Le 5 juillet, Deezer fait son introduction sur Euronext, via le SPAC I2PO, créé sous l'égide de Matthieu Pigasse, d'Artemis, et d'Iris Knobloch, ex-dirigeante de Warner Media en Europe. L'occasion de revenir sur l'incroyable histoire de cette société parisienne, qui fut la pionnière du streaming musical dans le monde. En attendant notre grande enquête à paraître en ligne le jeudi 30 juin, et dès le lendemain dans les kiosques, voici cinq choses à savoir sur ce nom désormais bien connu des mélomanes.
Par Isabelle Lesniak
La licorne, créée il y a quinze ans, a ouvert la voie dans bien des domaines du streaming musical. Alors qu'elle entre en Bourse sur Euronext à partir du 5 juillet 2022, retour sur cinq faits souvent méconnus de son histoire.
L'aventure de Deezer a commencé il y a quinze ans rue Emile-Ménier, dans le 16e arrondissement parisien, dans un modeste appartement niché sous les toits et prêté aux cofondateurs Daniel Marhely et Jonathan Benassaya par un business angel de la première heure dénommé… Xavier Niel.
Le fondateur de Free, qui avait fait fortune avec le Minitel rose, a investi 250.000 euros dans Deezer en échange de 20 % du capital, deux mois avant le démarrage officiel de ce premier site de streaming légal, en août 2007. C'est sous son impulsion que le lancement a été précipité pour couper l'herbe sous le pied d'Universal Music, qui s'apprêtait à activer son propre partenariat avec Neuf.
En 2007, Deezer est co-fondé par deux Français qui ont à peine dépassé la vingtaine. D'un côté, Daniel Marhely, un codeur-né ayant quitté l'école sans diplôme à 16 ans. Ce dernier était déjà à l'origine du site de rencontre en ligne lovelee.com ainsi que du prédécesseur de Deezer, Blogmusik.net, un service qu'il avait bidouillé en 2006 pour recenser tous les fichiers où la musique était disséminée sur internet et l'écouter sans téléchargement. De l'autre, Jonathan Benassaya, un ancien étudiant de l'Essec qui avait créé une régie de publicité en ligne spécialisée dans le jeu vidéo.
BUSINESS STORY – Deezer, une histoire (trop) française
Les deux hommes se sont rencontrés par hasard dans un incubateur de start-up et ont formé un duo complémentaire : le développeur et le communicant. Après des désaccords stratégiques, leurs chemins se sont séparés fin 2010 quand Jonathan Benassaya a émigré aux Etats-Unis. Daniel Marhely ne s'est éloigné de Deezer qu'en 2015, mais en reste actionnaire et administrateur.
Le jeune Deezer ne pouvait pas démarrer sans l'incontournable catalogue d'Universal. Mais les négociations avec le leader de l'industrie ont été plus ardues qu'avec les autres acteurs. Une fois un premier accord trouvé avec la SACEM, les pourparlers avec Sony BMG (le premier à signer, étant donné l'implication très forte du patron France Christophe Lameignère), Warner et les indépendants se concluent assez rapidement, permettant d'encadrer pour la première fois dans le monde l'activité d'une plate-forme de streaming proposant de « la musique gratuite, illimitée légale et accessible à tous les internautes ».
Il faut cependant plus de 18 mois pour rallier le leader du marché, Universal Music, qui exige au moment de la renégociation que Deezer interdise à ses auditeurs d'écouter plus de cinq fois un titre dans les 30 jours. C'est en partie sous la pression d'Universal que Deezer, au départ lancé sur un modèle freemium, adopte l'abonnement payant.
Dès 2010, un accord inédit avec Orange permet à Deezer de devenir le service musical par défaut de 10 millions d'abonnés à l'internet. Il s'agit du premier accord mondial entre un opérateur de télécommunication et une plate-forme de streaming. Les deux parties y gagnent. Orange, qui un peu en retard sur SFR en matière d'offre musicale trouve avec Deezer un partenaire français de choix. Deezer booste ses volumes d'utilisateurs sans que ces derniers n'utilisent massivement une offre qu'ils ne payent pas directement et peut décharger sur son partenaire la plus grande partie du budget marketing. Ce précédent fera des émules.
Orange a depuis dupliqué l'exemple dans de nombreuses filiales, de la Pologne au Sénégal, et Deezer récidivé notamment au Brésil (Tim), son deuxième plus gros marché après la France. Par rapport à ses concurrents, Deezer reste nettement plus dépendant du B2B jusqu'à ce jour.
Deezer souffre d'une sous-capitalisation constante par rapport à des concurrents c omme Spotify ou les filiales des GAFAM : Amazon Music, Apple Music ou YouTube. Il lui a fallu attendre la fin de 2012 pour que le milliardaire d'origine ukrainienne Len Blavatnik (actionnaire majoritaire de Warner Music) vienne y investir 100 millions d'euros via son fonds Access Industries aux côtés d'Idinvest Partners.
Musique, IPO, SPAC, Deezer : paroles, paroles
En 2015, la plate-forme décide de tenter l'aventure de la Bourse, sur la base d'une valorisation de 1,1 milliard d'euros, dans l'espoir de lever 300 millions d'euros. Elle doit in extremis renoncer à sa cotation en raison d'un contexte financier adverse, marqué par la dégringolade du cours de la webradio américaine Pandora et les résultats décevants du leader du streaming vidéo, Netflix. La deuxième fois sera-t-elle la bonne malgré les conditions de marché actuelles, très défavorables aux valeurs technologiques ?
Isabelle Lesniak
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