Habitation de 8 m² avec vue sur mer. Ce pourrait être l’annonce publiée par Philippe Alix, 53 ans, heureux propriétaire d’un voilier de 7,60 mètres au port de plaisance des Minimes de La Rochelle. Comme d’autres, le quinquagénaire a fait le choix de s’installer dans un espace pas plus grand qu’une salle de bains pour vivre à l’année. Selon la capitainerie, ils sont environ 300 à avoir fait le même choix. Le port est un véritable « village flottant ».
Depuis juillet 2021, Philippe Alix, chef d’équipe dans une entreprise d’agroalimentaire, vit à bord du « Phiver », un bateau qu’il avait déjà et qu’il gardait au sec l’hiver à Mirambeau. Dans son ancienne vie, il habitait…
Depuis juillet 2021, Philippe Alix, chef d’équipe dans une entreprise d’agroalimentaire, vit à bord du « Phiver », un bateau qu’il avait déjà et qu’il gardait au sec l’hiver à Mirambeau. Dans son ancienne vie, il habitait dans une maison, travaillait à Jonzac. Il se voit proposer un poste à La Rochelle. « J’étais en période d’essai, je n’aurais jamais pu décrocher une location. Et puis vu les prix des loyers, je ne pouvais rien trouver à moins de vingt minutes de mon lieu de travail. » S’installer à bord de « Phiver » devait être une solution d’urgence, c’est devenu un choix de vie. « L’hiver, ça peut aller, mais jusqu’à 4 °C. En dessous, c’est un peu plus dur à supporter. »
Au milieu de son désordre ordonné, Philippe Alix, célibataire, a pris ses habitudes. L’espace est optimisé. Seul hic, il ne tient pas debout dans son bateau. 1,62 mètre de hauteur de plafond qui l’oblige à déambuler le dos voûté. Avec ses économies réalisées, il compte s’offrir un nouveau voilier, plus grand. Car ce choix n’est pas seulement pratique, il est aussi très économique.
Amarré au ponton à l’année, Philippe Alix ne paye que 1 700 euros par an sa redevance portuaire pour la place, l’électricité et l’eau, soit 140 euros par mois. Les douches, il les prend au bloc sanitaire qui se trouve juste en face. Sur chaque ponton, la consommation d’électricité est limitée à 10 ampères et pas un de plus. Au quotidien, le marin joue les équilibristes électriques pour éviter que ça disjoncte. « Quand j’allume la bouilloire, faut que je débranche le chauffage. »
C’est aussi une habitude qu’a prise Galaad Checcacci. Cet étudiant de 19 ans en troisième année au Lycée maritime et aquacole de La Rochelle a fait d’un joli petit voilier à la coque orange son antre dans 5 m². Long de 9,80 mètres, le « Charly Droop » est encore amarré au ponton visiteur du port des Minimes. Le jeune homme l’a acheté en août 3 000 euros et s’y est installé le 1er septembre. Pour l’instant, le loyer est cher, 4 000 euros à l’année pour le ponton visiteur, il sera de 2 000 euros dans quatorze mois quand il aura son anneau à l’année.
Mais pour Galaad Checcacci, le bénéfice économique est sans commune mesure avec la vie sur terre. « En juin, j’ai dû quitter le logement que j’occupais, et je me suis mis à chercher une nouvelle location. J’ai dû avoir entre une trentaine et une quarantaine de visites. J’avais un peu d’argent grâce à un travail saisonnier de mytiliculteur et j’ai pensé à acheter un bateau habitable. » L’opportunité s’est présentée avec le « Charly Droop ». Galaad Checcacci est passé de 15 m² en appartement payé 450 euros par mois à 5 m². Il est philosophe. « 15 m², c’est trop grand pour moi. Je fais beaucoup de choses sans bouger de mon lit. »
Son copain de classe Malo Thirode, 18 ans, est installé quelques pontons plus loin. Lui aussi a opté pour une vie à l’année dans le bateau de ses grands-parents, « La Puce », qui n’a rien d’un insecte minuscule. Sa maison est un voilier Feeling 32 de 10 mètres, 15 m² de surface habitable. Le standing est nettement plus au-dessus de celui de Philippe Alix et de Galaad Checcacci. Intérieur bois, banquettes bleues nickels, plusieurs couchettes et même une douche à l’intérieur. Le rangement est impeccable. « Dans un bateau, on ne peut pas se permettre de laisser du bordel. » Il connaît sa chance. « C’est un voilier familial amarré à La Rochelle depuis six ans. Vu le prix des appartements, j’ai proposé à mes grands-parents de m’y installer et de m’en occuper. La nuit, le bruit du vent me berce, on se fait doucement rouler. Je dors mieux là que dans mon lit. C’est presque une vie de rêve. »
Du côté du ponton visiteur, la vie est un peu moins glamour pour Galaad Checcacci qui a n’en est pas moins heureux. « Les premières nuits, quand il y avait du vent, j’ai eu le mal de mer. J’avais l’impression que le bateau allait exploser ! Je ne peux pas me tenir debout, je m’assomme souvent. Mais je me sens bien. » Le voisinage est calme. « On est parfois réveillé par les poissons qui sautent sur la coque », précise Malo Thirode. Philippe Alix est aussi dans son élément. « Rien ne me manque. C’est une vraie liberté. Je réalise un rêve d’enfant, j’ai grandi avec les écrits de grands navigateurs. J’ai quand même un balcon avec vue sur mer. » Tous les trois sont des marins aguerris et ça a toute son importance, pour l’aspect sécuritaire, mais aussi pour la frime. « C’est pas mal pour les filles, sourit Galaad Checcacci. En un clin d’œil, je peux les emmener jusqu’à Rivedoux-Plage voir le coucher de soleil. »

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