l’essentiel Le salon maçonnique qui se tient à Toulouse ce week-end illustre la volonté d’ouverture de la franc-maçonnerie française entamée il y a plusieurs années. L’occasion pour les francs-maçons de battre en brèche les fantasmes et les caricatures qui entourent leurs activités, et d’expliquer leur rôle méconnu dans la défense des libertés et de la République.
Faites l’expérience : évoquez les francs-maçons dans une discussion en famille, entre amis ou entre collègues et bien souvent émergeront toute une série de clichés, nourrie depuis des années par une couverture médiatique aussi sensationnaliste que spécieuse. Pour certains hebdomadaires, en effet, la franc-maçonnerie est devenue, comme l’immobilier ou l’immigration, un de ces marronniers qui, régulièrement, se retrouve en couverture en promettant de révéler les coulisses des temples, le lobbying politique des frères, les turpitudes ou les malversations des loges. Et ces approximations grossières et volontiers complotistes se déploient évidemment sur les réseaux sociaux, caisse de résonance de toutes les haines.
Les francs-maçons sont bien sûr habitués à tout cela. Toutes les critiques qu’ils essuient ne sont pas infondées : certains ne deviennent frères ou sœurs que pour se constituer un réseau professionnel ou politique, d’autres prennent les loges pour des clubs de loisirs, et une minorité s’est retrouvée impliquée par le passé dans de retentissantes affaires judiciaires bien éloignées des fondements de la franc-maçonnerie moderne, née à l’orée du siècle des Lumières, en 1717 à Londres puis en 1725 à Paris.
Pour éviter ces caricatures, mais aussi accessoirement pour faire face à la baisse des effectifs, la franc-maçonnerie a choisi ces dernières années l’ouverture. Sortant du secret – ou plus justement de la discrétion – qui entoure leurs activités et leurs tenues, les obédiences ont multiplié les conférences, les portes ouvertes de leurs temples, les interventions pour expliquer leur longue histoire, leur engagement dans la cité et la finalité de leurs travaux philosophiques, à la fois individuels et collectifs. Des événements qui, à chaque fois, rencontrent le succès public. Le salon maçonnique de Toulouse qui se tient ce week-end attire ainsi 30 % de profanes. Et que dire des grandes expositions sur la franc-maçonnerie qui ont eu lieu à la bibliothèque nationale de France à Paris en 2016 ou à la médiathèque Emile Zola à Montpellier en 2019 et qui ont attiré une foule de visiteurs.
Cette ouverture est l’occasion pour les frères et sœurs d’expliquer ce qu’est aujourd’hui la franc-maçonnerie française et ce qu’elle a apporté en trois siècles d’histoire. Dans le paysage mondial de la franc-maçonnerie, la France, en effet, présente des spécificités : de larges effectifs (150 000 membres, en baisse après les deux années du Covid) et une balkanisation avec de nombreuses obédiences, masculines, féminines ou mixtes, qui est à la fois une chance et un handicap quand surgissent les querelles. « Au-delà des différences politiques, sociétales, religieuses et philosophiques (qui relèvent du choix de chacun), jamais les usages dans les loges ne se sont autant diversifiés, de l’esprit libertaire à la stricte observance traditionnelle », faisait remarquer l’historien Yves Hivert-Messeca à l’occasion de l’exposition à la BNF.
Rencontres et expositions permettent ensuite d’expliquer le rôle méconnu des francs-maçons dans le renforcement des libertés – de conscience et d’expression – la recherche d’une société plus égalitaire et fraternelle et la défense de la République sociale et de la laïcité.
Engager ces combats a valu aux francs-maçons de nombreuses persécutions, celle de l’Église catholique comme celles du régime de Vichy pour n’en citer que deux. Mais à chaque fois la franc-maçonnerie – au-delà des nombreuses divergences qui ont traversé ses rangs et son histoire – a été à l’avant-garde du mouvement des idées et des progrès sociaux et sociétaux. « Durant le siècle des Révolutions (1830, 1848, 1870) […] les francs-maçons vont conduire, à marche forcée, un bouleversement en profondeur de la société française qui transforme en quelques années un pays rural et conservateur en une démocratie moderne. Les lois sur la liberté de la presse, la liberté d’association, la laïcité, le Code du travail, l’école laïque et obligatoire ou encore les premières bases de la protection sociale leur sont largement redevables », rappelle l’historien Pierre Mollier, directeur de la bibliothèque du Grand Orient de France et conservateur du Musée de la franc-maçonnerie.
Aujourd’hui, la franc-maçonnerie française s’inscrit dans cet héritage et le fait avec d’autant plus de détermination que le monde fait face à des crises géopolitiques majeures avec une montée des autoritarismes qui menacent les démocraties et l’universalisme humaniste.

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