaine Marguerita Hagan, passionnée de sciences et de plongée, remonte à la surface avec des idées d’éponges dentelées qui viendront enrichir sa série « Marine abstracts ». « Les gens protègent ce qu’ils aiment », énonce cette dernière sur son site, citant le commandant Cousteau pour lequel sa sœur a travaillé et qui a éveillé sa conscience.
« Depuis une quinzaine d’années, on parle de plus en plus du plancton et de la préservation des fonds marins, décrypte Cloé Pitiot, conservatrice au département moderne et contemporain du musée des arts décoratifs. L’amélioration des outils scientifiques comme les microscopes 3D a amplifié l’intérêt pour le vivant et les micro-organismes. Toute une génération de designers s’y intéresse par le biais de la forme ou de la matière. » C’est le cas de l’israélienne Ayala Serfaty. À la croisée de la sculpture et du design, elle explore la biosphère sous-marine avec ses luminaires translucides en feutre ou polymère liquide qui ressemblent à des récifs coralliens. « Symbole de féminité et de subconscient, l’eau est aussi ce qui permet la vie et rend cette planète unique », affirme-t-elle, à l’image de ces artistes qui font de la défense des océans un cheval de bataille. Le Britannique Rogan Brown et la Californienne Courtney Mattison – doublement diplômée en art et écologie marine – dénoncent ainsi le blanchissement des coraux qui dépérissent dans des eaux trop chaudes, à travers de spectaculaires sculptures de céramique et de papier ciselé. Sublimant la prolifique beauté des profondeurs, leurs créations naviguent entre art et science. « Ces deux approches permettent d’explorer et d’expliquer le monde, commente Courtney Mattison. De Léonard de Vinci à la renaissance à Ernst Haeckel au XIXème siècle, les liens entre ces deux disciplines sont nombreux. Je fais partie d’une communauté grandissante d’artistes qui revendiquent l’interdisciplinarité et croient au pouvoir du “Sci-art” pour inventer un meilleur avenir à la planète. » Une chose est sûre, leurs œuvres hypnotiques renouvellent la vision de la lutte.
Issue de l’ouvrage « L’Art et la science de Ernst Haeckel » (éd. Taschen), cette planche répertoriant différents spécimens de méduses illustre les talents de dessinateur du biologiste allemand.
C’est un croquis de ce genre qui a inspiré le lustrier Régis Mathieu pour sa méduse lumineuse « Jellyfish » en bronze et cristal. Des centaines d’heures de travail ont été nécessaires.
Œuvre de l’artiste d’origine israélienne, Micha Laury, cette colonie de vingt-neuf méduses en silicone, déployant leurs longs filaments à la beauté menaçante, semble suspendue dans l’air. (Sans titre, 2006).
Associant corail de Méditerranée et mie de pain, l’œuvre « Corail Costa Brava », 1994-2020, du Français Hubert Duprat joue sur les frontières entre le spécimen scientifique et la création enfantine à base de boulettes de pain.
Le célèbre photographe italien Guido Mocafico a consacré un long travail aux œuvres des maîtres verriers Blaschka, réalisées au XIXème siècle. Grâce à un éclairage spécifique, la lumière émane des créatures translucides qu’on croirait léviter en eau profonde.
Avec ses magistrales sculptures murales de fonds marins en grès et porcelaine – ici « Confluence (Our Changing Seas v) » –, l’artiste activiste californienne Courtney Mattison réveille les consciences.
Fascinée par les méduses depuis près de vingt ans, l’artiste française Géraldine Gonzalez les imagine aériennes et délicates en papier ou, version « haute couture », recouvertes de perles de cristal.
Après avoir découvert les planches d’Ernst Haeckel il y a six ans, la céramiste américaine Marguerita Hagan s’est attelée à reproduire les dessins de ses micro-organismes marins en céramique, comme ici des radiolaires ou des diatomées issus de sa série « la Mer micro-sculpture ».
Avec sa série de luminaires « Apaya » (2010) réalisés en laine feutrée de mérinos et de mohair, la designer israélienne Ayala Serfaty conçoit d’étonnantes créatures aquatiques aux textures douces et filaments bouclés.
Dans sa série « Coral Ghost », l’artiste Rogan Brown découpe le papier au laser pour révéler de minutieuses dentelles de récifs et dénoncer l’impact de la crise climatique sur les océans et l’alarmant blanchissement des coraux.
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