Kirill Serebrennikov, cinéaste russe opposant à Poutine, affirme l’empreinte politique du Festival de Cannes. Deux réalisateurs ukrainiens vont également être placés sous les projecteurs du monde entier, tout comme un documentaire posthume évoquant Marioupol.


La dernière fois qu’il était venu à Cannes, c’était en 2016 pour Le Disciple. Il a été sélectionné en compétition plusieurs fois dans la foulée (Leto, La Fièvre de Petrov), mais Kirill Serebrennikov a connu des années d’assignation à résidence. Privé de Croisette ! Le réalisateur russe, opposant farouche à Vladimir Poutine, fait son retour cette année… physiquement. D’abord pour y présenter un film somptueux et tourmenté (La Femme de Tchaïkovski), mais surtout pour affirmer l’empreinte politique du plus grand festival de cinéma du monde. « Non à la guerre  ! » a lancé le cinéaste à l’issue de la projection officielle.
L’homme vit désormais à Berlin, va présenter une pièce à Avignon cet été. Et ne renonce pas à ses combats, malgré les ennuis (judiciaires entre autres) que fait s’abattre sur lui le pouvoir russe. « Cannes a toujours soutenu mon travail, assure-t-il en conférence de presse ce jeudi. Mais on ne peut pas être complètement heureux. Nous sommes tous liés à cette catastrophe. »

La catastrophe en question, c’est bien sûr la guerre en Ukraine. Lui-même confie en sous-texte en aider les victimes. « Il y a des réfugiés, il y a des vies brisées en Russie aussi. » Mais ne lui parlez du boycott des artistes russes. « Je comprends ceux qui l’exigent. Mais je leur dis que c’est impossible et insupportable. La culture, c’est l’eau, l’air, les images, toutes ces choses indépendantes de notre volonté. C’est ce qui rend les gens vivants. La culture et la guerre sont antagonistes. » Il en est d’autant plus conscient qu’il ne sait pas ce que va devenir le Gogol Center, espace théâtral avant-gardiste très prisé de la jeunesse qu’il a fondé à Moscou en 2013 (« Je ne l’ai pas fait pour moi, mais pour les Moscovites »).
Pas de délégation russe officielle cette année à Cannes. Mais tous les regards tournés vers l’Est. On a encore en tête l’intervention inopinée du président ukrainien Volodymyr Zelensky, citant en visio Le Dictateur de Chaplin autant qu’Apocalypse Now de Coppola lors de la cérémonie d’ouverture.
Ce jeudi est projeté à Cannes Mariupolis 2, documentaire posthume du réalisateur lituanien Mantas Kvedaravicius, tué par l’armée russe alors qu’il s’apprêtait à quitter la ville de Marioupol. Incroyable témoignage sur une tragédie toujours en cours. Le festival va aussi accueillir dans quelques jours le plus célèbre des cinéastes ukrainiens, Sergei Loznitsa, 57 ans, habitué des sélections (The Natural History of Destruction) ainsi que son jeune compatriote Maksim Nakonechnyi, qui dans Butterfly Vision raconte l’histoire d’une enseignante engagée dans la guerre du Donbass, enlevée, emprisonnée, revenant chez elle percluse de traumatismes. Cannes ne tourne pas le dos aux douleurs du monde.
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